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28/06/2010

Affaire Woerth : la République coupable !

L’affaire Bettencourt-Woerth est une affaire à laquelle personne ne comprend grand-chose, en définitive, et il n’est pas facile de se faire un jugement sur la « culpabilité » (à quel propos, d’ailleurs…) ou non du ministre du Travail : mais est-ce vraiment le plus important et le plus révélateur ? En fait, ce qui importe, c’est le lien entre l’Argent et le Pouvoir, leurs relations dans une société qui se veut à la fois transparente et « vertueuse », l’impudeur et l’impudence des Puissants de la République, de cette oligarchie qui confond « servir » et « SE servir »… Et il se trouve que la République sarkozienne semble être l’aboutissement de la reconquête du Pouvoir par l’Argent, symbolisée dès le premier soir du règne sarkoziste par la réception au Fouquet’s (la revanche de Nicolas Fouquet, en somme !).

 

Dans cette affaire, qui suit l’affaire du salaire indécent de M. Proglio, nommé de façon cavalière patron de l’EDF sur les ordres de M. Sarkozy, l’affaire des indemnités versées à M. Tapie, allié fidèle et utile de M. Sarkozy au sein d’une certaine Gauche, l’affaire des déplacements coûteux des membres du Gouvernement et du Président lui-même, etc., la morale politique, plus exactement celle qui touche au service de l’Etat et du pays, n’est pas sauve ! Loin de moi l’idée de dénoncer tous les politiciens comme pourris, ce qui n’a, en définitive guère de sens, car c’est bien le régime lui-même qui pousse à ce genre de dérive et, sans doute, un état d’esprit qui se veut celui du temps, c’est-à-dire de l’individualisme et du matérialisme consumériste : oui, c’est cette République-là qui est coupable, que cela plaise ou non d’entendre cette accusation qui n’est pas, pour le coup et sans mauvais jeu de mots, gratuite !

 

S’il y eut un de Gaulle qui, lui, allait jusqu’à payer ses notes d’électricité à l’Elysée, il fut bien plutôt l’exception que la généralité : car la République est née d’une Révolution dont le principal objectif était de confondre « Pouvoir économique » et « Pouvoir politique » en considérant que c’était le rôle de ceux qui produisaient la richesse (les « bourgeois », disait-on alors) de tenir aussi l’Etat qui, jusque là, échappait au contrôle des plus riches par la simple présence d’un monarque qui ne tenait pas son Pouvoir ni sa légitimité des financiers et de l’Argent lui-même, la naissance ne s’achetant pas !

 

Aujourd’hui, l’Etat est le jeu des féodalités financières (encore plus qu’industrielles) et ses gouvernants sont fascinés (hypnotisés ?) par l’Argent, le clinquant, la puissance apparente que confèrent l’Argent et sa possession. Cela est d’ailleurs vrai à tous les niveaux de la société et dans quasiment toutes ses sphères, comme l’a démontrée il y a peu la lamentable équipée sud-africaine des « Bleus » de M. Domenech. M. Woerth, aussi intelligent soit-il, appartient à cette caste d’oligarques qui ne voient l’économie et la société qu’à travers le prisme de la réussite sociale « sonnante et trébuchante » : d’où ses relations aujourd’hui suspectes quand, pourtant, il ne pensait pas à mal (d’après ses déclarations), avec le milieu des Bettencourt, Peugeot, et autres magnats de l’économie française.

 

Il est tout de même remarquable, et tellement révélateur, que M. Woerth ait attribué la légion d’honneur et autres décorations que l’on aimerait voir décerner avec plus de mesure et d’à-propos, à tous ceux que, aujourd’hui, il dit connaître de loin, comme de simples relations mondaines : cela rappelle les débuts de la IIIe République lorsque le gendre du président Jules Grévy, le député Wilson, « vendait » des légions d’honneur à des banquiers et autres « personnalités » fortunées… Il est d’ailleurs étonnant, là aussi, que personne parmi les journalistes et politiques, n’ait rappelé cette affaire pourtant célèbre ! Et pourtant, on y trouverait quelques points communs avec celle qui est évoquée aujourd’hui…

 

M. Woerth n’a rien touché ? Mais n’a-t-il pas, de plusieurs manières, empêché quelques enquêtes fiscales délicates pour ses « amis » ? C’est là l’accusation la plus grave et la plus probante qu’il convient de lui signifier, si on veut sa tête ! Mais, je le répète, il n’est pas le seul à accuser, dans ce cas, et il faut désigner la République, dans son principe même et dans ses fondations, comme véritable coupable ! Mais aussi dénoncer cette « dissociété » dans laquelle l’Argent est le Maître, et donner à l’Etat les moyens, non de s’y adapter, mais d’en combattre, concrètement, les effets comme les fondements : une œuvre de longue haleine, assurément, mais nécessaire, forcément !