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03/03/2009

Au royaume d'Absurdie...

Certaines anecdotes en disent parfois plus sur l’état moral et spirituel de notre société contemporaine que de longues et savantes pérégrinations intellectuelles : ainsi les deux qui suivent, rapportées par « La Croix » dans son édition du vendredi 27 février 2009.

 

La première, la plus médiatisée aussi (et, pour une fois, tant mieux !), autant Outre-Rhin que de ce côté-ci de la frontière, c’est celle de cette caissière licenciée après 31 années de bons et loyaux services dans le même supermarché pour avoir, selon l’accusation, « encaissé deux bons, l’un d’une valeur de 48 et l’autre de 82 centimes, des consignes que n’avaient pas réclamées les clients »… Il s’est trouvé un tribunal à Berlin pour justifier ce licenciement, et un deuxième pour le confirmer : « le licenciement pour « suspicion » est justifié. « L’employeur doit pouvoir se reposer sur une caissière en toute confiance », a motivé la juge Danièle Reber. Autrement dit, ce n’est pas le montant d’un détournement qui justifie la rigueur de la peine, mais le geste. C’est un principe. »

 

Je remarque que ce n’est pas la simple culpabilité qui est mise en avant, mais la « suspicion »… En somme, l’application tranchante d’une sorte de « loi des suspects » à l’encontre d’une salariée aujourd’hui au chômage et dans l’impossibilité de retrouver du travail, autant dire condamnée à une forme de « mort sociale » !

 

Et pendant ce temps-là, des traders et des financiers sans scrupule peuvent, eux, jouer de la crise pour s’en mettre plein les poches sans trop de risques, qu’ils s’appellent Madoff (aujourd’hui en difficulté mais toujours en liberté et encore riche…) ou Paulson (homonyme du rédacteur du plan de relance états-unien) qui, comme le rapportait une radio ce matin a gagné 67 millions de dollars en quelques heures par de juteuses opérations et manipulations (légales, semble-t-il…) financières, à l’heure même où le nombre de pauvres aux Etats-Unis risque d’atteindre 40 % de la population (36 % en 2007). Un Bernard Tapie, qui a supprimé des milliers d’emplois, triché en affaires et en sport, etc. est aujourd’hui indemnisé de plusieurs centaines de millions d’euros par les contribuables français pour avoir « été roulé » par le Crédit Lyonnais, pourtant dans une logique tout à fait libérale…

 

Mais, de qui se moque-t-on ? La différence entre le sort réservé à l’une et aux autres est, non seulement choquante, mais immorale, profondément immorale !

 

La deuxième anecdote (italienne, cette fois) rapportée par « La Croix » est celle d’une ouvrière ghanéenne de 47 ans qui, après 17 ans d’ancienneté dans l’entreprise, en a été licenciée (en novembre) parce qu’elle… chantait ! L’argument de la gêne occasionnée à ses collègues de travail semble ne pas exactement tenir puisque, « vu son travail sur le fer battu, on ne pouvait pas l’entendre à plus d’un mètre. » Et puis, en quoi chanter est-il, surtout à l’usine, une « faute professionnelle » ? Triste société où l’on vend des baladeurs musicaux qui, parfois, servent à cacher la tristesse de ce monde-là qui oublie de chanter et où l’on vire celle qui pousse la chansonnette pour se donner du cœur à l’ouvrage… Je me souviens pourtant d’une expression que j’ai entendue mille fois jadis et qui disait qu’un peuple heureux est un peuple qui chante : est-ce donc aussi condamné dans nos démocraties consuméristes et ennuyeuses, sans âme et sans mémoire autre que conflictuelle ? Rossignol, où pourras-tu, demain, trouver refuge ?

 

En tout cas, quand elle en est à ce point inéquitable et injuste, liberticide et sans coeur, parce que profitant trop aux puissants de l’heure, aux nouveaux féodaux de l’Argent, parce qu’écrasant les petits et les faibles tout en clamant ses « grands principes », parce qu’étouffant les voix discordantes et, parfois, les voix tout court, une société se condamne elle-même, après le déshonneur, à la ruine morale et s’expose à la contestation de ses principes, fussent-ils ceux d’une démocratie…

 

Au-delà de ces deux anecdotes, il en est de nombreuses aussi du même genre dans notre pays : ainsi, la crise que notre société vit aujourd’hui, n’est pas qu’une simple crise économique, sociale ou politique, c’est aussi une « crise de la civilisation ».

 

Un royaliste social, aujourd’hui comme hier, a le devoir de dénoncer les absurdités de cette « dissociété » (selon le mot heureux et souvent imité du philosophe Marcel de Corte), de cette « décivilisation » qui oublie les personnes et les communautés et offre trop souvent le spectacle d’une immense tartufferie, politique comme spirituelle. Etre royaliste, c’est aussi, au-delà du combat pour l’instauration d’une nouvelle Monarchie française, mener le combat pour la civilisation, celle de l’histoire, des cités et des personnes contre l’anonymat, l’individualisme et l’égoïsme, contre ce règne des principes abstraits et des tromperies médiatiques, contre les injustices sociales et les féodalités méprisantes. Les colères de Bernanos, aussi violentes soient-elles, nous rappellent à notre devoir de polémique et d’insurrection quand l’essentiel est en jeu !

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