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06/07/2020

Les Démocraties désarmées ? Le révélateur de Hong Kong.

 

Les Démocraties occidentales sont, comme dans les années 1930, faibles et trop souvent désarmées face aux puissances autocratiques ou totalitaires, et elles semblent n’avoir rien retenu de l’histoire, une fois de plus et peut-être une fois de trop : les provocations ottomanes du nouveau sultan Erdogan et la prise de contrôle presque totale du territoire de Hong Kong par la Chine de Xi Jinping marquent une poussée des régimes intolérants qui semble s’accélérer à l’occasion de ce déconfinement qui tourne à la déconfiture économique et idéologique des grandes démocraties occidentales, en partie minées par le communautarisme et le racialisme, deux systèmes idéologiques qui portent le même risque de désintégration des anciens modèles de civilisation sans remettre en cause, loin de là, les idéologies économiques dominantes de la société de consommation et du libre-échangisme mondialisé. L’américanisation des conflictualités internes à notre pays, par exemple, montre bien la porosité de nos sociétés, par les médias comme par la mondialisation elle-même, aux thématiques imposées par les gourous d’une gouvernance qui cherche, par tous les moyens (y compris ceux de la morale ou, plus exactement du moralisme, fort peu politiques s’ils s’avèrent néanmoins politiciens…), à contourner les gouvernements politiques des Démocraties tout en les culpabilisant pour mieux les affaiblir : une stratégie profitable aux Etats non-démocratiques qui s’engouffrent dans les brèches faites par les opinions publiques des Démocraties elles-mêmes, insouciantes du danger à moyen terme (dans le meilleur des cas) d’un effondrement total, qui pourrait être civilisationnel avant d’être militaire… Un effondrement qui n’est pas fatal, mais possible et plausible si l’on n’y prend garde.

 

Bernanos, ce royaliste intraitable, renvoyait démocraties et totalitarismes dos à dos, allant jusqu’à clamer que « les démocraties étaient les mères des totalitarismes », ce qui rejoignait la pensée de JRR Tolkien qui, lui, l’a traduite dans ses récits du « Seigneur des Anneaux ». Le jugement des deux écrivains catholiques est malheureusement souvent vérifié par l’Histoire, celle que les Démocraties contemporaines, à l’aune de celles d’hier fondées parfois sur la « tabula rasa » révolutionnaire, se dépêchent d’oublier pour mieux « jouir sans entraves », formule idéale des « démocraties consommatoires » nées de la double idéologie franklino-fordiste. Pourtant, les totalitarismes ou les régimes liberticides sont surtout forts de la faiblesse des démocraties libérales, particulièrement européennes, la démocratie états-unienne, plus réaliste et sans doute plus cynique, sachant que son intérêt propre lui intime de ne jamais baisser la garde et de ne surtout pas désarmer : « et à la fin, rira bien qui tirera le dernier », pourrait-on dire, sans même exagérer ! Les Etats-Unis ont « les flingues » et c’est bien leur vraie protection, leur assurance-vie « pour garantir l’éternité », du moins la leur, et pour chercher à démentir le fameux adage « Tout empire périra », véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête des puissances géopolitiques…

 

Il est une autre puissance, qui n’a pas toujours été notre amie dans l’histoire, qui sait que désarmer est la pire des politiques en temps de paix, car ce serait, surtout pour un pays riche, attirer la convoitise des carnassiers du moment et aiguiser les couteaux des dépeceurs d’empires : c’est le Royaume-Uni qui, lui, n’hésite pas à construire de nouveaux porte-avions et à renouveler régulièrement son armement dont il lui arrive d’utiliser toutes les capacités quand ses intérêts nationaux et ses droits territoriaux, même lointains, apparaissent menacés, comme nous le rappelle l’intervention aux îles Malouines (que les Britanniques nomment Falkland) du temps de Margaret Thatcher face aux troupes de l’Argentine des généraux. C’est d’ailleurs du Royaume-Uni et de Boris Johnson, lointain successeur de Winston Churchill (auquel il a consacré un ouvrage, d’ailleurs), que vient la seule réaction claire et nette face au coup de force chinois qui, depuis une semaine, applique à Hong Kong une loi de « sécurité nationale » qui criminalise toute contestation du régime communiste et de sa politique liberticide, au nom d’une sorte d’unité et indivisibilité de l’ensemble chinois qui nous renvoie au jacobinisme républicain des années révolutionnaires. Sans doute, le Premier ministre de la Monarchie britannique se rappelle-t-il de la fameuse phrase de son illustre prédécesseur qui annonçait, au lendemain des accords de Munich de l’automne 1938, que ce traité n’assurait rien du tout et qu’au lieu de préserver la paix et l’honneur, il amènerait, après le déshonneur, la guerre et, pour certains des signataires, la défaite, ce qui n’a pas manqué d’être vérifié quelques poignées de mois après, et à nos dépens…

 

Dans cette affaire de l’abandon des habitants de Hong Kong par les Démocraties européennes, seule l’ancienne puissance coloniale a sauvé l’honneur (et sans doute un peu plus), en annonçant être prête à fournir 3 millions de passeports aux Hongkongais, à la grande colère de la Chine qui y voit une ingérence insupportable. En fait, le Royaume-Uni ne cherche pas à « recoloniser Hong Kong » (et cela même si le drapeau britannique est parfois brandi par quelques manifestants comme une sorte de talisman, comme l’était le drapeau français par les Anjouanais en 1997 lors de la « sécession » d’avec la République des Comores…), mais à rester ferme face à la Chine, profitant du Brexit pour affirmer plus clairement ses valeurs et ses options stratégiques quand l’Union Européenne, elle, brille par sa profonde lâcheté face à l’empire de Xi Jinping auquel, il est vrai, elle continue d’acheter masques et textiles divers…

 

Entendons-nous bien : la politique de la France ne doit pas être d’affronter, ni même de se brouiller avec la Chine communiste, mais d’affirmer son indépendance et son franc-parler sans, pour autant, négliger la diplomatie. Or, les puissances qui se réfugient derrière la ligne Maginot de la couardise et de la facilité sont condamnées à connaître le pire, n’attirant sur elles que le dégoût et le malheur : l’histoire est cruelle pour les insouciants comme pour les faibles, et elle est souvent plus darwinienne que « moralement juste »… Mais, pour parler haut et fort aux autres pays et aux grandes puissances, encore faut-il une colonne vertébrale et des poings, ceux qui peuvent frapper fort pour se protéger si besoin est : pour cela, il faut un Etat digne de ce nom et une politique de puissance appropriée pour se faire respecter et tenir son rang sur la scène internationale, avec le risque assumé de déplaire parfois.

 

« Armons, armons, armons », hurlait, en vain, Maurras dans L’Action Française des années 1920 et 30, et il ne parlait pas que de moyens militaires mais de politique d’Etat, et d’état d’esprit. Maurras, entraîné dans le déshonneur d’une guerre et d’une défaite qu’il a tout fait pour éviter (et, en cela, il doit être salué), mérite d’être écouté, maintenant, tout comme celui qui fut son disciple rebelle, le général de Gaulle, celui-là même qui appliqua les conseils de « Kiel et Tanger » (1) face aux enjeux des temps de la Guerre froide et qui sut parler à la Chine comme aux Etats-Unis (mais aussi aux autres pays d’Europe, alliés comme éloignés) sans rien leur concéder quand le sort et la place de la France étaient en jeu.

 

Être fort, « faire de la force » pour un pays comme la France, cela signifie se donner les moyens d’exister diplomatiquement et politiquement, de peser, même d’un poids léger mais suffisant pour faire pencher la balance du « bon côté », et de se faire respecter, y compris dans ses amitiés. C’est être libre, tout simplement, et dire au monde et aux autres ce que la France pense être juste et bon. Loin d’être un impérialisme méprisant, c’est la politique d’une puissance médiatrice : mieux qu’un impérialisme, c’est un nationalisme équilibré et mesuré, qui n’oublie jamais que la paix, cadeau fragile de l’histoire, n’est mieux assurée que lorsque les nations sont fortes d’elles-mêmes sans oublier leurs limites… et leur histoire ! Et il semble bien, qu’aujourd’hui, c’est le Royaume-Uni, revenu de ses rêves anciens d’empire, qui l’ait le mieux compris ! Sans doute est-ce là, sur les ruines de l’Empire de Victoria et du désir d’Europe déçu, « la (re)naissance d’une nation »…

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : « Kiel et Tanger » est le titre d’un ouvrage de Maurras, écrit au début du XXe siècle, et dont le chapitre « Que la France pourrait manœuvrer et grandir » a inspiré de Gaulle (qui le relisait encore à la veille de son fameux « Vive le Québec libre ! » du 24 juillet 1967) mais aussi le président Georges Pompidou, qui en citera quelques extraits en 1972 lors d’un discours devant les étudiants parisiens de Sciences Po… Il se murmure que l’actuel président M. Macron aurait lu ce fameux chapitre : il lui reste alors à en saisir tout le sens profond et à le mettre en pratique… Nous en sommes loin, certes, mais qui sait ? N’insultons pas l’avenir…

 

 

 

16/04/2017

Peut-on se satisfaire de la 5e République ?

Encore une semaine avant de connaître les noms des deux finalistes à la présidentielle du 7 mai prochain ! Dans cette campagne qui aurait pu être totalement passionnante si elle n'avait été la lutte des égotismes et la révélation de « tous » (n'exagérons rien !) les scandales de la République du moment et de ses prétendants, les petits candidats ont su, au moins médiatiquement, tirer leur épingle du jeu, et cela me laisse d'autant plus amer de l'absence d'un candidat susceptible d'avancer les idées d'une alternative royale à cette pauvre Cinquième République si mal servie par ses propres desservants habituels et ses chevaliers-servants présidentiels...

 

Mais cette campagne a aussi montré, a contrario, les avantages d'une vraie Monarchie royale qui échappe aux manœuvres politiciennes et aux incertitudes électorales, à l'inverse de cette monocratie présidentielle que MM. Mélenchon et Hamon, dans leur jeu de duettistes complémentaires, dénoncent à l'envi, dans la lignée d'un François Mitterrand, auteur du plus brillant des pamphlets (1) contre les institutions dont il allait, ensuite et le mois de mai 1981 venu, endosser la charge...

 

En effet, comment se satisfaire d'une République qui livre la magistrature suprême de l’État à une telle querelle des ambitieux et en oublie trop souvent les grands enjeux politiques, diplomatiques, sociaux et environnementaux pour ne s'intéresser qu'aux défauts, non pas tant des programmes eux-mêmes que des candidats ou de leurs intentions supposées ? Comment aimer une République qui semble n'être plus qu'un gouvernorat au service d'une Union européenne, elle-même si peu sociale et trop peu politique pour être crédible aux yeux du monde comme de ceux de ses propres habitants ? Comment servir une République qui avoue constamment son impuissance (par manque de volonté ?) face aux puissances économiques et aux instances dites « européennes », préférant se réfugier derrière l'alibi d'une mondialisation « obligatoire » pour ne pas répondre aux inquiétudes (qualifiées de « populistes », « protectionnistes » ou « nationalistes », voire pire...) de populations déboussolées et, parfois (ceci expliquant aussi cela) déracinées ? Les derniers discours de l'actuel locataire de l’Élysée sont, à cet égard, particulièrement éclairants : la rhétorique qui mélange intentionnellement le protectionnisme économique et le nationalisme politique, sans beaucoup d'égard pour la nécessaire nuance et modération de langage en ces domaines, n'est pas seulement agaçante, elle est particulièrement malhonnête si l'on ne définit pas ce que l'on entend par protectionnisme et par nationalisme !

 

Comment se satisfaire d'une République qui, au soir du 7 mai et quand le vainqueur saluera ses partisans et commencera, si ce n'est déjà fait auparavant, à les trahir pour pouvoir présider, sera encore suspendue aux élections législatives suivantes et au risque d'une possible cohabitation, caricature de l'union nationale et désaveu permanent du Chef de l’État par le gouvernement, au risque d'affaiblir encore plus l’État et la nation au moment où la « décision politique » claire et nette est vitale pour affronter les défis d'un monde contemporain dangereux et d'un avenir incertain ? Comment se satisfaire d'une République qui risque bien, une fois de plus, de faire perdre cinq ans à la France et, pire encore, une grande part de sa crédibilité restante sur les plans européen et mondial ?

 

Décidément, la République n'est pas ce qui convient à la France, et j'en suis plus encore persuadé aujourd'hui qu'hier : il n'y a pas que l'histoire qui, d'une certaine manière, tranche en ce domaine. Il y a aussi cette actualité si malheureusement éclairante, de cette lumière blafarde qui annonce des petits matins sans joie mais pas sans peine...

 

 

 

 

 

Note : (1) : « Le coup d’État permanent », ouvrage paru en 1964.

 

 

 

 

 

 

(à suivre : La Monarchie, ou « l'anti-présidentielle ».)

 

11/07/2016

Nationalisme sportif...

La coupe d’Europe de balle-au-pied s’est achevée par la victoire de l’équipe du Portugal aux dépens de celle de France, au grand désespoir des soutiens d’icelle. Mais il faut toujours, en ce genre de compétition, un gagnant et un perdant en finale, et ce n’est pas toujours le favori qui l’emporte : cela rappelle, me semble-t-il, quelques situations politiques typiques de nos démocraties d’opinion, souvent plus émotionnelles que rationnelles ou spirituelles. Mais le sport n’est pas la politique, même s’il peut être éminemment politique, comme on le sait et comme les politiciens le démontrent par leur attitude et par leur discours opportuniste du moment sportif…

 

Cette dernière coupe d’Europe a joué un certain rôle dans l’amélioration temporaire de l’humeur générale des Français, et le royaliste attaché à la France que je suis ne peut que s’en réjouir sans, pour autant, oublier que le sport est, dans notre « démocratie de consommation », une forme d’opium du peuple particulièrement efficace et, il faut le dire, parfois dangereux. D’ailleurs, il n’est pas surprenant de constater que le Pouvoir politique a profité de l’occasion pour, sinon se refaire une santé, du moins faire passer quelques dossiers brûlants au deuxième (voire bien au-delà) plan de l’actualité : oubliée, la loi El Khomry et sa contestation ; négligées, les questions liées à l’inquiétante dévalorisation du baccalauréat ou les critiques de la Cour des comptes sur la dérive des comptes publics aggravée par les mesures préélectorales annoncées par le président Hollande…

 

La balle-au-pied et, surtout, les heureuses réussites de l’équipe de France avant la finale, ont joué le rôle d’euphorisant national et démocratique, et « le peuple », aujourd’hui si méprisé par la classe politique installée et souvent traité de « populiste » parce qu’il voterait « mal », est soudain flatté ou amadoué par des exploits sportifs que le Pouvoir, aidé en cela par des médias complaisants, valorise comme s’ils étaient les siens : en fait, c’est de bonne guerre, l’essentiel étant de ne pas en être dupe, tout simplement.

 

Il est tout de même un aspect éminemment sympathique de cette compétition sportive, c’est cette forme de « nationalisme démonstratif » qui rappelle aux Français qu’ils forment, malgré leurs différences (provinciales, sociales ou politiques) et l’indifférence de la mondialisation uniformisatrice, une communauté nationale. Bien sûr, l’on peut regretter que ce ne soit pas l’histoire, la dynastie ou le sentiment d’une communauté de destin politique et géopolitique, qui soient ainsi et ici valorisés mais seulement la reconnaissance (toute temporaire, en somme) en une équipe de sportifs dont les valeurs ne sont pas toutes « sportives », mais ne boudons pas le plaisir de voir acclamer le nom de « France » et brandir l’étendard du pays, parfois accompagné de ceux de nos provinces enracinées ou des lys royaux !

 

Cela ne nous empêche pas, tout compte fait, de savoir à quoi nous en tenir et d’être d’autant plus critique envers une République qui ne sait pas, par elle-même, faire aimer et valoriser la France, et ne semble se rappeler qu’elle se qualifie de « française », au sens fort et concret du terme, que dans les périodes électorales et lors des événements sportifs populaires… Certains me trouveront sévère ou excessif mais, malheureusement, et malgré l’amour de la France que je rencontre chez certains républicains « traditionnels » (comme MM. Guaino ou Chevènement, par exemple), je constate une indifférence certaine de nombre de nos élites gouvernementales et politiques à l’égard du pays qu’ils dirigent ou se croient appelés à diriger : parfois est-ce l’idéologie (qu’elle se pare du nom « Europe » ou « mondialisation » n’y change pas grand chose) qui les guide plutôt que le sens du Bien commun, parfois sont-ce des raisons moins honorables et plus « sonnantes et trébuchantes », mais peu importe ! Ce qui me navre, c’est leur « déracinement mental », ce refus des racines terrestres dont se vantent les « citoyens du monde » (sic !) comme Bernard-Henri Lévy et qui leur fait mépriser les « manants » attachés à leurs lieux de vie et d’esprit…

 

Sans être un fervent amateur de balle-au-pied, j’apprécie de constater que, sous le masque de la mondialisation et du « festivisme » de notre société de consommation, subsiste une forme de « pays réel » qui se trouve fier, au moins à travers le sport, d’une appartenance nationale : ce n’est peut-être qu’un fragile terreau, mais c’est celui qui peut permettre, aussi, de refonder un enracinement plus profond, promesse de meilleures floraisons, culturelles comme géopolitiques…