Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/06/2018

Mondialisation et Monarchie française. Partie 1 : La France face à la mondialisation contemporaine.

 

Dans ce débat permanent que j'entretiens avec nombre de lecteurs, d'amis ou de curieux de la chose publique, sur la Monarchie et ses possibilités, ses caractères et ses limites, de nombreuses questions tournent autour du rapport à la mondialisation, comme celle d'un de mes jeunes interlocuteurs, Rony D., qui m'interroge : « Comment la monarchie, et particulièrement aujourd'hui où la mondialisation tend à confondre les cultures, peut-elle être crédible ? ». La question n'est pas inutile, loin de là, car la mondialisation apparaît désormais comme notre cadre de vie, influençant nos comportements économiques et de consommation, et, au-delà, nos manières de sentir, de penser et, donc, d'agir. Il semble difficile de lui échapper ou, du moins, de ne pas être affectée par elle, d'une manière ou d'une autre, surtout en ces temps de communication rapide et de connections électroniques multiples...

 

La mondialisation n'est pas neutre et ne l'a jamais été, et sans doute est-ce encore plus vrai dans le domaine dit culturel (métapolitique, diraient certains) que dans tous les autres : le fait de disposer d'un savoir, non pas universel mais mondialisé, en quelques clics sur un ordinateur ou un téléphone, semble « aplatir » la planète et nous relier à tous ses points, sinon à tous ses coins... La publicité, d'ailleurs, reproduit ce « monde » imposé en niant les frontières culturelles ou en les folklorisant, ce qui est, en fait, une forme de muséification et non de valorisation de celles-ci : la culture mondialisée est le dépassement de toutes les cultures collectives enracinées, au nom d'un multiculturalisme qui, en définitive, est le désarmement des cultures réelles. Culture mondialisée contre cultures enracinées d'un lieu et d'un peuple ou d'une communauté, pourrait-on résumer : les tristes prédictions de Claude Lévi-Strauss, qui annonçait ce processus et cette finalité de ce que l'on pouvait encore qualifier « d'occidentalisation » dans la seconde moitié du vingtième siècle, se réalisent par et dans la mondialisation contemporaine. Est-ce si étonnant quand on se rappelle que l'histoire du monde n'est souvent rien d'autre que le rapport de forces permanent, qui laisse peu de place aux faibles ou aux perdants, et engage leur processus d'évanouissement ou de dissolution (voire d'extermination) dans le « monde gagnant », qu'il soit empire ou « gouvernance » : « Vae victis ! », proclamait Brennos au jour de sa conquête (temporaire) de Rome, et sa formule vengeresse résonnera longtemps aux oreilles des habitants de la cité de Romulus, et, quand lui s'en contentera, les Romains engageront un véritable combat culturel pour accompagner leurs propres conquêtes, et ce sera la romanisation, ancêtre de la mondialisation... Et les Celtes y perdront leurs habitudes, leurs traditions, mais aussi leur indépendance première et leur civilisation s'effacera, sauf en quelques marges et recoins de l'empire.

 

Dans ce processus de mondialisation, ou face à lui, que peut la France, et que pourrait la Monarchie ? S'interroger sur cela ne signifie pas nier ce qui est, mais plutôt chercher à le comprendre, pour s'en défendre ou pour y répondre, c'est-à-dire rester maître de sa propre lecture du monde et de son action intellectuelle ou diplomatique sur ce dernier : « Le monde a besoin de la France », s'exclamait Georges Bernanos. Il ne s'agit pas d'un repli sur soi, d'un isolement qui, pour splendide que certains le verraient, serait, en définitive, mortel pour ce qu'il s'agit de préserver et de transmettre, mais d'une affirmation de soi, de l'exercice de la « liberté d'être » qui est d'abord un pouvoir, la possibilité d'être soi-même et de tracer son propre chemin dans l'histoire, ce qui donne une « raison de vivre » à notre pays, au-delà même de ses conditions économiques d'existence.

 

Pour cela, la France a de nombreux atouts, qu'ils soient économiques, culturels, diplomatiques, politiques, géopolitiques, mais elle semble parfois incapable de les valoriser, y compris aux yeux et aux cœurs de ses natifs ou de ceux qui l'ont rejointe en ces dernières décennies. Et pourtant ! La France est une puissance moyenne, mais une puissance quand même, une puissance qui, par sa taille même, peut jouer un rôle de médiation entre les puissances impériales et les nations de moindre envergure, voire les petits pays ou les communautés sans État. Tenir son rang, c'est ne pas céder à la tentation impériale qui fut celle de Napoléon et de la Troisième République (sous des formes différentes selon le cas évoqué), ni au tropisme de l'empire des autres : de Gaulle, dans la lignée des Capétiens, a rappelé ce que pouvait être une politique française d'indépendance, en écoutant les uns et les autres sans forcément leur céder. Si Kennedy en conçut quelque dépit, son concurrent Nixon (malgré tous ses défauts) comprit alors ce qu'était la France « historiquement libre », et il la respecta beaucoup plus que nombre de ses successeurs...

 

Or, pour tenir sa place dans le concert des nations, la France se doit d'être elle-même et d'avoir la volonté de sa liberté, mais aussi d'enraciner sa politique dans la durée et la mémoire, ce que, mieux qu'une République présidentielle ou parlementaire, peut faire et assumer une Monarchie royale qui ne détient pas son pouvoir ni sa légitimité d'un « vote de fracture » d'une majorité contre une minorité : par essence, la Monarchie royale, « non élue », n'est pas d'un camp contre l'autre, elle est au-dessus de la mêlée politique sans pour autant être indifférente ou insignifiante. En somme, elle est arbitrale, et, comme l'arbitre d'une rencontre de balle-au-pied, elle suit la partie mais ne la joue pas, se contentant de « distinguer » entre des points de vue qui peuvent être, pour de multiples raisons, divergents, et de décider de valider ou non telle ou telle option de grande politique, par sa signature ou son « conseil ».

 

 

 

 

 

(à suivre : La Monarchie et la nation-famille France ; Monarchie et culture mondialisée ; etc.)

 

 

 

 

 

 

16/07/2009

Pour une alliance franco-indienne forte.

Ce 14 juillet 2009, c’est l’Inde qui était à l’honneur lors du traditionnel défilé militaire des Champs Elysées, et il faut souhaiter que cette présence d’un détachement indien et du premier ministre de ce pays asiatique soit l’annonce d’une nouvelle politique d’alliance, plus audacieuse, entre la France et l’Inde : c’est le souhait de Jean-Joseph Boillot exprimé dans « Le Monde » du 15 juillet, et c’est aussi le mien !

 

Il faut bien noter que, ces dernières décennies, notre pays a ignoré l’Inde, pour la simple raison que la Chine attirait à elle tous les regards et toutes les convoitises, par son ouverture économique et son marché prometteur de plus d’un milliard trois cents millions d’habitants (l’Inde en compte près d’un milliard deux cents millions…), et surtout par le fait que le système politique chinois évitait les « mauvaises surprises » sociales pour les investisseurs : pas de grève ni de contestation, a priori, dans une dictature communiste…

 

Or, l’Inde a de multiples atouts dans son jeu et il serait temps que la France, qui en a aussi quelques uns, se remette à « penser politiquement et géopolitiquement » et pas seulement en termes économiques, même s’il ne faut évidemment pas méconnaître ceux-ci, ce qui serait tout aussi absurde que de les survaloriser.

 

D’autre part, comme le souligne M. Boillot : « Dans un monde en complète recomposition géopolitique et géoéconomique à la faveur de la crise, il est de notre intérêt que le deuxième géant asiatique prenne toute sa place dans la redéfinition d’une mondialisation à visage humain (…) ». Certes, il est possible de douter que la mondialisation puisse jamais avoir un « visage humain », de par ses principes mêmes et de par la nature des hommes (je ne suis pas rousseauiste…), mais il ne me semble pas inutile de l’humaniser tout de même puisque, de toute façon et à défaut d’être forcément un bienfait, la mondialisation est un fait, aujourd’hui et sans doute demain, et qu’il faut donc la prendre en compte si l’on veut, au moins, la maîtriser un peu.

 

La France a eu tendance, ces dernières années, à se « reposer » sur les alliances classiques, sinon traditionnelles, de l’Union européenne en négligeant, parfois par dilettantisme, sa propre diplomatie historique, cette diplomatie « capétienne » reprise (en partie) par le général de Gaulle, et en oubliant cette formule d’indépendance nationale qui faisait de la France une « puissance médiatrice » susceptible de rallier à elle les pays qui n’étaient pas « dominants » sur la planète : du coup, la France s’est peu à peu laissée piéger par la logique bipolaire du « G2 », de la confrontation-négociation « Chine-Etats-Unis », qui semble rattacher l’Union européenne au bloc atlantiste (d’où la récente réintégration de notre pays dans le commandement intégré de l’Otan, inévitable dans cette logique-là) et qui valorise, dans le même temps, le géant chinois comme principal vecteur productif de la mondialisation en cours (« la Chine, atelier du monde et puissance économique incontournable »).

 

La France doit jouer son jeu propre et l’Inde peut s’avérer un partenaire fiable et responsable, au moment où ce géant asiatique cherche à éviter le triomphe du G2 et veut jouer, lui aussi, sa partition dans la nouvelle « multipolarité » mondiale. Bien sûr, il y a beaucoup de travail à faire et l’Inde elle-même doit penser au-delà de sa propre attraction traditionnelle pour l’ancien colonisateur anglais : ne doit-elle pas, par exemple, permettre une ouverture plus large à la francophonie, et réactiver les liens anciens jadis créés par « l’Inde française », celle des comptoirs, de Pondichéry et Chandernagor ? Et inversement, la France ne doit-elle pas porter plus d’intérêt pour ce pays et sa culture ?

 

Comme le suggère M. Boillot, la France peut concrètement aider l’Inde en portant l’idée au prochain rendez-vous du G20 « d’une réforme d’ampleur du FMI, où l’Inde dispose de moins de 2 % des droits de vote pour 18 % de la population mondiale » (surtout que c’est un Français, M. Dominique Strauss-Kahn, qui préside ce FMI) mais aussi en soutenant à l’ONU la proposition d’ouvrir le Conseil de sécurité à l’Inde, etc.

 

Mais, contrairement à ce que pense M. Boillot, je ne pense pas que l’Union européenne soit le meilleur moyen d’agir, ne serait-ce que parce que la majorité des Etats de cette UE et la majorité des europarlementaires sont atteints d’un tropisme atlantiste qui les paralyse et les empêche de penser autrement que sur les vieux schémas géopolitiques de « l’Occident », c’est-à-dire d’un modèle dirigé par la puissance occidentale par excellence, les Etats-Unis… C’est à la France que revient la possibilité d’une politique nouvelle, d’une impulsion forte susceptible d’entraîner d’autres pays de l’UE sur cette « autre voie » post-occidentale et vers une prise en compte effective et ordonnée de la puissance indienne.

 

L’alliance franco-indienne n’est pas qu’une possibilité ou une nécessité, elle peut être une véritable chance pour la France comme pour l’Inde : la République saura-t-elle, au-delà du symbole de la présence indienne au défilé du 14 juillet, la saisir ? Souhaitons-le, espérons-le : elle a déjà pris assez de retard comme cela ! La Monarchie française, au regard de son histoire diplomatique, n’aurait pas, elle, hésité aussi longtemps