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07/04/2014

Le bilan environnemental fort décevant du gouvernement Ayrault.

Les Verts ont quitté le gouvernement pour cause de remaniement, et il n’est pas inutile, non de dresser le bilan (maigre, d’ailleurs…) des deux ministres écologistes sortants, mais de s’intéresser plutôt au bilan écologique de feu le gouvernement Ayrault : c’est aussi l’occasion d’en tirer quelques enseignements pour la suite.

 

Le bilan énergétique : l’annonce de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim reprend une promesse de campagne de François Hollande mais il ne semble pas qu’elle ait été sérieusement préparée pour être effective en 2016, même si la nouvelle ministre de l’écologie s’y est engagée ce dimanche 6 avril. Quant à l’opposition à l’exploitation du gaz de schiste, elle est restée permanente (et c’est tant mieux !) malgré les assauts de M. Montebourg favorable à cette utilisation d’une matière première pourtant fort polluante, autant en son extraction que par sa consommation. Mais ce qui était le plus important, c’est-à-dire la transition énergétique et la mise en place d’une véritable stratégie écologique en ce domaine, n’a pas été fait et est resté trop peu évoqué ! La conférence sur ce sujet de l’automne 2012 était bien loin du Grenelle de l’environnement de 2007, faute d’une feuille de route claire et, surtout, d’une volonté politique gouvernementale affirmée. Du coup, les projets de recherche et de mise en exploitation des énergies marines, par exemple, sont restés dans les placards pour la plupart, ce qui me semble malheureux au regard des enjeux et des potentialités françaises, autant en termes de technicité et de compétences que d’espaces susceptibles de fournir, entre autres, une énergie électrique continue (plus sûrement que l’éolien et le solaire, souvent aléatoires) et abondante. Un bilan donc largement négatif sur cette question énergétique de ces 22 mois de gouvernement Ayrault, alors même qu’il s’agit d’un élément fondamental pour toute politique industrielle, économique et de transports digne de ce nom au XXIe siècle !

 

Le bilan agricole : là encore, peu d’avancées et, malgré quelques nouvelles centaines d’hectares dédiés à l’agriculture biologique (on est néanmoins loin des objectifs de 20 % de la surface agricole utile pour 2020 annoncés par le Grenelle de l’environnement), l’agriculture française reste encore trop dépendante des pesticides, des engrais chimiques et de ce productivisme agricole devenu le modèle de ce qu’il ne faut plus faire, autant pour la santé des consommateurs que des animaux et pour la qualité nécessaire à une bonne alimentation et à de bonnes exportations. Peu d’avancées aussi sur l’agroforesterie, pourtant très prometteuse partout où elle est pratiquée, mais un heureux refus de l’exploitation d’OGM en plein champ malgré les pressions de la Commission européenne et de quelques puissants céréaliers, ainsi que du ministre Stéphane Le Foll qui croit voir, bien à tort, dans le riz doré OGM un facteur de progrès dans la lutte contre la malnutrition. Quant à la pêche en eaux profondes, le gouvernement français a préféré la soutenir et s’est félicité, discrètement, du rejet de son interdiction par les députés européens en décembre dernier : triste et inquiétant pour l’avenir des espèces de ces grands fonds… Un bilan donc mitigé et qui montre bien que, en définitive, le gouvernement Ayrault n’a fait que « le minimum syndical » là où il aurait pu poser les bases d’une nouvelle gestion des espaces agricoles et amorcer la refondation d’une pêche française désormais trop industrielle pour pouvoir être, par elle-même, respectueuse des équilibres halieutiques.

 

Le bilan fiscal : l’écotaxe, mal conçue dès l’origine (un partenariat public-privé déséquilibré, voire scandaleux dans ses formes) et héritée du gouvernement Fillon, n’a pas été mise en place (et c’est tant mieux, pour de multiples raisons économiques, environnementales et sociales) malgré les énormes moyens déployés, portiques dressés et prêts à l’emploi, et la protection policière des péages électroniques destinés aux poids lourds (avant les voitures particulières ?). Elle a soulevé une partie des Bretons et donné naissance, en réaction, au mouvement des Bonnets rouges, véritable révolte antifiscale sans être, pour autant, antiécologiste (des agriculteurs bio ont participé activement à la manifestation quimpéroise de l’automne dernier contre cette écoredevance inadaptée aux particularités bretonnes). Surtout, là où le gouvernement aurait pu agir en relevant de quelques centimes au litre la fiscalité du diesel (plus polluant que l’essence et responsable de l’émission dangereuse de particules fines comme l’a rappelé l’épisode récent des pics de pollution parisiens, en mars dernier), le gouvernement a préféré… ne rien faire ! Pire : au sortir de l’été 2012, M. Moscovici a même diminué la fiscalité des carburants de 3 centimes par litre, mesure qui a duré jusqu’en janvier 2013, coûtant à l’Etat environ 400 millions d’euros de rentrées fiscales en moins… tandis que, dans le même temps, les prix des transports en commun augmentaient ! Pas très écologique tout ça, ni même logique tout court…

 

A ces bilans rapides, il faut ajouter l’indifférence du gouvernement Ayrault à la question de plus en plus pressante de l’artificialisation des terres (80.000 hectares chaque année) et de ses conséquences sur les paysages et l’écoulement des eaux, mais surtout la crispation autour du projet de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et la volonté affichée du premier ministre Ayrault de faire à tout prix et contre toute logique environnementale et géographique même cet aménagement aéroportuaire sur une des dernières zones humides de l’Ouest, petit joyau de biodiversité batracienne. L’échec de l’avancement de ce projet est à mettre au crédit d’une résistance paysanne et populaire locale, parfois violente mais efficace au regard du résultat, et non de la présence au gouvernement de deux ministres Verts.

 

Il y a aussi une remarque à faire sur le ministère de l’écologie lui-même qui, en 22 mois, a connu deux « épurations » : c’est le poste qui a été le plus frappé par le premier ministre qui en a chassé deux titulaires, Mesdames Bricq et Batho, l’une parce qu’elle s’opposait à une campagne de forage pétrolier, risquée pour la faune et la flore marines, au large de la Guyane ; l’autre parce qu’elle dénonçait, avec une certaine vigueur et non sans raison, la baisse drastique du budget de son ministère au moment même où il aurait été urgent de le soutenir… D’autres ministres placés dans d’autres ministères, beaucoup plus remuants, ont été mieux traités ! A croire que le ministère de l’écologie était « la variable d’ajustement » de M. Ayrault, sans doute énervé par l’idée même de son existence…

 

La leçon à tirer de ces 22 mois de gouvernement Ayrault, c’est que l’écologie n’est pas mieux défendue quand ceux qui s’en réclament, d’ailleurs de façon abusive, y siègent : sans doute, même, la présence de ministres Verts a-t-elle permis au gouvernement d’être moins attentif aux questions environnementales, ceux-ci étant prêts à avaler quelques (grosses) couleuvres pour garder, non leur capacité d’influence sur les thèmes environnementaux, mais bien plutôt leurs prébendes et leur siège… Il n’est pas certain que leur départ du gouvernement soit, d’ailleurs, une mauvaise nouvelle pour l’écologie : les mois prochains nous permettront d’y voir plus clair sur ce thème qui, n’en doutons pas, agitera bien des débats en France et au-delà…

 

 

 

(à suivre : Quelle politique environnementale peut-on promouvoir en France dans les années et décennies prochaines ?)