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06/01/2020

Quand la République jette de l'huile sur le feu social...

Le débat sur la question des retraites sert-il encore à quelque chose ? C’est la réaction désabusée de quelques uns des acteurs de la scène politique et syndicale quand ils ont appris, par des indiscrétions vite dévoilées par la presse de ce lundi soir, que le projet de loi a déjà été envoyé au Conseil d’Etat, avant même que les partenaires sociaux soient reçus mardi par le gouvernement au ministère du Travail… Une façon de dire aux grévistes et aux opposants à la réforme que contester celle-ci n’a aucun sens et que, en définitive, la cause est entendue : en fait, si l’on en croit Yves Veyrier, secrétaire général de Force Ouvrière, mais aussi les responsables de la CFTC, le projet devait déjà être écrit avant même les vacances de Noël, ce qui, si cela se confirme, montre le bien peu de cas que le gouvernement fait des partenaires sociaux et de l’idée même de négociation… Bien sûr, les aménagements (considérés comme des concessions coûteuses par les plus libéraux) à la réforme démontrent que celle-ci n’est plus tout à fait universelle puisque les militaires, les policiers, les personnels du secteur aéronautique, etc., conserveront des régimes particuliers (preuve s’il en est que la logique corporative n’est pas tout à fait négligée par le gouvernement, sans doute par la simple force des choses…).

 

Ainsi, le gouvernement, pressé par la Commission européenne qui appelle à la poursuite des réformes (celle des retraites étant une étape majeure), veut accélérer et ne rien céder désormais à la grève elle-même, et cela passe par une forme d’assurance affirmée qui semble confiner au mépris de toute position ou événement protestataire, au risque d’agacer un peu plus les syndicalistes et nombre de salariés, voire de les « radicaliser ». Mais n’y a-t-il pas une sorte de jeu dangereux de la République, une sorte de « stratégie du choc » (dénoncée il y a quelques années par Naomie Klein dans un ouvrage homonyme) qui creuserait un peu plus le fossé entre les différentes classes et « blocs » (élitaire contre populaire, ou populiste), selon la terminologie de Jérôme Sainte-Marie ? Je le crois et je le crains ! La même stratégie a été largement utilisée depuis le début du soulèvement des Gilets Jaunes, avec les provocations verbales des partisans du pouvoir en place (contre ceux « qui fument des clopes et roulent au diesel », comme le clamait M. Griveaux, alors porte-parole du gouvernement), et la violence d’une répression qui n’a pas pour vocation de rétablir l’ordre, mais de maintenir le « désordre établi », ce qui n’a pas exactement le même sens.

 

Alors même que l’insécurité progresse et que le nombre d’incivilités et d’actes de délinquance ne cesse d’augmenter dans notre pays, autant que la violence des agressions de rue, les forces de l’ordre sont « monopolisées » par le gouvernement pour empêcher l’accès des manifestants aux centres de la République métropolisée : les hypercentres sont désormais interdits aux manifestations politiques dans de nombreuses villes, ce qui n’empêche pas, d’ailleurs, la dévastation par des bandes organisées (et peu inquiétées, en définitive, ce qui peut amener à se poser quelques questions…) de nombreux commerces sur les parcours forcés et balisés par les autorités préfectorales, au grand dam de leurs gérants, impuissants et, eux, mal protégés par des forces de l’ordre qui semblent n’intervenir « qu’après coup », comme me le confiaient, dépités, des commerçants de l’avenue de la Liberté à Rennes… « Pourquoi la police ne protège-t-elle pas nos boutiques alors que nous payons aussi nos impôts et de lourdes charges ? », m’a-t-on dit l’autre jour, devant les panneaux de bois qui remplaçaient les vitrines défoncées d’une petite agence immobilière ? Et le marchand de journaux d’à côté me confiait que lui et ses voisins s’étaient sentis abandonnés face à la horde de casseurs qui, de noir vêtus, n’avaient plus grand-chose à voir avec une contestation politique, mais bien plutôt nihiliste. Or, toute contestation, si elle veut être reconnue légitime, doit aussi proposer, prôner, discuter, et c’est cela qui lui donnera ses lettres de noblesse ou la condamnera, selon les arguments et les fondations idéologiques qu’elle valorisera : toute contestation n’est pas légitime en soi, mais elle doit pouvoir s’exprimer et chercher à convaincre pour vaincre, sinon elle n’est qu’une usurpation supplémentaire, et doit être, à son tour, dénoncée et éventuellement combattue en politique.

 

Cette stratégie gouvernementale du pourrissement de la situation et de l’exacerbation des conflits et des violences (soit par la répression politique, soit par le laisser-aller sécuritaire) est néfaste pour l’unité du pays et je le constate chaque jour dans les discussions au comptoir ou sur les forums électroniques : là où il faudrait parler avec mesure et discuter sans forcément abandonner la passion mais en cherchant la raison, le gouvernement préfère passer en force et brusquer ses adversaires quand il faudrait les amadouer et leur reconnaître quelques bonnes raisons de contester le projet de réforme des retraites. Là où il devrait y avoir vrai débat et confrontation des propositions et projets, il n’y a que la logique de l’affrontement et de la mauvaise foi qui, d’ailleurs, n’est pas que l’apanage du gouvernement et de ses partisans, certains syndicats s’enfonçant dans une démagogie qui n’est pas plus honorable que les mensonges ou les approximations gouvernementales et présidentielles.

 

Il y aurait tant à dire, pourtant, et tant à proposer : non pas un régime universel mais bien plutôt un régime juste qui reconnaîtrait les particularités propres à chaque métier et secteur socio-professionnel, sans méconnaître les traditions sociales et sans négliger les questions financières ; un système qui autorise et valorise l’existence des caisses autonomes par profession au lieu de vouloir les confisquer pour des raisons purement financières ; un Etat qui prône une politique de soutien à la natalité et d’intégration au Travail de tous quand le chômage reste un mal récurrent, et qui valorise le travailleur plutôt que le spéculateur… Surtout, un Etat qui joue son rôle de grand arbitre au-dessus des groupes de pression et celui de fédérateur des énergies sociales françaises, et qui ne mette pas constamment de l’huile sur le feu ; un Etat qui pense aux hommes et au bien commun du pays, au lieu de jeter les uns contre les autres au bénéfice des grandes féodalités financières et économiques ; un Etat qui pense France avant de parler Monde…

 

Car le mépris des « princes qui nous gouvernent » (le « pays légal ») à l’égard des travailleurs, des métiers et des peuples de France (le « pays réel ») pourrait bien, en versant dans cette démesure (1) qui caractérise désormais les jeux pervers de la mondialisation et les rétributions des plus riches, alimenter une colère difficile à éteindre et dont les effets pourraient être encore plus dévastateurs que les feux du 1er décembre 2018 ! N’oublions jamais, et le gouvernement ferait bien aussi de s’en rappeler, que la politique du pire est souvent la pire des politiques, et qu’elle ouvre parfois des boîtes de Pandore qu’il est difficile de refermer. Cela mérite justement une réponse éminemment politique, dont il n’est pas sûr qu’elle soit ou, même, qu’elle puisse être institutionnellement « républicaine »…

 

 

 

Notes : (1) : l’hubris dénoncée par les Grecs anciens, et qui aveugle ceux qu’elle veut perdre, en fait…

 

 

05/12/2018

Un samedi à Paris : le témoignage d'un spectateur engagé. Partie 3 : La bataille de l'Etoile...

 

Je publie ci-dessous la troisième partie de mon témoignage sur les événements de samedi : après la charge des motos et l'éclatement du fort groupe de manifestants dans toutes les rues voisines, il est temps de remonter vers l’Étoile...

 

 

 

Après une longue errance avec des petits groupes de gilets jaunes désorientés et agacés, harcelés par des forces de l'ordre visiblement aussi décontenancées que nous, avec des « en civil » casqués qui pointent leur sorte de tromblon noir vers les manifestants alors même que ceux-ci lèvent les mains vers le ciel en signe d'apaisement, je décide de remonter seul vers la place de l’Étoile d'où l'on entend la rumeur qui enfle régulièrement pour s'apaiser ensuite quelques minutes, comme pour mieux reprendre son souffle. L'avenue que j'ai déjà empruntée est encore plus dévastée que l'heure d'avant mais plus personne ne semble se soucier des voitures calcinées ou en cours de combustion : tout n'est plus qu'un immense grondement, comme une tempête sans pluie, et l'émeute semble maître du terrain, les forces de l'ordre ayant visiblement abandonné cette avenue, sauf au commencement des rues adjacentes. Là, les cars de police se tiennent les uns contre les autres, formant un barrage infranchissable et les policiers tiennent en joue des ennemis que je ne vois pas, sans doute derrière moi. Tout autour de moi, ça fume des cigarettes, ça discute, ça rigole, ça se moque, ça se repose aussi, et nombre de manifestants sont assis sur le pas des portes, un masque de papier autour du cou pour la plupart. Ici, beaucoup de jeunes, aux apparences très diverses, entre loden et blouson de cuir, tenue de ville ou de sport, parlant riche ou rural, voire banlieue. Des gens très différents qui, d'ordinaire, ne se croisent ni ne se parlent... Magie de l'émeute !

 

Voici la place de l’Étoile, enfin ! Il n'y a rien qui empêche de l'atteindre, et elle semble même devenue le point de convergence de tous les groupes que j'ai croisés depuis le début de l'après-midi : viennent-ils par curiosité ou par envie d'en découdre ? Sans doute un peu des deux à la fois, car je sens une forte excitation parmi les gens qui m'entourent. J'écarquille les yeux, tant le spectacle est étonnant et a, même, un aspect dantesque : sur la place et particulièrement sur la chaussée, d'ordinaire couverte de voitures, c'est une véritable marée de gilets jaunes. Le midi, j'avais entendu à la radio qu'il y avait ici « 3.000 » casseurs : mais, à regarder tout autour de moi, j'ai du mal à imaginer que ce chiffre puisse être crédible ! Je suis au cœur de la tourmente, et pourtant, je ne sens aucune peur parmi les gens présents, que de la colère mêlée à l'odeur âcre des lacrymogènes, et une colère qui, là encore, n'a qu'un nom : Macron. Comme si, en quelques jours, celui-ci avait concentré sur son patronyme et sa personne tout le ressentiment accumulé depuis quarante ans, ces « quarante ans » que j'entends évoquer depuis mon arrivée par la plupart de mes interlocuteurs, même ceux qui sont loin d'atteindre cet âge. « Cela fait quarante ans que ça dure, il faut que ça cesse », revient régulièrement dans les propos des émeutiers comme des retraités au style soixante-huitard, des ruraux comme des citadins bretons (des voisins de là-bas !), de la jeune femme au keffieh palestinien comme de l'assistante maternelle. En somme, depuis Giscard d'Estaing... ou la première élection du parlement européen au suffrage universel ! En fait, ce « quarante ans » vaut condamnation d'un système qui dépasse ceux qui l'ont porté successivement aux plus hautes fonctions de l’État, et cela signifie un rejet des partis de gouvernement, de droite comme de gauche : terrible constat d'échec d'une présidence entamée il y a à peine 18 mois, débutée au Louvre et qui semble s'achever ce soir à l'Arc de Triomphe, dans les fumées et les cris... 

 

Durant de longues minutes, je n'ose m'approcher de l'Arc que j'aperçois entouré d'un halo gris et qui, étrangement, me semble plus grand que dans mes souvenirs pourtant récents. Les combats sont visiblement très violents si j'en crois le nombre d'explosions qui retentissent, parfois trois ou quatre par minute. Sur la place, des vagues se succèdent, dans les deux sens, dans un aller-retour permanent et enivrant : des centaines, peut-être plus, de personnes courent, s'arrêtent d'un coup, et lancent vers des ombres lointaines moult projectiles avant que de refluer sous l'effet des grenades et, parfois, d'un canon à eau qui n'a pas assez de pression pour être efficace... Le sol est luisant, détrempé, et couvert de restes des munitions policières, des sortes d'étuis en plastique dur et gris, avec une extrémité rouge, mais aussi de bouchons noirs provenant sans doute des mêmes matériels. Quelques uns des manifestants, les derniers arrivés, se penchent pour les observer mais sans les ramasser, peut-être pour éviter des ennuis en cas d'interpellation. 

 

Je me retourne : les Champs Élysées sont là, tranquilles, illuminés des guirlandes rouges des décorations de Noël accrochés aux arbres de la plus belle avenue du monde. Je me rends compte alors que la nuit vient de tomber : je n'ai pas vu le temps passer ! L'impression est totalement surréaliste : les cars blancs de la police semblent rosés par les lumières de Noël, serrés les uns contre les autres comme une « tortue » de légions romaines. De ce côté-là, quasiment plus de bruit, à part quelques phrases chuchotées. Des badauds flânent le long des grilles policières ; un journaliste étranger, micro en main, s'adresse à une caméra en prenant un air de profonde désolation, et s'inquiète même lorsque je m'approche de lui... Je crois entendre le mot de « révolution » dans sa bouche, dans un sabir anglo-saxon apparemment destiné à un public arabe, si j'en crois l'inscription sur le manche de son enregistreur. En tout cas, il paraît totalement effaré par ce qu'il a vu, voit et verra s'il reste encore un peu ! 

 

Enfin, je me décide à traverser la place pour constater de visu les dégâts qu'annoncent complaisamment les sites d'informations que je consulte sur mon téléphone portatif. Je ne prends pas la peine de courir car les forces de l'ordre paraissent fort éloignées de l'Arc, bloquant la plupart des accès à l’Étoile sans pour autant chercher à la reconquérir. Le spectacle sous l'Arc de Triomphe est absolument étonnant et donne une impression de bivouac improvisé et confus : des jeunes et des moins jeunes sont assis nonchalamment le long des murs tandis que, tout autour de la tombe du Soldat inconnu, une sorte de garde d'honneur des gilets jaunes veille au respect de l'endroit et du symbole, et que les gerbes et les couronnes de fleurs ont été redisposées auprès de la flamme qui, visiblement, vient d'être rallumée, comme tous les soirs. De temps en temps retentit une vibrante Marseillaise, mais qui ne motive guère quelques uns des occupants de l'endroit, très décontractés et plus enclins à préférer d'autres hymnes ou rythmes... Sur les murs, de multiples graffitis, de plus ou moins bon goût, et qui signalent une grande diversité d'opinions et de centres d'intérêt : ces dégradations, instinctivement, me choquent et, à bien y regarder, semblent ne pas avoir grand-chose à voir avec la protestation présente elle-même. Un grand « Fin de régime », sans signature politique, m'intrigue néanmoins : dois-je, ici, y reconnaître un de ses intersignes chers à Léon Daudet ? 

 

 

(à suivre)

 

17/10/2016

Notre-Dame-des-Landes, vers la "solution Royal" ?

Décidément, Notre-Dame-des-Landes est bien le Larzac ou le Plogoff de la République hollandaise, et ce projet d’aéroport, mal conçu et inadapté aux nouveaux enjeux économiques comme environnementaux, est un véritable sparadrap pour un gouvernement aujourd’hui fragilisé par l’attitude et les propos de son propre président. Les déclarations dominicales du ministre de l’environnement Ségolène Royal au JDD le confirment et remettent les notables locaux et une bonne partie du gouvernement en difficulté, au grand dam d’une base socialiste qui ne sait plus vraiment à quel saint (laïque et républicain, bien sûr !) se vouer…

 

Il y a quelques points à relever dans l’intervention de Mme Royal :

 

  1. tout d’abord, le coût supposé de la construction de l’aéroport, largement sous-évalué et évidemment « dépassé » désormais, les chiffres donnés remontant, dans le meilleur des cas, à l’évaluation de 2012 : là, Mme Royal évoque « un ouvrage qui coûtera entre 800 millions et un milliard d’euros alors qu’il y a tant besoin d’infrastructures dans toutes les régions ». On est bien loin des 560 millions d’euros encore mis en avant par les partisans de l’aéroport Vinci il y a quelques semaines. Ce point-là n’est pas négligeable et la question financière mériterait une nouvelle évaluation avant d’engager encore de l’argent, parfois public, pour la réalisation de ce projet. D’ailleurs, qui paiera les surcoûts éventuels ? Sans doute pas l’entreprise Vinci, mais bien plutôt les contribuables à qui, pourtant, il sera délicat, en ces temps de disette d’annoncer de nouvelles augmentations de taxes et d’impôts. Sans oublier que les voies d’accès rapide au site de l’aéroport ne sont toujours pas, non plus, évaluées sérieusement ni même évoquées, au point de rendre le projet bancal et, en définitive, peu crédible…

 

D’autre part, Mme Royal n’a pas tort de rappeler que l’aménagement du territoire mériterait bien un meilleur investissement, plus équitable et mieux réparti : plus utile, en somme ! Il suffit de parcourir le Berry ou la Bretagne pour s’en rendre immédiatement compte : la lutte contre la désertification rurale me semble plus urgente que de grands projets aéroportuaires ou commerciaux qui renforcent ce mouvement de « cannibalisme urbain » qu’est la métropolisation.

 

  1. La pertinence du projet est aussi évoquée par le ministre de l’environnement : « Aujourd’hui, un tel projet, qui remonte à des années, ne serait pas autorisé ». C’est tout à fait vrai : les normes environnementales ont évolué vers un meilleur respect des paysages comme de la biodiversité, et la COP 21 est aussi passée par là ! Le projet, dont les prémisses prennent leur source durant les « Trente glorieuses », correspond à une époque où le TGV n’existait pas et où les terres semblaient « infinies » alors que, depuis quarante ans, l’artificialisation et la rurbanisation ont mangé en surface (principalement rurale) l’équivalent de huit départements français ! Mieux vaut, comme le souligne Mme Royal, utiliser ce qui existe déjà au lieu de bétonner le dernier grand espace de bocage de l’ouest de la France. « Le bocage plutôt que le ravage », clame une affiche récente du Groupe d’Action Royaliste, et c’est bien, aussi, l’enjeu immédiat du débat sur ce sujet.

 

Et le ministre d’enfoncer le clou : « J’ajoute que les progrès faits en dix ans sur le bruit des avions rendent possible l’aménagement de l’aéroport actuel »… Ce serait tout de même dommage de ne pas entendre ou pratiquer ces nouvelles possibilités qui auraient le mérite de débloquer le dossier aéroportuaire nantais à moindres frais ! A moins que des intérêts peu avouables soient aussi en jeu…

 

  1. La question de l’usage des forces de l’ordre, aujourd’hui soumises à une considérable pression et au bord de l’épuisement. « Nos forces de l’ordre ont d’autres missions à mener en ce moment, liées au terrorisme, à la situation dans le Calaisis… Pour avoir géré le dossier douloureux de Sivens, où il y a eu un mort et où j’ai dû, difficilement, renouer les fils du dialogue, il est de ma responsabilité – puisqu’il s’agit d’une infrastructure qui relève de mon ministère – d’alerter sur le risque d’une évacuation par la force. Imaginons seulement un instant qu’il y ait mort d’homme, parmi les forces de l’ordre ou du côté des manifestants. Ce serait gravissime ! » Un grand article titré « Notre-Dame-des-Landes, évacuation impossible » accompagne cette déclaration ministérielle et confirme la difficulté d’une opération d’évacuation d’une zone qu’il faudrait ensuite sécuriser avant même que le chantier ne puisse concrètement démarrer. D’autre part, l’on se souvient de l’échec de la précédente opération, baptisée bien mal à propos « César », et qui s’est transformée en Gergovie pour les adversaires du projet d’aéroport… Alésia ne semble pas encore à l’ordre du jour !

 

Ce qui est certain, c’est que, décidément, la République a le chic pour se fourrer dans des impasses, et que les leçons du Larzac et de Plogoff n’ont pas été tirées par les autorités : il y a alors fort à parier que le destin de Notre-Dame-des-Landes, à défaut de se jouer à l’occasion de la prochaine présidentielle, se jouera soit dans la tragédie soit dans la comédie dont le Pouvoir sera, en définitive, la principale victime…

 

Et à la fin, ce n’est pas Créon qui l’emporte vraiment, mais c’est devant Antigone que, même dans la défaite, l’histoire s’incline…