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28/02/2011

Diplomatie.

« Tant vaut l’Etat, tant vaut sa raison », disait Maurras. Les évènements des derniers jours l’ont obligeamment démontré, si besoin en était encore ! Après quelques semaines d'errance politique et diplomatique, la République sarkozienne tente un redressement dont il n'est pas sûr qu'il soit suffisant pour redonner confiance aux Français mais aussi aux Etats et aux populations qui attendaient tant de la France.

 

C'est Anatole France qui, bien que républicain (certes désabusé...), affirmait que la République n'avait pas de politique étrangère, même si Théophile Delcassé au début du XXe siècle avait tout de même essayé de faire mentir cette assertion, et que la République issue de la volonté gaullienne avait permis de renouer en partie avec la diplomatie des Vergennes et Choiseul. Mais, les efforts de Védrine et de Juppé dans les années 1990-2000, et celui de Dominique de Villepin et du « grand refus » de 2003 face aux États-Unis, ont été ruinés par la calamiteuse diplomatie sarkozienne depuis 2007, dont Bernard Kouchner fut l'illustration la plus honteuse et Michèle Alliot-Marie la victime expiatoire...

 

Alain Juppé aura fort à faire pour restaurer l'image de la France, et, surtout, son influence dans le monde, et il n'est pas sûr qu'il y parvienne car le président Sarkozy ne semble pas encore avoir totalement compris que la diplomatie n'est pas un simple marchandage mais qu'elle exige une vision à long terme et parfois une « politique d'altitude ». Comment pourrait-il le comprendre, lui qui ne pense plus qu'à sa propre réélection et qui ne peut se défaire d'un véritable « tropisme occidental » qui n'a que peu à voir avec la tradition capétienne pour laquelle « les alliances sont saisonnières », comme l'avait bien compris le général de Gaulle ?

 

Faut-il, pour autant, désespérer de la diplomatie française ? Non, car la France reste une puissance dotée du deuxième réseau diplomatique du monde par ses ambassades et sa présence internationale, mais aussi par son siège au Conseil de sécurité de l'ONU, siège qu'il ne faut, pour rien au monde, sacrifier à une illusoire représentation de l'Union européenne, comme le souhaitent certains européistes brouillons. La France a des moyens, il lui faut à nouveau « la volonté politique d'être », et c'est par sa liberté historique, sa liberté d'esprit comme de pratique, parfois agaçante pour nos alliés mais nécessaire et espérée par les peuples du monde, c'est par sa « libre action », éminemment française, qu'elle peut retrouver sa place sur la scène internationale.

 

Mais, pour pratiquer cette liberté qui est sa force, la République quinquennale et des apparences, la République des oligarques et des « experts » est-elle le meilleur outil de la France ? C'est peu probable, et il faudra bien, si l'on veut inscrire notre puissance diplomatique dans la durée, dans la pérennité, repenser la question des institutions. Régis Debray, il y a quelques années, avait rappelé que, pour peser sur la scène diplomatique, il manquait « à la République une famille royale » : il n'est pas trop tard pour y penser encore, même s'il peut parfois paraître trop tôt pour y penser déjà...

 

Mais, « y penser » ne suffira pas toujours ! Il faudra bien pratiquer à nouveau « le nécessaire » : et ce nécessaire, pour mieux incarner la France qui pèse dans le monde, c'est, qu'on le veuille ou non, cette famille royale institutionnalisée, ces visages reconnus dans le monde comme ceux d'une France qui ne meurt jamais, d'une France libre et souveraine, par son Souverain même...


25/05/2010

Si la France osait...

La semaine dernière, un événement géopolitique apparemment lointain (l’affaire du nucléaire iranien) a démontré, si besoin en était, que le monde a bien changé depuis quelques temps, et que de nouveaux acteurs sont en train de bouleverser l’ordre international au détriment des anciennes puissances, y compris des Etats-Unis, aujourd’hui de plus en plus dépassés par les mutations rapides de la planète diplomatique.

 

Ainsi, c’est Bernard Guetta qui, dès mardi dernier sur France-Inter, relevait le fait, suivi le samedi suivant par François Bonnet dans « Marianne » : « Le 17 mai, Brésil et Turquie ont bousculé toutes les négociations en annonçant un accord avec l’Iran » ; « Mais, au-delà du dossier iranien, ces deux pays revendiquent un rôle de premier plan dans l’organisation du monde. Le Brésil de Lula comme la Turquie d’Erdogan connaissent une insolente croissance économique. Le premier est le fer de lance d’une Amérique latine sortie des dictatures militaires et des dépressions économiques des années 90. Le second s’est émancipé de la tutelle américaine pour devenir la puissance montante en Méditerranée », puissance qui se marque désormais par la multiplication d’ouvertures d’ambassades nouvelles et de personnels diplomatiques disponibles et actifs.

 

La France n’a pas forcément à s’inquiéter de cette montée en puissance de nouveaux pays, mais à en faire « le juste constat que le centre de gravité du monde a définitivement basculé » et à adapter sa stratégie diplomatique à cette nouvelle donne, non en renonçant à exister ou à peser sur les événements du monde, mais en se souvenant qu’elle a une histoire et une « identité » d’indépendance et de médiation plus encore que de confrontation. Pour cela, il lui faut éviter de se lier les mains dans des « blocs » incertains ou déjà obsolètes et inadéquats à la situation nouvelle : la France doit jouer son jeu qui n’est pas forcément celui des puissances anglo-saxonnes, les Etats-Unis venant d’ailleurs de rappeler combien ils se méfiaient encore de notre pays par le limogeage (en fait une « démission » forcée) du directeur national du renseignement états-unien qui avait décidé de « ne plus espionner la France »… Méfiez-vous de vos amis, dit le dicton…

 

Si la France osait… Elle pourrait par exemple travailler à la réalisation d’un axe Paris-Berlin-Moscou (ébauché à l’occasion de l’affaire irakienne en 2003) qui pourrait donner à l’Union européenne la puissance qu’elle n’a pas et risque de ne pas avoir si elle continue à bouder la Russie en raison, non de l’avenir ni même du présent, mais du passé ! Comme si Staline était encore au Kremlin !

 

Si la France osait… Elle relancerait véritablement l’Union pour la Méditerranée, aujourd’hui au point mort (alors que l’idée de base est plutôt intéressante et permettrait un axe stratégique Paris-Rome-Istanbul qui renouerait à la fois avec la stratégie romaine de « Mare nostrum » et avec celle de Constantinople, puis de l’empire ottoman, hier antagonistes, aujourd’hui « synthétisées ».

 

Si la France osait… Il suffit de lire les réflexions actuelles de l’ancien ministre Hubert Védrine pour constater que la France a encore un bel avenir géopolitique et diplomatique devant elle et, surtout, comme le rappelait Georges Bernanos en son temps que « le monde a besoin de la France » ! Il est des rendez-vous à ne pas manquer ! Et la relecture du fameux chapitre de « Kiel et Tanger », le maître-livre de Maurras sur la question de la politique étrangère de la France (livre que le général de Gaulle avait sur sa table de nuit la veille de son fameux séjour à Montréal et de son cri « Vive le Québec libre ! »), ce chapitre intitulé « Que la France pourrait manœuvrer et grandir » (chapitre cité par Georges Pompidou lors de son discours aux étudiants de Sciences-Po, en 1972), pourrait donner quelques idées à nos actuels gouvernants…

 

Mais, c’est Anatole France, ce républicain paradoxal, qui déclarait, rageur, que la République n’avait pas et n’avait jamais eu de politique étrangère digne de ce nom ! En fait, sans doute voulait-il dire que, même si il lui arrivait de prendre parfois des initiatives intéressantes, le système républicain lui-même manquait de ce qui fait la force d’une politique étrangère crédible, c’est-à-dire la liberté et la continuité, qualités qui ne se trouvent réunies, par le principe même de la transmission héréditaire de la magistrature suprême, que dans la Monarchie… De Gaulle le reconnaissait lui-même qui s’inquiétait de ce que ses successeurs risquaient de ne pas avoir la même légitimité que lui pour continuer ce qu’il avait entrepris dans une logique toute capétienne…

06/06/2008

La France à la présidence de l'UE dans un mois.

La France va bientôt présider l’Union européenne pour six mois, et cela peut être l’occasion pour notre pays de retrouver du crédit près de nos partenaires et, plus largement, sur la scène internationale : encore faut-il que cette présidence ne soit pas gâchée par l’absence de vision à long terme qui semble actuellement être l’apanage de la diplomatie française, ou par les vaines rodomontades d’un président plus obnubilé par son image que par le service de l’Etat.

 

Et pourtant ! Notre pays a encore tant à dire, et tant à faire : il n’en est que plus rageant de le voir ainsi naviguer sans cap certain.

 

Les dossiers sur lesquels la France aurait possibilité d’agir pour faire avancer les projets en Europe sont multiples : l’agriculture et ses adaptations nécessaires aux nouvelles réalités contemporaines, aux défis alimentaires et environnementaux, aux attentes de qualité et de « naturel » des consommateurs, etc. ; l’écologie et la création de « trames bleues et vertes » dans le cadre de l’Union européenne, susceptibles de permettre la reproduction des espèces animales, terrestres ou marines, actuellement menacées ; les transports et les réseaux transnationaux, le ferroutage et les plateformes multimodales, etc.

 

Mais, à moins d’un mois de la présidence française, ce qui frappe l’observateur, c’est l’absence de paroles fortes et de propositions concrètes en ces domaines de la part de la France : comme si notre pays se contentait de quelques discours généraux et n’osait pas aborder les sujets qui fâchent ou ceux sur lesquels il faudrait s’engager durablement. De plus, il est vrai que la Commission européenne ne fait rien pour détendre l’atmosphère et motiver la France, menaçant constamment de condamner notre pays pour son non-respect des critères de Maëstricht sur la question des déficits budgétaires : cela agace et augure mal de la suite des événements, car on imagine l’impact négatif d’une condamnation européenne de la France au moment même où celle-ci assumerait la direction de l’UE… Cela risque de desservir l’Union européenne encore plus sûrement que la France qui, en définitive, ne croit plus vraiment que l’UE soit autre chose qu’une « superstructure » administrative et technocratique, et un vaste marché aux limites de plus en plus imprécises et de moins en moins historiques et politiques.

 

Décidément, à bien y regarder, la République, comme le signalait déjà dans un de ses romans Anatole France, n’a pas vraiment de politique étrangère crédible : malgré « l’intermède gaullien », ce demi-siècle qui a duré jusqu’à M. Chirac (avec des hauts et des bas, certes) et reprenait la tradition géopolitique capétienne, cette critique francienne est malheureusement redevenue d’actualité. En paraphrasant Maurras, on pourrait affirmer, sans crainte d’être contredit : « Tant vaut l’Etat, tant vaut sa diplomatie ». A l’heure où l’Europe a tant besoin de la France, quel dommage que celle-ci soit en République…