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05/04/2020

La crise de 2008 a profité à l'Asie. (Petit rappel pour comprendre celle de 2020)

 

Le texte ci-dessous a été écrit et publié en octobre 2008, et il ne me semble pas incongru de le republier aujourd'hui, pour entretenir la mémoire et en tirer quelques leçons, au regard de la crise actuelle qui voit désormais la Chine tirer bénéfice d'une situation qu'elle n'a pas entièrement créée même si elle en porte une part de responsabilité indéniable. Après 2008, la mondialisation a continué et s'est même accélérée, et la Chine a conforté ses positions, aidée en cela par l'irresponsabilité ou la cupidité des actionnaires et de nombre de multinationales qui ne raisonnent qu'en termes « d'avantages comparatifs » : les conséquences sont là, et nous pouvons les mesurer (les masques et le matériel médical qui manquent en France, puisque désormais fabriqués en Chine, par exemple), sans être bien certain, pour mon compte, que la République et les partisans de la mondialisation libérale aient la volonté réelle d'infléchir les choses et de revenir à plus de raison et, disons le mot, de « nation »...

 

 

 

La crise, transfert de richesses et de pouvoirs vers l'Asie. (9 octobre 2008)

 

La crise financière continue à se développer sans que l’on sache combien de temps elle va durer et quelles en seront toutes les conséquences. La dégringolade des places boursières donne l’impression d’une vaste panique incontrôlée et d’une perte de confiance généralisée dans le système financier mondial. Mais, au-delà des évènements, il me semble important de chercher à comprendre ce qui se passe, condition indispensable à toute stratégie économique crédible et à toute réponse politique.

 

En fait, il n’est pas inutile de se rappeler que le terme même de crise est la traduction française du mot grec « krisis » qui signifie « séparation » : c’est bien de cela dont il s’agit, une séparation entre un avant et un après, une forme de transition en somme entre deux situations, deux réalités, deux mondes.

 

Ainsi, nous assistons au « passage de témoin » de la puissance financière et économique, des pays du Nord (Etats-Unis, pays européens, principalement) à certaines nations d’Asie, en particulier l’Inde et la Chine, ce que soulignent quelques (rares) articles qui évitent de tomber dans le piège d’une lecture simpliste et seulement idéologique, pas toujours suffisante pour comprendre la situation présente : si crise du capitalisme il y a, cela ne signifie pas la fin de celui-ci mais son transfert dans de nouveaux espaces dominants, dans de nouvelles zones de réalisation et d’expansion. Le centre du monde se déplace vers l’Asie et, comme tout déracinement de ce que l’on a cru éternel et inexpugnable, cela se fait dans de grands craquements et dans la poussière soulevée par ces grands arbres qui s’abattent sur un sol devenu aride… L’argent est désormais ailleurs que dans nos pays qui, en caricaturant un peu, se contentent juste de consommer des produits fabriqués en Asie, serrant par là-même la corde autour du cou de nos économies.

 

La question posée dans « Le Monde 2 » dans son édition du samedi 4 octobre : « Au décours de cette crise, les actuels maîtres du monde seront-ils toujours ceux de demain ? » trouve ainsi sa réponse dans un autre article du « Monde » du même jour : « La crise renforcera l’Asie », article de l’économiste Jean-Raphaël Chaponniere qu’il conviendrait de découper et de conserver dans son portefeuille, non comme un talisman mais comme un avertissement, et qui confirme mes prévisions déjà anciennes.

 

Ainsi, est-il expliqué que « la crise financière, la plus grave depuis 1929, accélérera le glissement du centre du monde vers l’Asie », glissement commencé depuis les années 80-90 et freiné par la crise de 1997. « Cependant, tous les pays asiatiques ont tiré les leçons de la crise de 1997 et ont accumulé des réserves pour se protéger. Investis en bons du Trésor américain, elles ont permis aux Etats-Unis de maintenir des taux d’intérêt bas et aux ménages américains de s’endetter davantage. L’Asie a ainsi profité de la boulimie de consommation aux Etats-Unis. Ces excès ont conduit à la crise. (…)

Depuis l’été 2007, les Etats-Unis souffrent de la grippe des subprimes et, si les marchés asiatiques ont souffert, les économies réelles ont été épargnées. En 2009, elles seront bien sûr affectées par la récession qui s’annonce. Pour autant, elles connaîtront un rythme de croissance supérieur à celui des économies américaines, européennes et japonaises.

(…) L’attention portée aux échanges occulte l’essentiel : la croissance asiatique repose bien davantage sur la demande domestique. L’investissement et la consommation sont les principaux ressorts de ces pays. Ils ne seront affectés qu’à la marge par la crise. (…)

Les Etats et les ménages asiatiques qui en ont les moyens financiers continueront d’investir et de consommer. S’ils ont pâti de la crise financière, les fonds souverains asiatiques vont quant à eux probablement saisir cette opportunité pour acquérir des actifs aux Etats-Unis et en Europe.

(…) En accélérant le basculement vers l’Asie, la crise actuelle accouchera d’un monde multipolaire. ».

 

Comprendre ce transfert de richesses et de puissance économique, c’est en prévenir aussi les conséquences et en amortir le choc : le capitalisme libéral, s’il se retire de nos terres pour aller fleurir ailleurs, pourrait bien laisser la place à de nouvelles formes, traditionnelles ou inédites, d’économie et de société, mieux orientées vers le partage et la sobriété. Pour en finir, non pas avec l’Argent, mais avec son règne indécent et cruel…

 

 

 

(9 octobre 2008)

 

 

 

18/06/2009

La France et l'Afrique.

Les funérailles du président Omar Bongo ont donné lieu à quelques manifestations d’hostilité au président français, habitué à des publics plus enthousiastes à son endroit. En fait, il semble bien que ces mécontentements exprimés rentrent surtout dans le cadre d’une succession délicate du chef d’Etat gabonais…

 

Mais, parmi les cris des manifestants, l’un aurait pu soulever quelques questions chez les journalistes présents, c’est celui de « Nous voulons la Chine », car il est très révélateur du nouveau rapport de forces en Afrique : au moment où la France ne sait plus très bien comment se débrouiller avec une Afrique francophone qui semble lui échapper ou vouloir en finir avec la fameuse Francafrique, les pouvoirs africains se tournent vers de nouveaux protecteurs, peu regardants sur la nature des régimes politiques et sur la question des droits humains, et principalement intéressés par les matières premières du sous-sol africain, par les millions d’hectares de terres « à louer » (malgré la présence de populations indigènes sur celles-ci…) et par le rôle qu’ils peuvent jouer sur ce continent encore en devenir. La Chine est aujourd’hui bien implantée en Afrique et n’a guère de scrupules ni de gêne dans sa politique africaine : pragmatique avant tout, elle a compris que les démocraties européennes, en particulier la France, se repliaient sur leur pré carré et abandonnaient leurs traditionnelles amitiés au Sud, légitimant cet abandon derrière la volonté de solder un post-colonialisme parfois douteux…

 

Ce repli des démocraties européennes et en particulier de la France est incontestablement une erreur en attendant de devenir une faute : la domination chinoise est un avant-goût de ce qui pourrait bien attendre (et atteindre) les pays européens s’ils ne sortent pas de cet engrenage de la repentance facile et de ce « retrait de l’Histoire » qui laisse entendre qu’ils n’ont plus d’autre volonté que de « consommer en paix ». C’est une tentation que le général de Gaulle a déjà, en son temps, combattue, convaincu que la France avait un rôle notable à jouer dans la recomposition africaine et dans le développement d’une francophonie utile dont l’Afrique reste un moteur nécessaire.

 

« Nous voulons la Chine » : ce cri sonne comme un véritable échec pour une République française qui, faute d’un grand dessein pour la politique africaine, n’a pas su aborder les temps nouveaux (et l’évolution des mentalités) et n’a pas su offrir à ses partenaires africains une alternative crédible aux jeux des grandes puissances états-unienne et chinoise (en attendant l’Inde…).

 

Pourtant, il faudra bien que la France, au lieu de s’obnubiler sur la seule construction européenne qui, si elle a une importance indéniable, n’est pourtant pas la seule voie ouverte à l’avenir français, réfléchisse et agisse pour renouer avec une Afrique qui a tant à lui dire et à lui offrir, et envers elle a tant de devoirs et de liens à entretenir.

 

S’il manque une grande « politique africaine de la France », n’est-ce pas parce que l’Etat ne dispose ni de la durée ni de cet enracinement dans l’Histoire qui sont pourtant si nécessaires pour s’assurer un destin et une place (de médiation, par exemple) dans le monde. Là encore, il manque un Etat à la France digne de son histoire et capable de parler aux Africains sans condescendance ni démagogie : un Etat royal, en somme, qui incarne la France dans la durée et soit capable d’écouter et de soutenir les espérances des Africains.

08/04/2008

La flamme olympique à Paris.

La flamme olympique a connu à Paris un véritable parcours du combattant et des incidents qui ont aussi mis en avant les contradictions des démocraties face à la Chine. Les images retransmises sur la Toile sont souvent spectaculaires, en particulier par la violence inappropriée de certains manifestants et la réaction parfois rude de forces de l’ordre visiblement dépassées par moments et gênées par l’attitude des officiels chinois, véritables maîtres, semble-t-il, de l’organisation et du contrôle de la flamme… Comme le disait un intervenant sur une radio périphérique, on rejouait, d’une certaine manière, « les Chinois à Paris » (film de Jean Yanne, jadis condamné par l’ambassade de la République populaire chinoise et attaqué dans les cinémas par les maoïstes parisiens…), avec des autorités françaises qui étaient, pour des raisons qu’il faut souhaiter de courtoisie diplomatique et non pas économiques ou idéologiques, les « obligés de l’Etat chinois ». Que la Chine ait pu imposer ses consignes sur notre territoire en arguant du fait qu’elle était l’organisatrice des prochains Jeux olympiques marque notre faiblesse actuelle et notre difficulté à faire respecter notre propre indépendance : il aurait mieux valu que les gardes du corps en tenue blanche et bleue évitent d’éteindre la flamme ou de décider (et d’imposer aux officiels français) les changements de parcours ; il aurait mieux valu tolérer quelques drapeaux tibétains sur le parcours que d’engager une véritable chasse au fanion du dalaï-lama comme ce fut malheureusement le cas, ce qui a laissé une impression désagréable aux téléspectateurs de notre pays…

 

Certaines images étaient aussi choquantes par la manière dont quelques uns, Tibétains ou non, s’en sont pris aux sportifs eux-mêmes, et je dois avouer que l’une d’entre elles m’a ému, mais pas au bénéfice des manifestants : c’est celle d’une sportive handicapée d’origine chinoise, poussée dans son fauteuil roulant, et protégeant d’un geste inquiet la flamme dont elle était un instant dépositaire, alors que plusieurs personnes fonçaient sur elles et n’étaient arrêtées par les gardes du corps qu’à quelques centimètres d’elle. Sur son visage pouvait se lire une grande frayeur ou une peine qui visiblement n’était pas feinte, et, là, j’ai pensé que cette violence à l’égard de la flamme était maladroite et risquait d’entraîner l’inverse de ce que prônaient les pro-Tibétains, y compris sur le plan médiatique et politique. D’ailleurs, ma crainte s’est trouvée confirmée par la nouvelle stratégie de la Chine qui a décidé de montrer les violences parisiennes sur les télés officielles chinoises, pariant (sans trop de risques…) qu’elles provoqueraient une réaction « nationaliste » et antitibétaine de la population, vexée de se trouver agressée par des Occidentaux considérés comme des « colonialistes » au nom d’un Tibet qu’elle considère comme province chinoise…

 

Il y a aussi un point qui m’inquiète, c’est le fait que notre pays serve de champ de bataille entre des communautés qui se renvoient la balle (sans mauvais jeu de mots, tragique en ce cas précis…) sur des raisons historiques et politiques qui ne sont pas les nôtres. Que notre pays puisse jouer un rôle de médiation entre les protagonistes d’un conflit territorial fort éloigné de Paris me semblerait plus approprié et, surtout, plus efficace : mais les événements d’hier, ajoutés à une certaine indigence diplomatique actuelle symbolisée par un Bernard Kouchner et une Rama Yade dont il est difficile de suivre la logique et la stratégie, nous privent de cette carte que d’autres, plus habiles, sauront sûrement (et malheureusement pour nous) saisir.

 

En tout cas, cette affaire rappelle que, pour pouvoir être entendu dans le monde, il ne suffit pas de manifester ou de gronder (même timidement), il faut avoir le poids et la volonté pour cela, mais surtout les moyens et l’envie de cette liberté qui reste, envers et contre tout, « la plus précieuse des libertés humaines », c’est-à-dire l’indépendance nationale : sans doute faudrait-il donc commencer par accepter de ne plus dépendre des seuls intérêts économiques et financiers, et de mieux préserver nos moyens, nos entreprises, nos richesses que, depuis quelques années, pour avoir des prix bas ou faire des affaires, nous « délocalisons »… en Chine !