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21/04/2015

Aimer la France, suivant Bernard Maris.

Aimer la France est une passion que certains voudraient aujourd'hui éradiquer comme une maladie honteuse : or, il n'y a pas de honte à aimer, et aucune à aimer la France en particulier, cette particulière historique qui, Français, nous est propre, nés que nous sommes sur sa terre et inscrits dans son histoire et son présent. D'autres n'ont pas cette chance natale mais viennent y frayer, parfois s'y joindre et, par leur amour nouveau qui lui redonne toujours quelques couleurs supplémentaires, confirmer la belle formule de Bainville : « Le peuple français est un composé. C'est mieux qu'une race. C'est une nation. »

 

Assassiné en janvier dans les circonstances que l'on sait, l'écrivain Bernard Maris, à qui l'on doit quelques textes forts de dissidence économique et une très belle étude sur Genevoix et Jünger, laisse en héritage un livre qui va paraître ces jours prochains et qui s'intitule « Et si on aimait la France » : les longs extraits publiés dans l'hebdomadaire Marianne cette semaine (17-23 avril 2015) dévoilent quelques aspects de cet amour vrai pour une France qui, si nous n'en voyons pas tous les mêmes attraits et n'en sommes pas tous amoureux de la même manière, n'a jamais cessé d'inspirer les plus nobles sentiments et, parfois, les actions les plus folles.

 

S'il n'apprécie guère le Maurras de la « divine surprise », il n'en rend pas moins hommage à bien d'autres qui peuvent agacer les Bernard-Henri Lévy et Fleur Pellerin, par exemple, ces cuistres actuels de la « culture de gôche » qui prônent le libéral-nomadisme et refusent l'enracinement. A ceux-là, Maris préfère « les historiens dits de droite, de Bainville à Tocqueville en passant par Pierre Chaunu et Patrick Buisson ». Il poursuit : « Je lis même courageusement le Dictionnaire amoureux de la France de Tillinac, sympathique Gault et Millau de la franchouille, avec Cyrano et d'Artagnan, et Jeanne la Bonne Lorraine, et les nichons de la Pompadour qui donnèrent forme à nos coupes de champagne », et rappelle qu'il a connu « des Français pleins de gaieté. Authier, Lapaque et leur bande, par exemple ». « Et si j'écrivais pour eux ? Pour les désespérés si drôles ? Houellebecq, Cabu, Reiser, Cioran ? » En fait, Bernard Maris écrit pour beaucoup d'autres et, en particulier pour tous les Français et ceux qui, même loin d'elle, aiment la France.

 

Il nous rappelle aussi que cet amour de la France n'est la propriété privée de personne mais la possibilité publique de tous : que des anarchistes, que l'on croit parfois sans attaches, soient des passionnés de la France ne nous surprend pas, nous qui avons jadis lu Proudhon et qui savons que ce sont aussi (et entre autres) des anarchistes espagnols qui participèrent, sous les ordres du monarchiste Leclerc, à la Libération de Paris ! Ainsi, Maris évoque, par exemple, François Cavanna comme l'un des « plus grands défenseurs de la France (…), anarchiste, fils de maçon immigré italien, fondateur de Hara-Kiri puis de Charlie-Hebdo, rat d'archives et grand connaisseur de la période des rois dits fainéants, incroyable goûteur et apprêteur de la langue, ennemi radical du point-virgule que j'adore, et le meilleur conteur de l'histoire et de l'architecture de Paris. »

 

La France aimée, y compris de ceux qui n'y sont pas nés et qui valent mille fois mieux, bien souvent, que ces libéraux mondialisés de type Pascal Lamy ou Pierre Moscovici, ces salopards en costume qui méprisent notre pays, « trop petit » selon eux, ou « trop irréaliste » ! Bernard Maris vante ainsi « Mustapha, algérien, correcteur de son métier, immigré, Mustapha dont la syntaxe est tellement parfaite qu'il en remontrerait au Bon Usage – fait par un Belge, si j'ai bonne mémoire. » Et l'on pourrait y ajouter Max Gallo, Andreï Makine, ou Milan Kundera et, bien sûr, Léopold Sedar Senghor !

 

Maurras parlait de la déesse France : elle est, en tout cas, notre éternelle passion, et nous aimons qu'elle soit aimée des nôtres et des autres...