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19/01/2011

Jean Dutourd, ce royaliste.

 Lundi soir, je flânais dans Paris, des journaux pleins les bras et le nez au vent, le sacré-coeur chouan en épinglette sur mon manteau et, comme d'habitude, mes pas m'ont mené chez Boulinier, vaste débarras de livres, disques et films dans lequel il m'est arrivé plus d'une fois de trouver quelques raretés et pépites, autant livresques que cinématographiques. Pour une fois, j'ai été raisonnable, n'achetant qu'un vieux livre de Stéphane Bern des années 80 intitulé « L'Europe des rois », au demeurant très instructif malgré son ancienneté (relative), pour la somme modique d'un euro !

 

Parmi les autres livres en rayon, « Le feld-maréchal von Bonaparte », de Jean Dutourd : un livre que j'ai lu lorsqu'il est paru au milieu des années 90, un véritable brûlot « contre-révolutionnaire » sous la forme d'une uchronie mais aussi un essai qui remettait en valeur la monarchie et son oeuvre comparées aux régimes qui suivirent. Négligemment, je me suis mis à feuilleter cet ouvrage, m'arrêtant sur quelques passages qu'il serait utile de rappeler aux « oublieux » de notre histoire ou aux républicanistes idolâtres.

 

Tiens, celui-ci : « Tant qu'il y avait un roi et que le roi ressuscitait périodiquement, le peuple sentait sur lui une autorité paternelle et protectrice, même si parfois cette autorité se manifestait rudement, voire inhumainement (ou ne se manifestait pas, ce qui était encore plus douloureux). Le roi avait l'inestimable privilège d'être le fils de son père, lequel était le fils de son père également, et ainsi de suite jusque dans la nuit des temps (c'est-à-dire jusqu'à Hugues Capet puisque, depuis lui, la même famille était assise sur le trône). Bref, le roi, fût-il tout juste majeur, fût-il un gamin de treize ans, était très vieux, bien plus vieux que le peuple, et de ce fait plus savant, plus capable, voire infaillible ; il était le patriarche qui conduisait la nation au ciel. Mieux encore, grâce à lui le pays, ayant été renversé, navré, laissé pour mort, finissait par reprendre la position verticale, et conséquemment par retrouver sa fierté, comme si le roi eût été un facteur d'équilibre ; quelque chose comme le bloc de plomb à la base des poupées de bois, qui les maintient en équilibre. »

 

Ou, plus loin : « La France de l'Ancien Régime était protégée du pouvoir dit « absolu » par une infinité d'habitudes et d'avantages locaux qui, à force d'exister et de durer, avaient fini par devenir intouchables. » Ce que les royalistes du XIXe siècle résumaient par la formule « Les républiques françaises sous le patronage et l'arbitrage du roi », ou « Sub rege, rei publicae »...

 

J'ai refermé le livre avec un sourire et j'ai repris le métro pour rentrer tranquillement chez moi.

 

Ce mardi matin, un ami m'a envoyé un texto fort bref : « Jean Dutourd est mort cette nuit ». Au moment même où je lisais sa charge contre-révolutionnaire !

 

Ce soir, j'ai repris « Le feld-maréchal von Bonaparte » et je passe cette nuit, trop froide, à le relire : non, Dutourd n'est pas mort, puisqu'il reste ses livres, ses phrases, ses mots...

 

J'irai déposer une brassée de lys sur votre tombe, M. Dutourd : que ces fleurs de la fidélité vous accompagnent dans le Grand voyage...