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23/01/2015

Liberté, déjà oubliée ?

 

Le 11 janvier était censé ouvrir une grande période de fraternité et certains de mes proches y ont cru, en toute bonne foi : après tout, défiler pour la liberté d'expression, pour la paix, l'amour entre les communautés, la générosité, quoi de plus honorable ? Alors, pourquoi pas ? Quant à moi, je suis de naturel méfiant à l'égard des grands discours et sans doute encore plus à l'égard des grands principes, surtout quand ils sont claironnés par les « hommes de peu de foi » qui gouvernent, intellectuellement ou politiquement, notre société contemporaine : les Bernard-Henri Lévy et leur hypocrisie dégoulinante me révulsent, et je connais trop bien, historiquement et personnellement, les conséquences de leurs engagements qui se font avec le sang des autres... Ces derniers jours confirment, en tout cas, mes craintes : l'air devient irrespirable depuis que M. Valls, nouveau « lider maximo » de la République, impose son rythme et son catéchisme républicain, repris en chœur par les « autorités morales » du pays et son ministre de l’Éducation nationale !

 

Le défilé du dimanche 11 janvier n'était-il, en fait, que le cortège funèbre d'une liberté que l'on clamait bruyamment pour mieux la faire taire ? J'en suis, moins de deux semaines après cette marche unanimiste, intimement persuadé ! Quelques éléments de preuve ? Alors que l'on demandait la liberté de dessiner ce dimanche-là, cette République si tolérante fait retirer un film de l'affiche de deux cinémas, à Neuilly et à Nantes : « L’Apôtre », qui raconte la conversion d'un jeune musulman au catholicisme, film de Cheyenne Carron, risque, selon la DGSI, de « provoquer » la communauté musulmane car ce film évoque une « apostasie », « crime » puni de mort par l'islam selon la lecture rigoriste des intégristes... Or, ce film, plutôt bien reçu par les critiques cinématographiques se veut, selon sa réalisatrice, « un film qui parle d'amour », et cette dernière rajoute : « Au lieu de l'interdire, on devrait le projeter dans les mosquées radicales ». J'ai envie d'ajouter : « et dans les écoles ! » D'ailleurs, ce film était présenté depuis quelques mois dans les salles de cinéma françaises, et cela sans un seul incident ! Pourquoi, d'un coup, les craintes de la DGSI ? Quelle hypocrisie ! Au lieu de préserver la liberté de création et de représentation cinématographique, l’État préfère censurer « pour votre sécurité » (sic !)... Et où sont ceux qui, la veille encore, ne juraient que par la liberté d'expression, l'obligation de la défendre, le devoir (ou la simple possibilité) de tout dire, de tout montrer ? Silence pesant des organisateurs du 11 janvier, comme un aveu : une pierre tombale sur laquelle on pourra inscrire, comme sur celles qui ornent les frontons des mairies, « liberté »...

 

Et pendant ce temps-là, le ministre de l’Éducation nationale, Madame Vallaud-Belkacem, annonce que les nouveaux professeurs devront passer une sorte d'examen pour s'assurer de leur rectitude « républicaine » : il me semblait que c'était d'autres régimes que ceux qui se proclament démocratiques qui avaient recours à de telles mesures de contrôle idéologique... D'ailleurs, imagine-t-on la Belgique ou le Royaume-Uni faire passer à leurs enseignants un examen pour vérifier leur attachement aux « valeurs de la Monarchie » ? Si tel était le cas, on crierait, et à juste raison, « à la dictature » ou, au moins, à l'inacceptable contrainte politique... Mais la République, sûre de son bon droit et de son universalité, ne se pose pas de tels problèmes de conscience, semble-t-il.

 

Il aurait été plus acceptable d'évoquer les valeurs civiques ou, mieux encore, celles de la France, non pas sur le seul plan de la République en place mais au regard de toute son histoire et de la civilisation qu'elle a, au fil de ses différentes incarnations institutionnelles, su développer et, parfois, promouvoir, autour de la francophonie et de ses traditions de liberté, de discussion ou d'amitié. Alors, pourquoi vouloir à tout prix « républicaniser » ou idéologiser à outrance ce qui peut se vivre sans étiquette partisane et qui dépasse joyeusement les barrières que la République voudrait, à tort, imposer ? Je connais bien des républicains qui comprennent ce que je dis et qui partagent ce point de vue : ce sont ceux qui savent que, pour être royaliste, on n'en est pas moins français, comme un Bernanos ou un d'Estienne d'Orves qui, dans les heures sombres de l'histoire, ont trouvé dans leur royalisme de quoi nourrir leur vive et noble, parfois mortelle, résistance à la barbarie nazie...

 

On pourrait dire, en plagiant Aragon, « Ceux qui croyaient en la République, et ceux qui n'y croyaient pas »... Ce qui importe, encore et toujours, et malgré les exclusions de Madame Vallaud-Belkacem, c'est bien cet amour de la France qui est indéfectiblement inséparable de celui de la liberté de l'esprit. La liberté, pas celle toute racornie d'un Valls persuadé que la France commence en 1789, mais celle qui a donné son nom à notre pays et que l'on respire à pleins poumons, et qui nous fait clamer à la face de cette République et de ses tristes sires et sœurs, comme jadis notre cher Maurice Clavel : « Messieurs les censeurs, bonsoir ! »