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23/01/2017

L'amitié franco-allemande, à renforcer.

L’amitié franco-allemande est un bienfait, et elle ne doit pas être un carcan si elle veut demeurer et prospérer : forcée ou déséquilibrée, elle serait source de ressentiment et l’on sait combien ce dernier peut porter les nuées terribles du dissentiment et, parfois, de la guerre (1), comme celles des deux derniers siècles entre la vieille France et la nouvelle Allemagne née de notre défaite de 1870. Accuser la germanophobie française d’être responsable des trois derniers conflits directs entre les deux pays, comme l’a fait récemment le candidat importun et désavoué Vincent Peillon, est ridicule et peu conforme à la réalité, tout comme serait inopportun une germanophilie qui se parerait de l’idée « d’Europe » pour renoncer à toute indépendance française, pourtant première condition d’une franche amitié entre deux puissances qui, effectivement, ont longtemps eu des intérêts conflictuels en Europe, mais peuvent toujours gagner à les dépasser, sinon à les oublier…

 

Le jour du premier tour des primaires de la Belle Alliance Populaire était aussi l’anniversaire de ce fameux traité de l’Elysée, signé par de Gaulle et Adenauer, le 22 janvier 1963, traité trop souvent oublié et, il faut le dire, tout aussi incompris par ceux qui le commémorent sans le connaître. Et pourtant ! Ce traité mériterait une lecture attentive et, pourquoi pas, d’être revalorisé par les deux Etats, dans son esprit original : car, nos européistes ne s’en vantent pas, c’est bien Jean Monnet, le « père fondateur de l’Europe », qui a fait échouer ce traité car il ne rentrait pas dans le cadre de ses idées atlantistes… C’est ce qu’explique Michel Clapié dans son manuel universitaire « Institutions européennes » (publié en 2003) : « le traité de l’Elysée du 22 janvier 1963 (…) devait ouvrir l’ère nouvelle d’une entente franco-allemande privilégiée destinée à prendre le pas sur la relation transatlantique jusque-là défendue par Bonn. (…) Le traité de Paris fut aussitôt dénaturé par le Bundestag qui n’en autorisa la ratification qu’en l’assortissant d’un préambule directement inspiré par Jean Monnet, qui réaffirmait le lien privilégié de l’Allemagne avec les Etats-Unis d’Amérique, (…) un préambule dans lequel il était dit que ce traité ne portait pas préjudice à la loyauté du gouvernement fédéral vis-à-vis de l’OTAN, ni aux relations étroites entre l’Amérique et l’Europe. » (2) Ainsi, c’est bien Jean Monnet qui a été le fossoyeur de l’indépendance européenne et, d’une certaine manière, de la construction européenne souhaitable… (3)

 

Aujourd’hui, l’Allemagne s’est émancipé de la France et de son lien particulier avec celle-ci, et plus encore depuis Mme Merkel qui reprend la politique bismarckienne de M. Kohl, mais en y ajoutant une volonté de domination (sans la puissance ?) de son pays sur l’Union européenne toute entière : la tragédie grecque dont M. Hollande fut le témoin impuissant (certains diraient le complice passif…) a renforcé la position allemande dans le monde économique et politique, et lorsque le monde extérieur pense « Europe », il téléphone à Berlin, non à Bruxelles ou à Paris, à rebours de 2003 où c’était la France de MM. Chirac et Villepin qui incarnait et entraînait l’Europe (en coordination étroite avec l’Allemagne et la Russie), du moins celle qui se voulait libre de toute dépendance impériale atlantique…

 

Macron et Fillon veulent renouer des liens forts avec l’Allemagne, et ils ont raison. Mais les liens en question ne doivent pas être ceux qui emprisonnent mais ceux qui, au contraire, servent la liberté de chacun et l’intérêt de tous. Et il faudra, avant que de resserrer ces liens entre les deux Etats que la France, elle, retrouve sa « force d’être » et que son Etat soit digne de son nom et de ce qu’il impose, au regard de l’histoire et du monde qui, comme le clame, au-delà des temps, Georges Bernanos, « a besoin de la France ». Retrouver la liberté de parole que deux quinquennats de suivisme atlantiste ont fortement dégradée… La République en est-elle capable ? Si elle renoue avec la pratique capétienne qui, parfois, fut la sienne depuis de Gaulle, l’espoir est permis ! Mais il y manquera, tant que nous serons en République, la continuité qu’offre, sans mot dire, la présence d’une dynastie à la tête de l’Etat…

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : guerre aujourd’hui impossible entre nos deux pays, la France ayant « l’assurance-vie atomique » contrairement à sa voisine ;

 

(2) : extraits de Michel Clapié, « Institutions européennes », Champs Université, Flammarion, 2003, pages 132-133, 376 ;

 

(3) : Cette construction européenne souhaitable n’est sûrement pas le fédéralisme européen selon le rêve de MM. Schuman et Monnet, mais bien plutôt une union confédérale souple des Etats européens… Souple, ce qui ne signifie pas faible, bien sûr !

 

 

 

 

 

04/03/2014

Crimée, Ukraine, Russie...

 

La Crimée se rappelle au souvenir de l'histoire : il est difficile d'oublier que c'est dans une de ses stations balnéaires prisées des Russes depuis le milieu du XIXe siècle, Yalta, que s'est tenue, un jour de février 1945, cette conférence qui a, en fait, préparé la division durable du continent européen en deux blocs antagonistes sans être forcément bellicistes l'un envers l'autre, inaugurant un équilibre fort injuste (en particulier pour les populations elles-mêmes à qui l'on a guère demandé leur avis...) mais qui a autant permis la naissance d'une communauté européenne que le maintien d'une paix froide sur le continent durant près d'un demi-siècle.

 

 

 Le dégel consécutif à l'effondrement de l'Union soviétique a entraîné la dislocation de cet empire communiste dominé par la Russie et la naissance de nouveaux pays dont l'Ukraine, sur des frontières en partie redessinées par Nikita Khrouchtchev en 1954 ( en particulier pour le cas de la Crimée, rattachée arbitrairement à l'élément ukrainien) quand l'appartenance de celle-ci à l'ensemble russe ne semblait plus devoir poser de problèmes ni de contestations. Or, la Crimée occupe une situation stratégique sur la Mer noire que ne peut négliger le gouvernement russe, surtout depuis qu'il a renoué avec la logique de puissance !

 

 

 Aussi, les événements des derniers jours ne peuvent laisser indifférent mais doivent être regardés avec une certaine hauteur historique et géopolitique si l'on veut éviter les parti-pris inefficaces, et les malentendus toujours malvenus lorsqu'il s'agit de peser les risques et d'en éviter les effets parfois catastrophiques : mieux vaut éviter, parfois, de convoquer la morale (plus belligène qu'on ne le croit généralement) mais être plus soucieux de l'équilibre et de la justesse, mères de la paix possible...

 

 

 Or, les réactions occidentales à la défiance de M. Poutine face aux nouvelles autorités ukrainiennes nées de la révolution de la place Maïdan ont été plus maladroites que véritablement bénéfiques pour la concorde dans cette région compliquée par la question des nationalités et des langues : il n'est d'ailleurs pas indifférent de constater que c'est la question linguistique qui a provoquée une sorte de sécession de l'Ukraine de l'est la semaine passée, lorsque les nouveaux maîtres de Kiev ont fait voter à la Rada (le parlement ukrainien) l'interdiction du russe comme deuxième langue officielle de l'Ukraine, interdiction désormais suspendue par le président par intérim. Pour engager un dialogue constructif avec la Russie, sans doute aurait-il été bienvenu que les Etats occidentaux soutenant le processus révolutionnaire en cours aient été plus réactifs sur ce point, en déconseillant ouvertement aux nouvelles autorités cet ostracisme linguistique et en insistant sur ce qui pouvait réunir plutôt que diviser un pays à l'unité déjà profondément ébranlé : occasion manquée, malheureusement, ce que ne manque pas de souligner l'Union des Russophones de France dans un communiqué attristé déplorant « la complaisance des autorités françaises et de l'Union européenne à l'égard de cette mesure [d'interdiction du russe] du pouvoir révolutionnaire de Kiev qui constitue une violation directe et caractérisée des principes même de l'Union européenne et, au-delà, de toute l'Europe »...

 

 

 Et maintenant, que peut-il se passer ? La guerre est-elle possible, comme certains le murmurent ? Elle n'est, en tout cas, pas souhaitable, et il n'est pas certain qu'elle soit souhaitée par les maîtres du Kremlin, contrairement à ce que laissent trop facilement (et dangereusement) entendre quelques journalistes ou analystes occidentaux pour qui le pire tient lieu de politique et de sensations...

 

 

 

Quoiqu'il en soit, la diplomatie française s'honorerait de penser aux moyens de renouer une relation apaisée avec une Russie aujourd'hui mortifiée d'être toujours considérée comme une puissance dépassée quand, pourtant, elle a tant à offrir à l'Europe et que son histoire se confond trop avec celle de notre continent pour accepter d'en être exclue par les oukases d'un Bernard-Henri Lévy, boutefeu d'une russophobie inquiétante pour la paix européenne...

 

 

 

 

 

20/03/2011

Libye : quand la République se fait (presque) capétienne...

Jeudi dernier, j’étais en colère devant l’immobilisme des démocraties et l’hypocrisie de la diplomatie mondiale face aux agissements de Kadhafi, et je me rappelais l’impuissance des démocraties dans les années 30 face à la montée des totalitarismes, impuissance qui faisait dire au royaliste Georges Bernanos, sur la même ligne politique que J.R.R. Tolkien d’ailleurs, que « les démocraties sont les mères des totalitarismes » puisqu’elles les laissent prospérer souvent jusqu’au pire, comme l’histoire nous l’a tragiquement démontrée au XXe siècle...

 

Et pourtant ! Le soir même, par la voix d’Alain Juppé, la France réussissait à obtenir l’aval de l’ONU pour imposer au dictateur libyen le respect des règles les plus élémentaires d’humanité à l’égard de ses opposants. Et, pour faire appliquer ces règles simples, la France, suivie par le Royaume-Uni mais aussi les Etats-Unis, envoyait samedi ses avions de combat frapper les infrastructures militaires du régime kadhafiste. Une fermeté inattendue et tardive (trop ?), sans doute, mais bienvenue pour rappeler aussi que la diplomatie n’est pas qu’une question de principes et de beaux discours mais une pratique politique parfois musclée qui use du moyen militaire pour parvenir à ses fins.

 

Sur ce coup-là, la République n’a, pour l’heure, pas démérité, et il serait injuste de ne pas le reconnaître. Mais, sa réaction, justifiée au regard de l’attitude brutale de celui qui avait humilié notre pays à l’automne 2007 en venant planter sa tente au cœur de Paris, doit pouvoir s’inscrire dans la durée et ouvrir les perspectives d’une nouvelle Union pour la Méditerranée, une Union qui, désormais, doit sans doute se passer de la présence des Etats de l’Union européenne non-méditerranéens et en particulier de l’Allemagne, si ambiguë face à Kadhafi et si peu solidaire d’une France qui est pourtant son principal partenaire au sein de l’Union européenne.

 

Après son « coup d’éclat » (qui a montré, a contrario, l’inutilité de la « Politique étrangère et de sécurité commune » de l’Union européenne, cette PESC tragiquement inefficace, voire même néfaste de par le spectacle de division et de mutisme qu’elle a mis en scène ces dernières semaines), la France a le devoir d’assumer jusqu’au bout son action diplomatique : si la République, quand elle se veut gaullienne (en fait, capétienne…), rompt avec la « malédiction des années 30 », elle n’en reste pas moins limitée par son système politicien même, au risque de stériliser ses meilleures intentions et intuitions.

 

Là encore, renouer avec une politique du long terme et de l’équilibre nécessite d’enraciner l’Etat dans la « longue durée » et la « mémoire sélective » (c’est-à-dire sans la rancune ou les préjugés) : l’histoire récente (et moins récente, d’ailleurs) nous incite à la prudence et nous préserve de l’illusion. Malgré ce beau sursaut diplomatique, il est à craindre que la République n’ait pas le souffle nécessaire pour mener à bien, au-delà du simple problème libyen, une véritable politique étrangère digne de ce nom, indépendante et équilibrée.