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26/02/2011

La dation ratée et le Marché de l'art.

Claude Berri n'était pas qu'un cinéaste, c'était aussi un collectionneur. A sa mort, et pour alléger des frais de succession importants, ses deux fils avaient entamé une procédure de dation en faveur du Centre Pompidou. Mais la logique du Marché, impitoyable, l'a emporté : mercredi soir, le site internet du « Journal des Arts » annonçait que les fils, dont le cinéaste Thomas Langman, s'étaient rétractés « pour vendre les oeuvres au Qatar pour une somme de 50 % supérieure à l'offre de l'Etat français »...

 

Plusieurs remarques : 1. il peut paraître dommage que des œuvres détenues par des collectionneurs français soient ainsi dispersées vers des pays dont la stabilité n'est peut-être pas certaine pour les années à venir, au regard des évènements actuels dans le monde arabe...

 

  1. Cela étant, cela souligne aussi combien le marché de l'art est aujourd'hui « en pleine forme », au risque de créer de véritables « bulles spéculatives » qui risquent bien, comme les autres, d'éclater un jour ou l'autre.

 

  1. Les fils de Berri font preuve d'ingratitude à l'égard de l'Etat et des contribuables français qui, à maintes reprises, ont participé aussi au financement des films qui ont fait la renommée et la fortune de leur père, et la leur, par contrecoup...

 

Il ne sert à rien de s'indigner même s'il est évident que l'attitude des fils Berri n'est guère honorable et qu'elle prouve que l'appât du gain est parfois plus fort que le sentiment d'appartenance à une communauté d'intérêts nationale, ce qui ne surprend pas vraiment quand on connaît l'état d'esprit des « élites » contemporaines, plus soucieuses de leurs profits que de leurs devoirs civiques...

 

L'Etat a, de toute façon, quelques moyens (fiscaux, par exemple) pour tirer un certain profit de cette transaction privée et il serait dommage qu'il n'en fasse pas usage... D'autre part, que quelques œuvres contemporaines changent de mains et quittent le territoire permet, après tout, de faire de la place pour de nouvelles oeuvres et de nouveaux artistes, en particulier français ou vivant en France, et il me semble que la France, « mère des arts » comme on le disait jadis, ne doit pas se cantonner à être un musée : elle doit permettre la création, la susciter, en toute liberté, en donnant leur chance à de jeunes artistes prometteurs, par exemple en leur dédiant des espaces de création où ils pourraient travailler à l'aise. Cela ne doit pas être une obligation, juste une possibilité : je connais quelques peintres et sculpteurs qui seraient ravis de disposer d'ateliers pour s'exprimer...

 

De plus, nos musées eux-mêmes ont les caves pleines de tableaux, de scuptures, d'oeuvres multiples et variées, qui, au lieu de s'entasser sans profit (ni pour les amateurs d'art ni pour les institutions elles-mêmes...), seraient susceptibles de « vivre leur vie d'oeuvre » chez des particuliers ou dans des établissements privés (ou publics, d'ailleurs), français ou étrangers. Il y a là, sans attenter au patrimoine culturel national, de quoi remplir quelques caisses aujourd'hui bien vides de l'Etat, et financer de nouveaux projets, de nouvelles initiatives publiques, sociales, industrielles, etc.

 

L'affaire de la succession Berri doit, au lieu de mobiliser le chœur des pleureuses, ouvrir quelques pistes de réflexion, et il me semble utile de tirer profit, pour l'Etat, de cette « folie » du Marché de l'art tant qu'elle peut rapporter encore quelques véritables avantages à notre pays... Cynisme de ma part ? Non, juste la volonté de « chevaucher le tigre », tout simplement, c’est-à-dire de saisir des opportunités sans se leurrer sur la réalité économique (voire culturelle, parfois) du Marché de l’art... Cela ne veut pas dire qu'il faudrait « tout vendre », mais simplement faire un heureux tri sans oublier que notre patrimoine mobilier n'est pas « immobile », et que c'est tant mieux ! Après tout, vendre les colonnes de Buren (sises au Palais Royal à Paris) à quelque magnat du pétrole oriental aurait été plus intéressant et plus profitable que de financer à hauteur de 14 millions d’euros leur restauration récente…

 

 

 

30/01/2011

Pillage de la mémoire égyptienne.

Est-ce la révolution au Caire ? Ce que je pourrais en dire maintenant risquerait bien d'être obsolète dès le lendemain et il n'est pas certain que, me couchant ce soir sur l'image d'un Chef d'Etat devant lequel un vice-président prête serment, les mêmes ne soient pas, au petit matin, un simple souvenir dont on brûle les images... L'histoire, si elle ne s'arrête jamais, connaît des accélérations brusques et, parfois, déconcertantes !

 

Mais l'histoire est souvent cruelle, y compris pour les restes des siècles passés : ainsi, ce samedi, au milieu des images de manifestations et d'émeutes, apparaissaient celles des vitrines brisées du Musée du Caire, qui me rappelaient douloureusement celles du Musée de Bagdad livré au pillage au moment de l'entrée des troupes états-uniennes dans la capitale irakienne. A l'époque, les soldats de la Coalition avaient laissé faire, et des souvenirs de l'une des plus anciennes civilisations de l'humanité avaient disparu, si ce n'est à tout jamais, du moins du patrimoine public : sans doute quelques riches collectionneurs et leurs obligés avaient-ils tiré profit de ces rapines ciblées, mais combien de pièces ont été détruites, combien sont perdues pour les chercheurs et le grand public, juste visibles sur quelques banques d'images électroniques...

 

Du coup, les récentes demandes faites à de nombreux musées d'Europe par les autorités culturelles égyptiennes pour récupérer des vestiges de l'époque des pharaons apparaissent-elles, pour le moins, imprudentes... Certes, il n'y a pas des « révolutions » tous les jours mais, dans les périodes incertaines pour les pays arabes qui semblent s'annoncer, il serait bien imprudent de céder à une revendication qui, en d'autres temps, auraient pu trouver quelque écho positif de ce côté-ci de la Méditerranée, à tort ou à raison d'ailleurs.

 

En tout cas, il serait bon de dire, aujourd'hui et au niveau international, que toute œuvre du patrimoine égyptien qui viendrait à se retrouver sur le marché mondial de l'art, serait automatiquement confisquée par les autorités du pays où elles réapparaîtrait, pour être ensuite, le calme revenu et la stabilité du pays assurée, rendue à l'Egypte et à ses musées : cela dissuaderait sans doute quelques uns de ses pillards, dont certains sont « en service commandé », de mettre la main sur ces trésors des temps anciens.