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25/07/2012

L'amitié franco-allemande (bis).

 

Le journal L'Action Française a publié il y a quelques jours un article que j'avais rédigé pour mon blogue et que j'ai, à la demande de la rédaction de l'AF, complété de quelques phrases supplémentaires... Voici, donc, cette nouvelle version sur les conditions de l'amitié franco-allemande, avec les titres et intertitres rajoutés par le journal.

 

 

Paris et Berlin : les conditions de l'entente.

 

Cinquante ans après la réconciliation franco-allemande, Jean-Philippe Chauvin rappelle les conditions d'un partenariat équilibré : une France assez forte pour maîtriser la tentation hégémonique de l'Allemagne éternelle...

 

L'amitié franco-allemande est un bienfait, même si elle n'est pas toujours un fait avéré, en particulier en ces temps de crise et de cartes rebattues en Europe (ce qui n'est pas, en soi, nouveau...), et il est bon que la France et l'Allemagne, à travers leurs dirigeants respectifs aient rappelé, en ce dimanche 8 juillet, le cinquantenaire de cette amitié née d'abord de la rencontre de deux grandes et fortes personnalités qui, l'une et l'autre, connaissaient leur histoire et savaient la force des symboles et des gestes, le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer.

 

Deux êtres de chair et de sang

 

Autant les actes fondateurs de la construction européenne, de la création de la CECA (en 1951) au traité de Rome (en 1957) apparaissaient comme des textes sans âme, trop technocratiques pour susciter autre chose qu'un enthousiasme froid, artificiel, autant la rencontre de deux êtres de chair et de sang, enracinés dans des histoires nationales parfois douloureuses et sanglantes, au cœur d'une ville qui fut celle du sacre des rois de France avant d'être la martyre symbolique de la guerre de 1914-1918, a marqué les esprits : l'amitié franco-allemande s'incarnait à ce moment précis où de Gaulle et Adenauer se recueillaient en la cathédrale, en appelant d'une certaine manière (et le choix du lieu n'était sans doute pas anodin) à une légitimité supérieure pour sceller ce « pacte » entre les deux adversaires de la veille...

 

Sans cette incarnation, l'amitié franco-allemande aurait-elle été autre chose qu'un voeu pieux porté par des gens raisonnables et sérieux, sortes de « cornichons sans sève » tels que les moquaient Bernanos dans les années 30-40 ?

 

L'amitié n'est pas la compromission, elle est parfois la rude franchise de gens différents (elle est exigeante pour être vraie), et il est bon de savoir garder sa liberté (qui n'est pas l'isolationnisme...) à l'égard de ses propres amis pour, parfois, mieux les sauver d'eux-mêmes ! D'ailleurs, de Gaulle n'a pu initier cette amitié franco-allemande que parce qu'il l'appuyait sur deux nations différentes et décidés à s'entendre plutôt que sur des cadres techniques ou des zones économiques désincarnées ou anhistoriques, ce que n'avaient pas compris les Monnet et autres Schuman qui, il faut bien le rappeler, n'ont guère fait avancer, concrètement et sentimentalement (sans doute le plus important dans cette histoire), la réconciliation entre les deux pays issus de la division ancienne, par le traité de Verdun de 843, de l'empire carolingien.

 

Suprématie allemande

 

Aujourd'hui, l'Allemagne est la principale puissance économique de l'Union européenne et elle se verrait bien comme directrice des destinées européennes : il n'est pas sûr que cela soit souhaitable ni même convaincant. Seule et trop sûre d'elle-même au point d'en oublier ses devoirs en Europe, l'Allemagne risquerait de se perdre dans un rôle trop grand pour elle : au contraire, dans une alliance forte avec la France, l'Allemagne inquiète moins et limite ses ambitions propres en les ordonnant au bien commun européen, qu'il s'agit parfois encore de définir pour éviter tout malentendu sur le continent.

 

L'amitié de la France et de l'Allemagne est un bienfait, disais-je, mais elle n'est pas la seule amitié que la France doit entretenir en Europe et au-delà : celle-ci ne pourra être l'amie des autres puissances qu'en maintenant et renforçant sa propre puissance, nécessaire pour que les liens qu'elle a noué et qu'elle peut nouer encore avec d'autres, soient eux-mêmes solides. Et c’est aussi en « faisant de la force » que la France pourra concrètement peser sur les choix que feront ses partenaires, et non en voulant s’abandonner dans des constructions chimériques ou en brandissant de grands principes pour mieux ensuite les renier, faute de moyens pour les faire respecter.

 

Piège fédéraliste

 

M. Hollande saura-t-il relever le défi ? En tout cas, il lui faudra éviter le piège fédéraliste dans lequel Mme Merkel voudrait l’entraîner : car l’Europe fédérale qu’évoque Mme Merkel ne serait rien d’autre qu’un fédéralisme « à l’allemande », déséquilibré au profit d’un pays qui se voudrait le fédérateur suprême, l’Allemagne… Lorsque Maurras expliquait qu’il n’y avait pas de fédération sans fédérateur, il avait touché du doigt (et de l’esprit) l’une des constantes de l’histoire des sociétés et des peuples : l’amitié franco-allemande ne doit pas être la condescendance d’un Etat envers l’autre mais un lien réciproque et assumé.

 

Les mois qui s’annoncent encore chauds (malgré la météo…) pour la zone euro et l’Union européenne seront déterminants pour la suite et les formes de l’amitié franco-allemande : il n’est pas certain, en tout cas, que les institutions françaises et son actuel président, dernier fruit de celles-ci, soient à la hauteur de l’enjeu…

 

 

 


 

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