Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/09/2020

Sauver les 863 emplois de Bridgestone, et voir plus loin encore.

 

La liste des entreprises mondialisées qui ferment leurs usines en France pour se redéployer (beaucoup) plus loin vient de s’allonger un peu plus encore avec l’annonce, brutale et par vidéo interposée, de la fermeture complète et définitive de l’usine de pneumatiques Bridgestone (multinationale japonaise) installée à Béthune, dans une région très éprouvée par la désindustrialisation depuis une bonne trentaine d’années déjà et au fil de la mondialisation et de son imposition aux économies nationales. Ce sont 863 emplois qui, d’un clic d’ordinateur, peuvent ainsi disparaître au printemps 2021, selon le bon plaisir d’une entreprise qui, en 2017, profitait allégrement des aides de l’État, au titre du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) et avait alors touché 1,8 million d’euros. 863 emplois, sans compter les sous-traitants et ceux qui vivent de l’installation des familles de cadres et d’ouvriers sur place ou dans les environs de Béthune… En somme, une nouvelle catastrophe sociale s’annonce pour la région et ses habitants, si rien n’est fait pour l’empêcher !

 

Ce n’est pas la première fois et ce n’est sans aucun doute pas la dernière non plus qu’une entreprise mondialisée, à la recherche de profits pour les actionnaires qui participent à son financement et, en retour, « en veulent pour leur argent » (et pour leur « confiance » sur laquelle repose en grande partie leurs propres investissements), agit de la sorte : la violence de l’annonce, quelques mois après avoir affirmé à l’État ne pas avoir l’intention de fermer ce site industriel (affirmation faite à Bercy, devant le ministre de l’Économie et le président de la région Hauts-de-France, en novembre 2019 !), se conjugue avec un cynisme certain et confirme la mauvaise impression que, depuis quelques années déjà, les acteurs locaux mais aussi l’État pouvaient avoir devant l’absence d’investissements de l’entreprise sur le site et le refus récent de profiter des aides de l’État dans le cadre du plan de relance post-covid, comme pour sembler ne rien devoir désormais à la France. Il semble bien que, en définitive, Bridgestone ait laissé pourrir la situation pour légitimer son attitude présente, faisant ainsi peu de cas des emplois locaux et rassurant ses actionnaires qui souhaitent de meilleurs dividendes sans se soucier des moyens utilisés pour les obtenir… C’est là où l’on touche du doigt toute l’injustice d’un système qui sépare le travail (des ouvriers et des cadres) de l’argent au lieu de conjuguer les deux dans une « communauté de destin » professionnelle. L’argent « libéré du travail » devient vite ce tyran qui soumet les travailleurs à son bon plaisir et à ses créances

 

Devant l’indignation provoquée par l’annonce de la fermeture du site, l’État n’a pas pu se défausser et il est fort possible que M. Le Maire, comme le président de la République lui-même, ne soit pas insensible à cette violence économique et sociale. L’intervention rapide du politique face au risque de fermeture du site a au moins permis de lancer un cycle de négociations entre les différents partenaires sociaux, mais aussi régionaux et étatiques, et la direction européenne de la firme japonaise, cycle qui devrait durer cinq mois et, officiellement, chercher des pistes pour éviter le drame social et l’accentuation de la désindustrialisation locale. Mais, n’est-ce pas simplement le moyen pour la multinationale de gagner du temps en espérant que l’émotion s’apaise et que la fatigue des opposants à la fermeture du site désarme toute réaction trop brutale ou dangereuse pour l’image ou les intérêts de la firme et de ses actionnaires ? Il n’est pas interdit de le craindre, au regard des précédents trop nombreux et peu encourageants pour les travailleurs…

 

Alors, que faire ? La tentation est grande de se contenter de quelques slogans anciens et réducteurs sur la logique capitaliste qui ne serait rien d’autre que la seule recherche du profit par des classes dominantes égoïstes au détriment des classes laborieuses forcément exploitées et maltraitées en ces temps déjà peu sympathiques. Non que cela soit forcément faux, d’ailleurs, si l’on en croit quelques uns des laudateurs mêmes de ce système et si l’on observe les mentalités capitalistiques contemporaines, fort peu portées sur la générosité et la compassion à l’égard des travailleurs (cadres comme ouvriers), et encore moins sur le partage des profits et la pourtant si nécessaire justice sociale. Je n’ai guère d’illusions sur l’état d’esprit des féodaux d’aujourd’hui pour lesquels l’argent est la seule aune de la valeur des hommes, et sur leur capacité (très faible voire nulle, en fait) à entendre la souffrance des « sans-dents », et La Tour du Pin, catholique fervent et royaliste lucide autant que social, avait déjà de son temps des mots très durs à l’égard des financiers et des patrons qui oubliaient, trop souvent et trop naturellement, leurs devoirs sociaux

 

Mais au-delà de ce constat sur la dureté des méthodes et de l’idéologie capitaliste elle-même, il faut bien proposer quelques pistes pour, dans le cadre d’une mondialisation imposée et trop souvent intériorisée comme « obligatoire » par les populations (1), sauver ce qui peut l’être sans oublier ce qui doit l’être, c’est-à-dire la possibilité pour ceux qui vivent du travail chez Bridgestone de continuer à travailler et à vivre dignement, même sans (ou après) Bridgestone. En ce sens, il est nécessaire d’appuyer notre soutien aux salariés de cette firme, y compris pendant les cinq mois de médiation et de négociations, non pour bloquer la situation mais pour peser dans ce qui est, d’abord et toujours, un rapport de forces : se désintéresser de cette double cause de l’activité industrielle et de l’emploi à Béthune au sein et autour de Bridgestone serait affaiblir la position des salariés autant que celle de notre pays. En ce sens, et sans tomber dans le mythe d’une « union sacrée » sociale, il faut renforcer la position de l’État, non par amour pour M. Le Maire mais parce que, sans le politique, rien ne pourra se faire ni être garanti pour l’emploi dans la région ; idem pour le Conseil régional, dirigé par un potentiel candidat à la présidentielle dont il faut souhaiter que son ambition lui permette d’être le plus efficace possible, et qu’il soit un éternel aiguillon pour rappeler l’Etat à ses devoirs si ce dernier venait à fléchir face au géant japonais du pneumatique…

 

Que peut devenir l’usine de Béthune ? Un rachat par une autre société (Michelin ?) peut être envisagé mais Bridgestone acceptera-t-il cette option qui pourrait entraîner une nouvelle concurrence pour ses propres produits ? Alors, en faire une usine dédiée au recyclage des pneus usagés, dans le cadre de la transition écologique française et de la mise en place progressive d’une économie circulaire ? Ou moderniser l’outil industriel et l’adapter aux nouvelles tendances du marché du pneumatique ? D’autres propositions seront évidemment avancées et devront être discutées, défendues aussi près des autorités et de la direction de la firme mondialisée qui, pour l’heure, reste campée sur son intention de fermeture définitive du site. Quoi qu’il en soit, la première des priorités est de montrer la détermination de tous à sauver « Béthune », et « la rue » sera, sans doute, aussi utile que « les pouvoirs publics » et la négociation entre les différents acteurs du dossier. C’est une bataille sociale qui s’engage et qui, après tant de défaites récentes, doit, cette fois, être victorieuse…

 

Bien sûr, cela n’est qu’une étape dans ce long processus, nécessaire, de « nouvelle industrialisation » : retrouver l’indépendance économique de notre pays et « faire de la force » sur ce terrain comme sur les autres, voilà qui doit motiver l’action et les propos de tous, en France, car la mondialisation ne doit pas dicter sa loi aux États ni aux travailleurs qui, trop souvent, en sont les victimes expiatoires…

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Ce qui n’empêche pas, pour autant de dénoncer la mondialisation et d’en évoquer et d’en préparer une sortie en bon ordre, dans le cadre d’une internationalisation des échanges fondée, non sur « la concurrence de tous contre tous » (seule valorisée aujourd’hui) mais sur l’équilibre et sur l’équité sans tomber dans l’illusion d’une égalité des échanges qui n’aurait ni sens ni raison.

 

 

18/09/2017

Nokia et ses promesses non tenues : l'Etat et les salariés trompés.

« Les promesses n'engagent que ceux qui y croient », expliquaient ironiquement et cyniquement jadis MM. Chirac et Pasqua, en bons politiciens qu'ils étaient. Mais ce qui semble vrai en démocratie d'opinion contemporaine l'est encore plus, et avec des conséquences parfois dramatiques, dans le domaine économique, en particulier dans cette « économie sauvage » que la mondialisation permet au nom du Marché et de ce libre échange qui se veut et se proclame « sans entraves », en particulier sociales ou environnementales. Ainsi Nokia, entreprise finlandaise, annonce-t-elle la suppression de 597 emplois (surtout sur les sites de Lannion et de Saclay) d'ici 2019 alors que, au moment de son rachat d'Alcatel-Lucent en 2016, elle promettait la création de 500 emplois au moins en France, et s'y engageait même devant le ministre de l'économie de l'époque, un certain Emmanuel Macron... Mais est-ce vraiment une surprise ?

 

L'histoire nous apprend que, dans le cadre de la mondialisation, la recherche de la plus grande profitabilité financière, en particulier sous la pression exigeante des actionnaires, nouveaux maîtres et tyrans de l'économie mondiale, prime sur toutes les autres considérations, à quelques exceptions près. Comme l'écrit Elsa Bembaron dans Le Figaro en son édition du 15 septembre dernier, en pages économie : « L'histoire se répète malheureusement. Une fois passée sous pavillon étranger, une entreprise française, fût-elle un fleuron de son domaine, a une fâcheuse tendance à voir les emplois nationaux s'évaporer. Nokia n'échappe pas à la règle. » Règle de la mondialisation sans frontières, de la « fortune anonyme et vagabonde » qui s'impose au détriment des hommes et des nations...

 

Ainsi Nokia ne fait que s'inscrire dans une longue (et triste) tradition de la parole violée par ces féodaux de notre temps, sûrs d'eux-mêmes et peu soucieux de la misère d'autrui : le libéralisme, au-delà de l'individualisme que Mme Thatcher avait poussé jusqu'à sa logique ultime en déclarant que la société n'existait pas, est aussi un égoïsme, parfois inconscient mais souvent bien réel ! René de La Tour du Pin, ce maître du royalisme social, n'hésitait pas, à la fin XIXe-début XXe, à demander que les pouvoirs publics, nationaux comme locaux et professionnels dans une logique de subsidiarité bien comprise, interviennent, voire légifèrent, remettant en cause une « Liberté du travail » qui n'était rien d'autre que la liberté des possédants (financiers ou industriels) d'exploiter les travailleurs privés de tous les droits par le décret d'Allarde et la loi Le Chapelier de 1791 aggravés par le pouvoir primo-napoléonien.

 

D'ailleurs, Nokia, en se réorganisant, semble avoir oublié toutes les promesses d'hier, quand il fallait séduire l’État français et éviter que celui-ci n'empêche l'appropriation d'Alcatel-Lucent par la multinationale finlandaise, et celle-ci joue à fond la mondialisation pour contourner les problèmes et s'exonérer de ses responsabilités en France. Comme le signale la journaliste du Figaro, « les CV pour un emploi en France sont désormais étudiés... en Hongrie. Les syndicats reprochent d'ailleurs au groupe de poursuivre la délocalisation de nombreux métiers vers des pays d'Europe de l'Est et vers la Grèce et le Portugal. » Cette délocalisation n'est pas anodine et montre bien la duplicité de la multinationale qui pille le savoir-faire français pour servir ses propres intérêts sans en faire profiter ceux qui en sont à l'origine. La Croix, sous la plume d'Alain Guillemoles, rappelle aussi que, déjà, « les centres de décision de l'ancien Alcatel ont quitté la France. Et le titre s'éloigne des actionnaires français alors qu'au même moment l'action Nokia quitte l'indice CAC 40 remplacée par STMicroelectronics. »

 

A plus ou moins long terme, c'est la pérennité même du site de Lannion qui est menacée et, plus avant, la présence de Nokia dans les anciennes places d'Alcatel : si les emplois sont menacés, concrètement, c'est aussi et encore tout un pan de l'industrie française ou d'origine française (à défaut d'être désormais propriété française) qui disparaît du territoire national au profit, non de pays en tant que tels, mais de féodalités économiques transnationales. Là encore, c'est l’Économique qui semble s'émanciper, dangereusement, de toute responsabilité sociale et se moquer du Politique, de l’État dont le rôle premier est d'assurer la sécurité des Français, que cela soit sur le plan géopolitique ou sur le plan social.

 

La réaction de l’État français sera, dans les jours qui viennent, déterminante et l'on mesurera là sa volonté effective d'agir, au présent et pour l'avenir, pour la prospérité française. Mais il doit aussi penser une stratégie économique et industrielle qui puisse permettre, le plus tôt possible, de pallier aux reniements des entreprises, qu'elles soient nationales ou internationales, et de les contraindre, autant que faire se peut, à tenir les promesses faites sous le contrôle de l’État, sous peine, en cas d'échec à se faire respecter, de n'être plus que « l'impuissance au sommet », le pire des destins pour un État. La République a souvent eu, dans son histoire, une pratique fort peu sociale, sauf lorsque le rapport de forces lui imposait des « aménagements » dans le libéralisme ou, à l'inverse, dans son étatisme étouffant. « D'en haut », le président De Gaulle a bien essayé de briser cette malédiction républicaine mais il s'est heurté aux égoïsmes et aux aveuglements sociaux, de part et d'autre de l'échiquier politique, et il n'a pu complètement mener à terme ce qu'il avait débuté, inspiré par la lecture féconde de La Tour du Pin mais incompris (ou trop bien compris...) des syndicats de l'ère de la consommation « sans entraves ». Il est vrai que la République, par essence, empêche aussi toute politique durable de long terme, coincée qu'elle est entre deux fournées électorales et prisonnière de ceux qui les financent. Anatole France reprochait à Marianne de n'avoir pas de politique étrangère – ce qui fut particulièrement vrai sous la Troisième, malgré Théophile Delcassé - , mais qu'aurait-il dit de la politique sociale s'il s'y était intéressé, comme Emile Zola ?

 

S'il y a quelques bonnes raisons en France d'être favorable à la Monarchie, c'est justement qu'elle offre à l’État quelques possibilités de ne pas être un bateau ivre ballotté entre des camps antagonistes et des élections contraires (« l'alternance », dit-on...), et quelques moyens de pouvoir renforcer la parole du Politique face aux stratégies de l’Économique et des féodalités financières, fussent-elles mondialisées. Quand Firmin Bacconnier proclamait que la Monarchie serait sociale ou qu'elle ne serait pas, il rappelait aux royalistes comme aux princes, à ceux qui croient au Roi comme à ceux qui n'y croient pas, qu'il est du devoir du monarque de faire régner la justice en France, et surtout quand elle est en cause dans le domaine économique et social. « Pas de justice, pas de paix », clament certains manifestants : nous leur répondrons, à la suite de l'histoire sociale de notre pays (qui ne ressemble à aucun autre, d'une certaine manière) et au regard des situations et enjeux contemporains : « pas de Roi, pas de justice sociale ». C'est bien la Monarchie royale « à la française », éminemment politique et « essenciellement » sociale, qui, sans faire de miracles ni prétendre tout résoudre, permet sans doute le mieux de préserver ce qui doit l'être dans les vents parfois furieux de la mondialisation...

 

 

 

 

19/06/2012

La retraite à 67 ans pour tous ? Non merci !

 

La question de l'âge du départ à la retraite risque de tourner à l'affrontement entre la France et l'Allemagne, si l'on comprend bien l'article du Figaro paru dans ses pages économiques du jeudi 14 juin 2012: en effet, « le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, estime que la décision de François Hollande de revenir à la retraite à 60 ans pour certains salariés n'est pas conforme aux choix européens »... Certains pourront être surpris de cette réaction allemande et y voir une scandaleuse intervention d'un Etat étranger dans la politique française dont la maîtrise, normalement, ne devrait appartenir qu'à elle-même, la France. Mais c'est oublier la logique actuelle de la Construction européenne, une logique de plus en plus fédérale et, en définitive, « à l'allemande » pour ce qui est du domaine économique.

 

 

 

Sur ce blogue, j'évoquais dès janvier 2011 la proposition du gouvernement allemand de généraliser l'âge de départ à la retraite à 67 ans pour toute la zone euro, voire l'Union européenne, au nom de « la nécessaire harmonisation européenne », information rapportée par Le Figaro du 19 janvier 2011 et reprise et développée par Jean Quatremer, spécialiste de l'Union européenne, sur son blogue (hébergé par Libération) le 28 janvier de la même année. Ce dernier expliquait un peu rudement mais fort honnêtement que « ce recul de l'âge de la retraite va concerner non seulement les Français, mais l'ensemble des Européens afin d'alléger les contraintes pesant sur les budgets de l'Union. C'est le prix à payer pour la solidarité financière que la zone euro a été obligée d'instaurer sous les coups de boutoir des marchés inquiets des dérives des finances publiques (…). L'Allemagne, la plus réticente face à cette véritable révolution de la gouvernance de la zone euro, s'est résolue à payer pour venir en aide aux États les plus fragiles, mais à condition qu'ils restaurent leur compétitivité, ce qui passe par une harmonisation sociale (par le bas, faute de moyens) et fiscale (afin de supprimer la concurrence fiscale). Un document interne du gouvernement allemand révélé aujourd'hui [28 janvier 2011] par l'agence de presse Reuters prône l'instauration d'un « pacte » qui imposerait, outre l'obligation constitutionnelle de l'équilibre budgétaire, un recul de l'âge de la retraite. « Vous ne pouvez avoir une monnaie unique et des systèmes sociaux complètement divergents », a martelé tout à l'heure au forum de Davos, la chancelière allemande Angela Merkel. ». C'était il y a plus d'un an, et l'Allemagne n'a pas reculé sur ce point, malgré l'isolement croissant de Madame Merkel en Europe. Au contraire, depuis l’article de Jean Quatremer, plusieurs pays ont adopté, par la voie parlementaire, la règle de la retraite légale à 67 ans : l’Espagne, la Grèce… et, plus récemment encore (à la fin mai 2012), la Pologne, pourtant pas encore dans la zone euro, tandis que l’Italie montait à… 69 ans !

 

 

 

La France apparaît désormais, avec sa retraite à 62 ans mise progressivement en place depuis l’automne 2010, comme une « exception » et même, pour certains, comme un scandale : autant dire que l’annonce d’un retour partiel à la retraite à 60 ans pour un certain nombre de personnes ayant travaillé tôt et cotisé plus d’une quarantaine d’années, avec, en prime, un petit coup de pouce pour les mères de famille, a provoqué l’ire d’un patronat de moins en moins social et, parfois, de plus en plus apatride et avide, prêt à délocaliser pour échapper à ses devoirs fiscaux et sociaux.

 

 

 

Mais ce recul exigé par Berlin, et soutenu par l’OCDE, n’est qu’une solution à courte vue, et déjà les industriels et économistes allemands réclament un relèvement encore plus important, parfois jusqu’à 69 ou 70 ans pour tous les pays de l’Union européenne… Jusqu’où ira-t-on, dans cette véritable fuite en avant qui risque de ne plus s’arrêter si l’on suit la double logique démographique (vieillissement des populations européennes) et économique (financement de plus en plus difficile d’un nombre grandissant de retraités), au moment même où l’on apprend que, si l’espérance de vie moyenne progresse encore un peu, celle d’une espérance de vie en « bonne santé », elle, diminue irrémédiablement (aujourd’hui, 62 ans en France) ?

 

 

 

Il ne s’agit pas, à l’inverse des oukases allemands, de forcer les salariés à s’arrêter de travailler avant 67 ans, et il faut permettre à ceux qui le souhaitent de poursuivre une activité professionnelle, y compris au-delà de l’âge légal officiel, en particulier dans le secteur public (ce qui est aujourd’hui impossible dans la fonction publique, dans les domaines de la Recherche et de l’Enseignement, au grand dam de nombreux professeurs et chercheurs).

 

 

 

Mais il faut refuser l’obligation de travailler jusqu’à 67 ans pour tous, mesure inéquitable et qui ne prend guère en compte la pénibilité fort différente des métiers et semble oublier que, aujourd’hui, l’espérance de vie d’un ouvrier de l’industrie est inférieure de 10 ans à celle d’un enseignant ou d’un cadre supérieur

 

 

 

Au lieu d’imposer cette absurde règle de l’âge minimal obligatoire de 67 ans pour le départ à la retraite, il vaudrait mieux travailler à diminuer le nombre de chômeurs et à initier de nouveaux modes de calcul des retraites, par exemple par un système « à points » socialement équitable et économiquement viable : un chantier à ouvrir, d’urgence, mais en prenant le temps de la réflexion et de la négociation constructive.