Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/04/2010

La comédie présidentielle de la sécurité.

L’installation d’un nouveau préfet en Seine-Saint-Denis a été l’occasion d’une polémique sur la manière dont celle-ci a eu lieu, et en particulier sur la fermeture, trois jours d’affilée, de la préfecture de Bobigny elle-même, sur ordre, semble-t-il, des services de l’Elysée… Les administrés, eux, n’ont même pas été prévenus, au risque de se heurter à une porte close lorsqu’ils venaient effectuer des démarches parfois prévues de longue date ! Mais c’est devenu une habitude de tout bloquer de la vie d’une administration ou de mobiliser des effectifs pléthoriques de forces de l’ordre quand l’actuel président se déplace quelque part, au moment même où les effectifs de police se réduisent d’année en année, « remplacés » comme l’évoquait (et s’en félicitait !) un ponte de l’UMP ce matin, par des systèmes de vidéoprotection…

 

Deux remarques : la première c’est l’écart grandissant entre un pays légal, « présidentiel », qui se coupe délibérément des populations par sa pratique méprisante de ses prérogatives, oubliant par là-même ses devoirs d’Etat, et un pays réel qui réclame la sécurité, non pour les seuls déplacements présidentiels mais pour la vie quotidienne dans les quartiers, les villes comme les campagnes ! Est-il normal que l’on mobilise des centaines de policiers ou de gendarmes pour un discours présidentiel au risque de manquer d’effectifs, le même jour, pour assurer la simple sécurité urbaine, par exemple ? L’Etat, qui parle constamment (et ce n’est pas forcément anormal) de faire des économies, devrait, en sa tête, donner l’exemple et faire preuve d’un meilleur usage des deniers publics : il ne s’agit pas de supprimer toute protection d’un Chef de l’Etat forcément exposé de par sa fonction (cela serait, évidemment, et absurde et dangereux !), mais d’être moins dispendieux et d’appliquer, en ce domaine comme en d’autres, la juste mesure.

 

Deuxième remarque : la vidéoprotection ne sert à rien si les moyens humains sont réduits au point de ne pas pouvoir exploiter les données enregistrées par les caméras placées désormais aux quatre coins des grandes villes ! On a sans doute de très belles images des agressions de personnes sur les quais de métro ou à la sortie du tramway, comme à Grenoble dernièrement, mais les agresseurs savent se protéger des regards de l’objectif et tous les moyens techniques de contrôle ne valent que s’il y a des personnes derrière pour en tirer profit, et, mieux encore, pour éviter, par leur présence dissuasive, les incidents ou les méfaits !

 

La sécurité n’est pas qu’une question de moyens techniques, elle est aussi une question de volonté : car que peuvent les forces de l’ordre si, après être intervenues en tel ou tel endroit, la justice « ne suit pas », préférant relâcher des « présumés coupables », parfois pris en flagrant délit, pour le motif que les faits reprochés ne sont pas « assez » graves ou que les conditions d’interpellation ne sont pas totalement « réglementaires »… C’est d’ailleurs ce qui choque les citoyens ordinaires qui ne sont pas toujours au fait des subtilités administratives et qui ont l’impression que les malfrats sont toujours impunis (ce qui n’est heureusement pas le cas), et que ces derniers peuvent recommencer dès leur sortie de garde-à-vue !

 

Plus encore peut-être que le sentiment d’insécurité, c’est le sentiment d’impunité des malfrats et des voyous qui agace les citoyens, et c’est celui-ci qui renforce concrètement l’insécurité : est-il normal que des personnes qui, dans certaines cités, ont déposé plainte contre de jeunes violeurs, soient obligées, sous les menaces de leur « voisinage », de déménager de chez eux, ainsi chassés, non seulement par les « amis » et les familles des violeurs, mais par une sorte de « loi du milieu » (ce dernier mot étant pris au sens sociologique du terme, et non maffieux, même si, concrètement, cela y ressemble…) qui veut que l’on ne doit rien faire contre les gens du quartier, fussent-ils les pires des salauds ! On est loin de la scène finale du film « Le plus beau métier du monde » dans laquelle tout le quartier se retrouvait soudé contre les voyous ! Bien sûr, cette loi d’airain des cités sensibles n’est pas systématique mais elle est tout de même assez générale pour ne pas être démentie, malheureusement…

 

 Il est une autre question qu’il faudrait aussi aborder : les problèmes de sécurité ne sont-ils pas liés, aussi et peut-être surtout, à une perte de repères et à une dévalorisation de valeurs telles que « le juste salaire pour une juste peine », l’honneur et l’honnêteté, le respect de la dignité d’autrui, l’attachement à un certain équilibre social, condition de toute justice sociale ? Dans un monde où l’argent (et particulièrement l’argent facile !) est devenue « la » valeur (sic !) suprême, comment la fin, cette fin-là, ne justifierait-elle pas les moyens, « tous les moyens », même les plus indignes, pour l’obtenir ?

 

Triste monde, triste République…