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26/03/2008

En léger différé...

La cérémonie d’allumage de la flamme olympique a donné lieu à une manifestation de quelques militants affiliés à Reporters sans frontières, brandissant derrière le responsable chinois de l’organisation des Jeux une banderole dénonçant les violations des droits de l’homme en Chine. D’un calme olympien (c’était bien le lieu…), le dirigeant chinois n’a pas tremblé dans son élocution ni ne s’est même retourné au moment de l’incident, faisant preuve, diront certains, d’un grand professionnalisme. Quant aux téléspectateurs chinois, ils n’auront rien vu de l’agitation survenue, les images étant retransmises avec un léger différé de quelques dizaines de secondes pour permettre de parer à toute initiative hostile au gouvernement de Pékin, en remplaçant les images délictueuses par quelques décors qui rappelleront aux plus anciens des téléspectateurs français les « interludes » d’antan…

 

Certains s’indignent d’un tel procédé qui, ni vu ni connu, permet un contrôle efficace des images et des événements, sans que le public ne se rende compte de quoi que ce soit : or, dans notre société de l’image et de l’immédiateté revendiquée (et affichée par les grands médias sans qu’il y ait vraiment moyen de la vérifier), ce qui est vu à la télé existe, ce qui n’y apparaît pas n’a jamais existé… Modernes saint Thomas, nos contemporains veulent voir pour croire, au risque de passer, en définitive et de toute bonne foi, à côté de la vérité.

 

Mais le différé n’est pas un monopole chinois ou des pays totalitaires : c’est même aux Etats-Unis, première puissance démocratique du monde, que ce procédé a été élargi à toutes les émissions dites (à tort) « en direct », et ceci depuis le scandale du « sein dévoilé » (bien malgré elle…) de Janet Jackson lors d’une grande émission très populaire vue par des dizaines de millions d’Etats-Uniens et qui avait indigné les prudes téléspectateurs d’Outre-atlantique. Il y a fort à parier qu’il y a peu de raisons que les Etats-Unis renoncent à ce procédé, ne serait-ce que pour satisfaire aux exigences des grandes multinationales « sponsors » des Jeux olympiques qui n’ont pas envie de laisser gâcher leurs opérations de promotion mondiale dont le sport est le principal vecteur, selon le principe encore plus vrai aujourd’hui qu’au temps de la Rome antique et résumé par la formule « Du pain et des jeux »…

 

D’autre part, sans même avoir besoin de faire des remarques aux cameramen occidentaux, ceux-ci, très professionnels là encore, savent, comme ce fut le cas ce dimanche à Olympie, passer à un « plan large » pour éviter de rendre visible et intelligible l’incident : pas besoin de censure chinoise, comme on le voit, et les meilleures images diffusées étaient des images filmées sur des téléphones portables et non celles des caméras officielles des pays démocratiques…

 

Les démocraties, d’ailleurs, qui donnent des leçons au monde entier (morale obligatoire : en somme, grands principes et… petite vertu !), apparaissent parfois bien hypocrites : la Grèce, membre de l’Union européenne (Union qui nous inonde d’un discours permanent et répétitif sur les droits de l’homme, la démocratie unique, la paix et j’en oublie…), n’hésite pas à menacer les trois manifestants de Reporters sans frontières d’un an de prison pour « outrage aux symboles olympiques » (ou quelque chose d’approchant). A croire que la manifestation d’opinions (valables ou non, ce n’est pas ici la question) « différentes », dès qu’elle semble sortir de la bienséance et risque de brouiller l’Europe avec un client important, est dangereuse pour la démocratie elle-même : cela augure mal d’un monde qui n’aurait plus que cette démocratie comme horizon ou comme destin, car il n’est pas sûr que la liberté de l’esprit y trouve sa juste et légitime place…