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12/03/2018

Les populismes en Europe sont-ils utiles ?

L'Union européenne est actuellement traversée, nous dit-on avec un brin d'effroi sur toutes les chaînes de radio et de télévision, par un courant qualifié de populiste qui, de la Hongrie à l'Allemagne, de la Pologne à l'Italie, semble tout bouleverser ou, du moins, bousculer les habitudes des démocraties occidentales, plus accoutumées à un certain entre-soi des élites politiques et économiques qu'au partage du pouvoir avec des élus « dégagistes », apparemment moins dociles envers les puissances d'argent ou la gouvernance bruxelloise. En fait, si la question migratoire est le carburant principal de cette contestation venue du fond des urnes, c'est aussi la gestion de celle-ci et de la « crise » (qui n'est rien d'autre, en définitive, que la poursuite du processus d'une mondialisation désormais moins favorable à nos économies et à ses producteurs et travailleurs) par les États et les institutions européennes qui en est l'accusée par les électeurs : désormais, la révolte n'est plus dans la rue (ou si peu) et le bulletin de vote est devenu un pavé plus efficace dans nos systèmes électifs démocratiques que celui briseur de vitrines ! En somme, nous assistons à une sorte de Mai 68 à l'envers, et le vieux slogan de Cohn-Bendit, celui de son époque anarchiste nanterroise, « élections, piège à cons » est désormais grommelé par les grands partis défaits ou menacés de l'être lors de prochaines échéances et, plus encore, par la Commission européenne et ses féaux, tout autant que par leurs donneurs d'ordres : n'est-ce pas aussi le cas, en France, depuis le scrutin présidentiel de 2002 et le référendum de 2005 ?

 

A chaque fois que les scrutins sont défavorables aux partis « conformes » (pour ne pas dire conformistes), c'est alors le lamento devenu désormais rituel : « Comment est-ce possible ? » ; « Nous avons compris le message des électeurs » ; « La déraison ne doit pas triompher » ; « Un sursaut européen est nécessaire », etc. Cela n'a pas manqué cette fois-là au regard du résultat des élections italiennes comme lors du rejet de la Constitution européenne en 2005 par les électeurs français et néerlandais, mais aussi après la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de la présidentielle de 2002, comme au lendemain matin du vote pour le Brexit en juin 2016 ou aux soirs des « victoires électorales des populistes » en Autriche, Pologne, Hongrie, Tchéquie, ou face à la poussée de l'extrême-droite en Allemagne... Mais rien (ou presque) n'a changé à Bruxelles, et la mondialisation poursuit ses ravages dans nos pays, sans discontinuer, au détriment des emplois pérennes, des métiers traditionnels, des secteurs agricoles et industriels et de leurs travailleurs, de l'environnement aussi : de quoi nourrir mécontentements et frustrations, voire colères et fureurs !

 

Mais le système des démocraties occidentales consommatoristes et, sans doute, globalitaires, ce système que dénonçait déjà Georges Bernanos en son temps, est le même que dans les années trente, en définitive : le même dans ses aveuglements parce que, sans doute, le même dans ses principes et dans ses logiques internes. Bernanos, sévère et juste à la fois, clamait que la Démocratie n'était que le nom politique du capitalisme, et, plus rude encore après la seconde guerre mondiale, hurlait, dans une indifférence qui n'avait rien de relatif que « les démocraties sont les mères des totalitarismes », ce que l'histoire récente du monde avait tristement et cruellement souligné...

 

Cela signifie-t-il qu'il y ait une sorte de fatalité derrière le mot et le principe de la démocratie ? Si c'était la réponse ferme et définitive de Maurras et de Bernanos (du moins pour les formes étatiques, et avec quelques bonnes et fortes raisons), j'ai la faiblesse de croire, désormais, que le mot mérite mieux que sa pratique dans nos États contemporains, et qu'il s'agit de le délivrer, de le séparer des féodalités économiques et, mieux encore, de la gangue économique qui l'enferme dans un sens purement de « liberté de Marché et de profit ». C'est d'ailleurs pour cela que je suis éminemment et politiquement royaliste, pour rendre à César ce qui est à César, et à l'Argent sa place qui ne doit être que celle d'un serviteur et non celle du maître des horloges, de nos vies et de celles des peuples.

 

Si je ne crois pas que les actuels populismes soient les totalitarismes de demain, je reste tout à fait persuadé qu'ils sont vains s'ils ne sont pas forcément illégitimes : le système de nos sociétés consommatoires dites démocratiques est devenu, depuis longtemps (et « Le meilleur des mondes » d'Aldous Huxley mériterait d'être relu pour le saisir mieux encore, à travers une fiction qui ne l'est plus tout à fait), un globalitarisme dont, aujourd'hui, il est difficile de sortir, l'Intelligence artificielle et les moyens de reproduction extra-corporels, la néophilie permanente et le présentisme moralisateur et anhistorique aidant... Mais la Monarchie est la possibilité, justement, d'une sauvegarde de la liberté humaine par la liberté d'une magistrature suprême située en dehors et au-delà des jeux électoraux partisans, et elle peut incarner « ce qui dure et perdure », c'est-à-dire l'âme d'une nation. C'est l'assurance qu'elle a des chances de survivre aux populismes (dont le sort est toujours incertain) sans renier ce qui fait l'être profond d'un pays. Si la Monarchie ne désarme pas toutes les inquiétudes (au demeurant souvent légitimes) qui nourrissent les partis populistes, elle ne cède pas forcément, par nature, aux instances du globalitarisme dominant : elle reste cette figure humaine et familiale vers laquelle on peut se tourner quand le monde des machines semble tout organiser et commander... Si le royaliste Bernanos l'affirme, le « libertaire conservateur » George Orwell le pressent déjà dans les années quarante, comme le socialiste Proudhon un siècle auparavant : une dynastie d'êtres de chair et de sang vaudra toujours mieux que la longue suite de technocrates et de « robocrates » qui croient commander aux peuples comme on pianote sur un clavier d'ordinateur...

 

 

 

 

 

 

25/04/2012

Les électeurs populistes courtisés avant d'être oubliés...

Les grandes manœuvres électorales battent leur plein entre les deux tours, comme d'habitude en pareille occasion. Aujourd'hui, c'est le Front National et ses électeurs qui sont l'objet de toutes les attentions, à droite comme à gauche, et non plus seulement, en fait, pour le dénoncer bruyamment comme en 2002 ou lors des autres élections, mais pour mieux « comprendre » ou pour « ramener dans le droit chemin » les électeurs « égarés » que seraient ceux qui ont voté pour madame Le Pen...

 

J'ai ressorti mes sept boîtes-archives de l'élection présidentielle de 2002, et la lecture des feuilles d'il y a dix ans est fort instructive pour qui sait lire, et pas seulement entre les lignes, tout comme celles de la campagne référendaire de mai 2005 et celles des émeutes de banlieue de l'automne suivant : en fait, les discours de l'époque ne sont pas si différents de ceux d'aujourd'hui ! A chaque fois, il est dit (jusqu'au sommet de l'Etat et dans les instances de l'Union européenne) qu'il faut s'attaquer aux « vrais problèmes » qui alimentent les votes protestataires, que cela soit ceux de l'insécurité, de la désespérance des populations qui se sentent abandonnées, des banlieues ou des bassins d'emploi frappés de plein fouet par une mondialisation qui se traduit trop souvent par des délocalisations et des fermetures d'usines... Et, à chaque fois, la tempête passée, les élections soldées ou le risque protestataire maîtrisé (temporairement...), tout reste comme avant, rien ne change ! Le désespoir social a de beaux jours devant lui, et les populations de tristes perspectives en vue...

 

Ce qui a changé, c'est que le Front National s'est banalisé, et la personnalité moins controversée et plus politique (politicienne ?) de Marine Le Pen a sans doute aidé à cette banalisation qui lui permet, à plus ou moins long terme, d'envisager une mutation du F.N. en parti « républicain » (terme qui, aujourd'hui en France, n'a d'autre fonction que de séparer ceux qui peuvent accéder aux fonctions gouvernementales de ceux qui en sont exclus...), à l'image de l'évolution du Mouvement Social Italien (néo-fasciste) en Alliance Nationale, parti allié de Berlusconi et membre de ses gouvernements successifs, sous l'impulsion de Gianfranco Fini, aujourd'hui classé au centre-droit.

 

En 2002, toute la presse se mobilisait contre le candidat du Front National lors d'une campagne de l'entre-deux-tours absolument délirante et qui n'était pas à l'honneur de la démocratie française... Dix ans après, pas de mobilisation citoyenne contre Le Pen mais des perches tendues et des prêches prudents à son encontre, à son égard plutôt...

 

Je ne me satisfais pas de cette vaste fumisterie : au lendemain du second tour, le Front National redeviendra évidemment, pour ceux qui auront pourtant profité de ses suffrages, la « peste », en attendant de refaire la même « danse du ventre » devant ses électeurs lors des législatives de juin prochain... Vaste hypocrisie sur laquelle s'appuient les grandes formations politiques parlementaires pour légitimer leur propre pouvoir et se donner, à peu de frais, une bonne conscience « démocratique et républicaine » qui m'agace au plus haut point, tout comme m’agace la démagogie facile des partis populistes, quels qu’ils soient ! Je reproche aux uns et aux autres leur « falsification de la politique et du politique », et leur oubli des intérêts concrets de la Cité, intérêts qui sont, justement, politiques avant d’être politiciens.

 

Ce blogue, dont les archives remontent jusqu'à 2007, montre que je n'ai eu de cesse de dénoncer certains maux qu'il est de bon ton, dans les grands partis et à l'approche des élections ou lors des grandes crises (sociales ou politiques), de découvrir et de prétendre combattre : je n'ai jamais attendu un quelconque calendrier électoral pour « dire les choses » et je continuerai, autant que faire se peut, de procéder ainsi, sans méconnaître les situations électorales et leurs conséquences, mais aussi sans me laisser dicter mes phrases ou mes raisons par un quelconque opportunisme...

 

Si je suis royaliste, c'est aussi pour que l'Etat retrouve, au-delà de sa Figure historique, les moyens d'une politique sur le long terme et qu'il ne soit pas prisonnier des querelles politiciennes qui, certes, participent du nécessaire débat politique et civique, mais ne doivent pas étouffer la parole et la décision politiques. Ce que l'on nomme « les populismes » et auquel l'on rattache ordinairement le Front National, tout comme l'autre Front (celui de M. Mélenchon, le « Front de Gauche »), existent et prospèrent en grande partie parce que la République, dans ses diverses présidences depuis près d'une quarantaine d'années, a renoncé à assurer la nécessaire primauté du politique sur les féodalités économiques et financières, et n'a pas joué son rôle de protectrice de la société française et de ses populations, tant sur le plan social qu'environnemental.

 

Les populismes en France n'existent que parce que l'Etat républicain a oublié, pratiquement, les peuples de France : le peuple comme communauté nationale et « vivre ensemble » ; le peuple comme forces sociales diverses secouées par la mondialisation ; le peuple comme populations enracinées et reconnues dans cet enracinement à la fois particulier et divers, communautaire et individuel...

 

Il serait dommage que, les lampions de la fête présidentielle éteints, celui qui assumera, pour un temps de cinq ans, les plus hautes responsabilités de l'Etat, oublie les siennes : cela ne ferait qu'attiser un peu plus les braises des mouvements protestataires qui, à défaut d'être crédibles sur les solutions à apporter aux crises françaises, savent canaliser les colères populaires et peuvent, si l'on y prend garde, les transformer en brasier...