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27/10/2021

Les physiocrates, ou le libéralisme des grands propriétaires.

 

Suite à la publication de la 3ème partie de la conférence sur les origines de la question sociale en France, plusieurs commentaires sur les réseaux sociaux ont évoqué les physiocrates et le libéralisme, et il me semble utile de préciser quelques éléments sur ce sujet. Bien sûr, ce ne sont que quelques lignes sur un débat qui en mériterait des pages et des livres ! Mais elles permettent d’un peu mieux cerner les données et les idées d’un royalisme social qui, au-delà de son histoire et de ses héritages, attend encore de trouver « la » plume susceptible de lui redonner un fonds théorique et des formes pratiques…  

 

 

Avec la percée des idées des physiocrates (Annexe 1) sous le règne de Louis XV, ce ne sont pas les libertés qui progressent, mais plutôt une conception des libertés qui maximalisent celles-ci dans un sens purement économique et principalement individualiste, et non dans le sens du Bien commun ou du service de tous. L’Individu devient la référence de base des libéraux et la liberté individuelle, la « seule » liberté, de caractère purement privé comme, dans le même temps, la propriété tend à le devenir de plus en plus exclusivement, à rebours de ses formes anciennes et multiples (voire carrément désordonnées…). Du coup, l’entraide n’est plus vraiment « naturelle » aux yeux des physiocrates (comme elle paraissait l’être par l’accent mis sur l’aspect communautaire de la société d’Ancien Régime) mais devient juste un « bon vouloir » des individus, au risque de provoquer un repli sur soi de ceux-ci sur leurs seuls intérêts privés, qui ne se sentent pas « obligés » d’aider autrui, fût-il de leur village ou de leur nation.

 

Non pas que les dits intérêts privés soient condamnables, au contraire, mais quand ils deviennent le seul point d’appréciation de la vie sociale et de fixation des désirs humains, ils mènent droit à l’individualisme asocial, celui de l’indifférence à autrui et à la société en général : le mot fameux de Margaret Thatcher, « La société n’existe pas » (1), résume cette idéologie qui, Dieu merci, reste à l’état inachevé, ne serait-ce que parce que la nature humaine en limite l’application, et cela même si les nouvelles technologies et l’Intelligence Artificielle participent activement et poussent allégrement à cette dislocation de la société en un « champ balkanisé de territoires virtuels », et qu’elles paraissent comme la dernière (mais pas l’ultime) ruse du libéralisme individualiste pour s’imposer totalement, au moins mentalement et sentimentalement. Henri Massis avait répondu par avance au discours simpliste de Mme Thatcher en rappelant que « l’homme est société », tout comme Daniel Defoe dans son Robinson Crusoé nous démontre, à travers son texte, que Robinson est, même très éloigné de toute société, l’héritier de ce qui l’a fait ce qu’il est, c’est-à-dire héritier d’une société qui l’a fait homme (ou, plutôt, personne consciente et libre d’être et d’avoir), homme capable de surmonter les épreuves de (et dans) la solitude par sa formation sociale initiale. Un Robinson amnésique ou « né seul sur une île » n’aurait pas eu beaucoup de chance de survivre longtemps…

 

 

 

 

Annexes : (1) : Dans son ouvrage sur le Catholicisme social, Léo Imbert écrit, à propos des physiocrates du XVIIIe siècle (qui seront vite dépassés par les « industrialistes » du siècle suivant) : « (…) le mouvement des physiocrates (« le gouvernement par la nature ») (…) est avant tout une théorie économique : la terre étant source de toute richesse, l’agriculture est la seule force réellement productive, la seule qui rémunère ses entrepreneurs. (…) A partir de ces postulats, écrit Hubert Méthivier, les physiocrates élaborent un « programme » : […] créer […] un capitalisme agrarien grâce au retour à la terre des nobles et aux partages des communaux car seul un grand domaine bien outillé peut avoir un grand rendement ; abolir les vieux droits collectifs de parcours et de vaines pâtures ; éliminer la petite propriété au profit de gros fermages ; assurer le bon prix, la hausse des denrées agricoles par l’augmentation de la consommation, par la liberté de vente et de circulation qui égalisera les prix par la concurrence et la suppression de toute entrave (monopoles, taxes, octrois, péages, droits de marchés, etc.). Cela suppose un gouvernement converti au laisser faire (…). » A bien lire ce programme, l’on peut constater aisément que c’est, en définitive, celui que la Quatrième puis la Cinquième République tout autant que les institutions du Marché Commun puis de l’Union européenne, ont appliqué, au détriment des petites et moyennes paysanneries, et au profit de grands propriétaires et des multinationales de l’agroalimentaire… Il n’est pas certain que la liberté de la plupart des agriculteurs y ait beaucoup gagné, si ce n’est celle de s’endetter avant que d’être éliminés au profit de structures agricoles de plus en plus grandes et de plus en plus productivistes, au détriment également de l’environnement, des terres comme des paysages, et des estuaires envahis d’algues vertes, conséquences du sur-engraissement chimique des terres et des concentrations de bêtes et de leurs déjections… La liberté de beaucoup a été sacrifiée à celle des « plus gros », dans une logique toute darwinienne ; et c’est la propriété privée qui, en étant renforcée, l’a été selon la même logique, toute libérale mais fort injuste à bien y regarder.

 

 

 

Notes : (1) : En anglais, « There is no such thing as society ».

 

 

 

11/06/2012

Agriculture bio.

 Une information rendue publique la semaine dernière est passée quasiment inaperçue, sans doute à cause des débats électoraux entre UMP et PS pour le contrôle de l'Assemblée nationale : il est vrai que les législatives, comme les présidentielles, ont tendance à cannibaliser tous les débats et toutes les communications autres que celles des élections, et c'est parfois bien dommage...

 

Ainsi, on a appris que, comme le signale La Croix dans son édition du lundi 4 juin dernier que « le seuil du million d'hectares consacré à l'agriculture bio est dépassé en 2012 » : et même si « les objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement ne sont pas atteints, (...) la tendance s'enracine. ».

 

« Le nombre de fermes bio a doublé en quatre ans : 11 978 exploitations fin 2007, 24 000 en mai 2012. 

Car la demande est là. Entre 2010 et 2011, le chiffre d'affaires du marché alimentaire bio a augmenté de 11 %, à près de 4 milliards d'euros. En parallèle, les prix sont restés stables. Pour Élisabeth Mercier, directrice de l'Agence Bio, « plus il y a de produits bio disponibles et de points de vente, plus la demande augmente ». Et il y a de la marge : pour les jeunes générations, consommer bio est courant. Cette année, 57 % des cantines scolaires proposent des produits bio, alors qu'elles n'étaient que 4 % avant 2006. »

 

Ces différents éléments prouvent qu'il n'y a pas de fatalité en ce domaine comme en d'autres : quand quelques royalistes achetaient des produits issus de l'agriculture biologique il y a une vingtaine d'années déjà sur le marché des Lices à Rennes ou dans la région parisienne, qu'ils participaient à la rédaction du mensuel « Le Paysan biologiste » comme mon ami Frédéric Batz (Frédéric Winckler, aujourd'hui président du Groupe d'Action Royaliste), cela paraissait exotique et curieux, et nous étions bien seuls, car même les écologistes autoproclamés, les « Verts », ne s'intéressaient pas beaucoup au sujet... Après tout, à quoi bon, pensait-on alors dans l'Opinion publique, persuadée que les problèmes alimentaires étaient d'abord liés au non-traitement des fruits et légumes et non l'inverse !

 

Oh, bien sûr, il y avait la viande aux hormones, et même la « vache folle », mais on ne faisait pas attention à tous ces produits sous cellophane dont personne ne semblait s'étonner que, issus de la terre, ils soient si propres, si verts, si semblables parfois : la standardisation des produits agricoles, d'ailleurs de plus en plus consommés sous forme de « produits transformés » ou de plats surgelés, a fait disparaître quelques formes bizarres que la nature donnait, dans sa malice, aux pommes de terre ou aux tomates...

 

Aujourd'hui, les consommateurs redécouvrent ce que nos parents connaissaient déjà, et c'est une lente reconquête des esprits et des palais gourmands, malgré les pressions de la Grande distribution qui, le plus souvent, utilise les produits issus de l'agriculture biologique comme d'un produit d'appel mais ne renonce pas pour autant à poursuivre sa standardisation des produits alimentaires...

 

Dans ce domaine comme en tant d'autres, le rôle de l’État peut ne pas être insignifiant : s'il ne s'agit pas d'imposer à tout prix des règles qui détruirait tout esprit d'entreprise (je ne suis pas étatiste, juste colbertiste !), il conviendrait que les pouvoirs publics soutiennent plus ardemment le développement de l'agriculture bio qui n'est autre que l'agriculture respectueuse de la première règle de toute agriculture et de toute activité humaine en rapport avec le vivant : « on ne commande à la nature qu'en lui obéissant ». Voici l'une des tâches prioritaires du nouveau ministre de l'Agriculture, M. Stéphane Le Foll, s'il veut entamer, ou accélérer, la grande transition de l'Agriculture française et enrayer aussi la déprise des territoires agricoles ! Vaste chantier !

 

D'autant plus que les objectifs du Grenelle de l'environnement n'ont pas encore été atteints : la France ne compte en 2012 que 3,5 % de terres bio sur toute la Surface agricole utile (SAU), ce qui est bien en-deçà des promesses de 2007.

 

De plus, comme le souligne l'article, l'agriculture bio peut être une bonne solution pour des agriculteurs aujourd'hui dépités par un système agro-alimentaire trop mondialisé et marchandisé, à la fois trop artificiel et trop peu respectueux du travail paysan : « « Surtout, les exploitants remettent en cause le système agricole actuel. Ils ne gagnent pas bien leur vie et souffrent d'un manque de considération. Le bio permet d'augmenter les marges tout en revenant aux valeurs de la terre », estime François Thiéry, président de l'Agence Bio et producteur laitier dans les Vosges. »

 

Revenir aux valeurs de la terre, dont on sait que le système agro-alimentaire la fait aussi bien mentir que le reste... Cette expression d'un retour nécessaire ne s'adresse pas qu'aux agriculteurs, mais aussi aux consommateurs, pour mieux manger, plus sain et plus savoureux, et pour mieux vivre, aussi... Sans tomber dans un ruralisme nostalgique et parfois un peu niais, cette expression peut donner quelques envies et quelques pistes de réflexion à qui veut sortir du cycle infernal de la Société de consommation qui nous consume plus sûrement qu'elle nous nourrit...


 

 

 

12/12/2011

Les terres agricoles menacées par l'urbanisation.

« La France détruit plus de terres agricoles que ses voisins », titrait « Le Figaro » dans ses pages économiques de ce lundi 12 décembre : c'est l'un des problèmes qui affectent aujourd'hui notre pays, au moment même où il serait nécessaire de relancer une véritable stratégie agricole adaptée aux demandes actuelles, problème lié à une urbanisation croissante et dévoreuse de terres arables et déjà dénoncé par les organisations agricoles depuis quelques années. « Aujourd'hui, ce sont 78.000 hectares de terres arables qui disparaissent chaque année en France (...). « A ce rythme, en quatre ans, c'est l'équivalent de la surface agricole d'un département moyen qui disparaît sous l'effet de l'urbanisation. Un paradoxe dans un contexte de forte demande de produits agricoles » (...) ». Cette tendance à la bétonnisation de terres arables est néfaste, et il faudrait dès maintenant y mettre, sinon un terme (il ne s’agit pas de muséifier la France !), du moins un frein si l’on veut, demain, pouvoir développer et promouvoir une agriculture de proximité plus efficace et créatrice d’emplois, ce qui ne serait pas de trop par les temps qui courent ! Ce que souligne le président de la Fédération nationale des SAFER (Sociétés d’Aménagement foncier et d’établissement rural) en rappelant que « l’agriculture en zone urbaine représente pourtant de véritables atouts comme capacité de production alimentaire proche des villes, essor des circuits courts, sauvegarde des paysages et mixité sociale ».

 

« Reconquérir les campagnes pour nourrir les villes », voici un programme agricole pour les décennies qui viennent, et cela permet aussi de redire combien un véritable aménagement du territoire, ménager de l’environnement, peut fournir quelques pistes pour aider à surmonter la crise qui frappe notre pays.

 

Mais certains objecteront qu’il faut bien trouver de la place pour les rurbains : alors, pensons à de nouveaux modes de construction et de propriété qui préservent au maximum les terres agricoles, en particulier en renonçant aux lotissements pavillonnaires, marques indélébiles de « l’individualisme de masse » dans le paysage et révélateurs de « l’entassement horizontal », et en privilégiant la rénovation et l’entretien du bâti déjà existant, très important et parfois délaissé dans certaines campagnes qui, pourtant, ne sont pas forcément « profondes », mais aussi en favorisant la construction de petits immeubles de multipropriété avec de vastes espaces jardiniers, par exemple, moins consommateurs de terrain et permettant de loger plus de personnes au mètre carré.