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31/12/2011

L'euro, une erreur ?

Ce 1er janvier 2002 était une belle journée sur Antibes, et nous nous promenions dans les rues désertes de la ville, profitant de ce temps clément pour musarder... Bien sûr, nos pas nous ont mené devant quelque librairie ancienne, courageusement ouverte en ce matin d'après-réveillon, comme un pied de nez aux excès de la veille : ce fut là que nous dépensâmes nos premiers euros, même s'ils nous restaient encore quelques francs en poche et que je me fis un point d'honneur de continuer à payer en francs autant que je le pus, jusqu'à la date finale de cette possibilité, en février 2002.

 

Le libraire, avec lequel j'échangeai alors quelques mots, était toute ironie à l'égard de cette nouvelle monnaie dont il acceptait désormais les pièces et billets et, dix ans après, son ironie (que j'approuvais, au demeurant) apparaît prémonitoire : personne parmi les promoteurs de cette monnaie unique européenne ne tient à se faire trop remarquer, semble-t-il, sans doute de peur d'affronter la colère des citoyens entraînés dans ce qui apparaît comme une « galère » plus que comme une sympathique croisière monétaire, et par crainte (justifiée au demeurant) de s'entendre rappeler leurs propos illusionnistes et euphoriques (euro-phoriques, pourrait-on dire...) de l'époque, tels que ceux que rapporte le mensuel « Le Monde diplomatique » daté de janvier 2012...

 

J'étais, il y a dix ans, hostile à la mise en place de l'euro comme monnaie unique pour un ensemble de pays qui n'avaient, malgré leur appartenance commune à l'Union européenne, ni les mêmes capacités économiques ni les mêmes intérêts. D'ailleurs, les dirigeants allemands parlaient, parfois ouvertement et pour faire accepter l'euro à leur opinion publique plutôt sceptique, de « l'europamark », et les militants d'Action Française, eux, apposaient dans la Région parisienne des autocollants proclamant « l'euro c'est le mark », ce que la suite, et particulièrement les derniers mois semblent bien avoir confirmé ! Cet euro encore trop cher (même si son coût a diminué ces derniers jours sur le marché des changes) n’a favorisé que les industries allemandes quand il a entraîné de nombreuses délocalisations d’entreprises françaises vers des pays hors de la zone euro (ou les a « justifiées », comme pour Airbus, par exemple) ! Mais n’était-ce pas cette politique d’un mark fort que M. Trichet, président de la Banque centrale européenne, a, par sa gestion de l’euro, pratiqué encore de 2003 à l’automne 2011 ? Aujourd’hui, l’Allemagne semble bien avoir réussi son opération de mainmise sur toute la zone euro, imposant sa direction hégémonique et sa « rigueur » toute germanique à une Europe latine considérée comme trop « légère »… D’un instrument censé lier l’Allemagne à l’Europe de l’Ouest, l’euro est devenu le levier d’une stratégie « d’abord allemande », comme le faisait remarquer l’un des principaux dirigeants du parti de la chancelière Angela Merkel quand il déclarait (pour s’en réjouir) il y a quelques semaines, que « l’Europe parle désormais allemand »…

 

Et maintenant ? Doit-on sortir de l'euro ou le défendre à tout prix, y compris « jusqu'au dernier Grec vivant » comme le déclarait, moqueusement, un économiste hétérodoxe cet été ? Pas forcément facile de répondre, de trancher ! Mais ce qui est certain, c'est que les partisans de « l'euro malgré tout » commencent sérieusement à m'agacer à annoncer l'apocalypse et la guerre en cas de sortie d'un pays de la zone euro : comme si l'euro n'était pas, déjà, une catastrophe économique et sociale, catastrophe qui se traduit par le simple fait que la zone euro, prise dans son ensemble, est l'espace économique dont la croissance est la plus basse du monde (ce qui, en soi, n’est pas forcément un mal sur le plan de la dette environnementale) et qui est le plus durement frappé par ce que l'on nomme « la Crise », et dans lequel ne surnagent que quelques rares pays, dont l’Allemagne ! Le nombre de chômeurs et de travailleurs en situation précaire ne cesse d’augmenter, et ce n’est malheureusement pas fini !

 

Non, l’euro n’est ni une chance ni une protection, mais « il est » et, en attendant mieux (ou en préparant autre chose), c’est cette réalité financière qu’il faut appréhender pour, le moment venu, mieux la réformer… ou la dépasser !

 

 

(à suivre)

 

 

04/04/2010

L'euro sans le social : une catastrophe annoncée...

La lecture de quelques articles datant d’avant la mise en place de la monnaie unique européenne s’avère parfois fort instructive : ainsi celle de ceux publiés par la revue « Géopolitique » dans l’année 1996 sous le titre général de « Monnaie unique : le débat interdit. ». J’ai en particulier relevé l’article du professeur d’économie politique Wilhelm Hankel, fort critique sur le concept même de cette monnaie, à l’époque encore annoncée et pas encore pratiquée : le titre, qui à l’époque pouvait choquer certains, résonne étrangement et douloureusement aujourd’hui : « La dynamite qui fera sauter l’Europe »… Il est vrai qu’au regard des propos fort peu amènes et très peu solidaires des dirigeants allemands, chancelière en tête, à l’égard des Grecs, le titre apparaît prémonitoire !

 

Il est d’autant plus intéressant de relire cet article que, toujours à l’époque, qui osait remettre en cause les bienfaits annoncés de l’euro passait alors pour un « retardé » ne comprenant rien aux lois de l’économie ou, pire, un nationaliste grincheux, voire dangereux ! Pourtant, l’histoire nous enseigne tout de même une certaine prudence à l’égard des « pensées magiques » ou des idéologies obligatoires… Et le vieux royaliste que je suis, toujours inquiet pour les siens (au sens large du terme), préférait aussi penser aux risques et aux conséquences d’un échec pas totalement impossible de cet euro trop beau (y compris dans les manuels scolaires des années 1990, à relire pour saisir certains aveuglements du moment…), trop vanté pour être totalement rassurant, voire honnête ! Non que je souhaitais forcément cet échec mais que je ne voulais pas méconnaître cette possibilité, tout simplement : un homme averti en vaut deux… Sans doute aussi de ma part une application de la méthode maurrassienne de « l’empirisme organisateur » tant de fois rappelée dans les cercles d’études de l’Action Française : en somme, prudence et humilité, ce qui n’empêche pas l’audace mais évite, ou cherche à éviter, la course à l’abîme.

 

L’euro a été fait et il a déçu, et il déçoit : l’idée elle-même d’une monnaie européenne était-elle forcément mauvaise ? Peut-être pas, sauf qu’il me semble qu’une « monnaie commune » plutôt qu’unique aurait été plus crédible et plus pratique, laissant aux Etats, en même temps que leur monnaie respective, une part de souveraineté monétaire et donc la possibilité d’adapter leur politique propre aux contextes et aux enjeux du moment… Cette cohabitation de monnaies nationales et d’une monnaie commune européenne était-elle possible ? Oui, et elle avait d’ailleurs été évoquée avant que la monnaie unique ne soit adoptée.

 

Que disait d’ailleurs cet universitaire allemand cité plus haut ? Que la monnaie unique était « prématurée – aucune des économies européennes n’a atteint une maturité suffisante pour elle, c’est ce que révèlent les soi-disant critères de convergence qui ne sont rien d’autre que l’aveu qu’elle est irréalisable sans sacrifices substantiels et sans dommages sociaux. » Effectivement et comme le souligne plus loin ce même économiste, c’est le social qui fait les frais de cette politique de monnaie unique, mais cela était annoncé par le Traité lui-même : « On n’y trouve même pas le mot « social » », au chapitre portant sur la politique monétaire, rappelle-t-il ! De plus, « les critères ne s’appliquent qu’à l’accès à l’Union monétaire et non pas à l’appartenance à celle-ci – raison pour laquelle il faut sans cesse améliorer le Traité ». Il faut relire ces lignes car elles disent tout de la situation actuelle de la Grèce et des difficultés qu’elle rencontre aujourd’hui, après son entrée « indélicate » dans la zone euro, indélicate au regard de ses manœuvres plutôt frauduleuses mais sur lesquelles la Commission européenne avait alors fermé les yeux (pour des raisons aussi peu honorables que les pratiques hellènes, mais plus idéologiques qu’économiques…). Elles disent aussi l’hypocrisie d’une Union européenne qui a « oublié », régulièrement et naturellement, « le social », au point que toutes les campagnes européennes se font désormais, à gauche (et plus en France qu’ailleurs…), sur cette antienne, preuve a contrario s’il en fallait que l’actuelle Union n’est guère sociale et n’a pas été construite sur cette préoccupation pourtant nécessaire à l’harmonie des sociétés humaines et politiques !

 

Les royalistes ne cessent de clamer que « l’économie doit être au service des hommes » et non au profit de quelques uns, aussi brillants soient-ils : sans justice sociale, il n’y a pas d’équilibre social qui tienne ! Que l’euro ait été pensé (et validé) sans référence au social explique aussi les souffrances des salariés, mais aussi la colère populaire qui monte, en Grèce, au Portugal et en France, entre autres…

 

 

 

 

 

(à suivre)