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27/10/2007

La Monarchie et le temps.

Je suis en vacances samedi 27 octobre à midi, après mes cours de la matinée, et je repars immédiatement pour Rennes où je dois donner une petite conférence sur ce qui fait de la Monarchie une solution nécessaire et crédible à la question institutionnelle française. Au moment où la commission Balladur commence à énoncer quelques unes de ses propositions, il n’est pas inutile de poser, non plus seulement la seule problématique de l’alternance mais celle de l’alternative politique que peut représenter la Monarchie.

Dans un monde globalisé dominé par la logique franklinienne du « time is money », la question du temps politique mérite d’être reposée : préserver la nécessaire indépendance du politique et de l’Etat passe par une distinction du temps économique et de ce temps politique que la démocratie a tendance à raccourcir comme pour l’affaiblir. Par la suite des générations que symbolise la transmission renouvelée de père à fils à la magistrature suprême de l’Etat, la Monarchie, si elle ne commande pas le temps (nul ne sait ni le jour ni l’heure…), permet de l’accompagner et, d’une certaine manière, d’inscrire l’Etat dans la longue durée : celle-ci, représentée par un monarque qui symbolise, incarne même au sens fort du terme, la « mémoire de l’Etat » (qu’il ait été Monarchie, ou même République ou Empire), est le moyen d’engager et de garantir la pérennité du travail politique. Or, les défis que la France doit aujourd’hui relever nécessitent d’engager de grands et longs chantiers de structure, tant sur le plan économique, social que politique : prise entre deux élections, la République n’a pas le privilège ni la force d’un Etat libre de tout clientélisme électoral.

Voici l’un des éléments que je développerai samedi, avec quelques autres. Mais j’essayerai aussi, durant les vacances, de creuser d’autres pistes de « raisons monarchistes » par la lecture de quelques numéros du journal de Pierre Boutang, « La Nation française », en particulier le débat avec le philosophe Maurice Clavel ; d’autres lectures suivront, comme celle du récent livre de Benjamin Barber sur « comment le capitalisme nous infantilise », fort intéressant à plus d’un titre… Ce modeste blog y fera sûrement écho dans les prochaines semaines.

24/10/2007

Grenelle de l'environnement, et après ?

Le Grenelle de l’environnement a débuté réellement ce mercredi mais, au-delà des effets d’annonce et de quelques mesurettes (c’est toujours mieux que rien), il semble que le résultat final (attendu jeudi 25 octobre) ne soit pas vraiment suffisant au regard des enjeux environnementaux contemporains. Il faut dire que les groupes de pression industriels ou commerciaux ne sont guère disposés à faire des efforts significatifs, ni, d’ailleurs, la grande majorité des consommateurs, comme on peut le constater à chaque fois que l’on touche à la sacro-sainte bagnole… Ainsi la réduction de 10 km/h de la vitesse maximale sur autoroute a été abandonnée et l’écotaxe sur les véhicules les plus polluants ou les plus consommateurs, si elle est apparemment acceptée dans son principe, entraînera sans doute de nombreuses contestations des constructeurs comme des automobilistes. Reste le moratoire sur la construction de nouvelles autoroutes, moratoire qui doit s’accompagner, pour être utile, de la réactivation de certaines voies ferrées aujourd’hui négligées et la construction de nouvelles « autoroutes ferroviaires » (deux sont d’ores et déjà annoncées).

 

Le rail est sans doute une des solutions pour réduire la surcharge des axes routiers, mais il ne faudrait pas non plus oublier le réseau fluvial qui, lui aussi, peut permettre la circulation des marchandises au sein du pays. Sans oublier non plus le nécessaire aménagement des territoires qui doit permettre aux populations de retrouver le chemin des « campagnes délaissées » et d’y faire revivre des activités tout comme des villages et des lieux aujourd’hui inexploités, voire inoccupés : réintroduire de la « proximité » c’est aussi limiter les déplacements et permettre une meilleure répartition des populations, au lieu de poursuivre dans cette rurbanisation actuelle qui, écologiquement, n’est pas vraiment de bon rapport.

 

Encore faudrait-il que l’Etat assume son rôle de « grand organisateur » et qu’il favorise une telle politique, non par la contrainte ou la subvention, mais par l’impulsion et la faveur : en a-t-il vraiment la volonté et les moyens ? Jusque là, la République n’a guère brillé par ses initiatives en ce domaine, au point d’être même à la traîne sur certains projets environnementaux par rapport à d’autres pays d’Europe, plus « volontaristes ».

 

Espérons que le Grenelle de l’environnement, malgré les limites que j’ai évoquées au début de cette note, permette au moins de faire avancer la prise de conscience de nos concitoyens. Mais il faudra aller plus loin et on ne fera pas l’économie d’une vraie réflexion politique sur ce « souci environnemental » qui doit devenir une composante majeure du souci politique de l’Etat français.

 

23/10/2007

Démocratie people...

Régis Debray est une plume originale, libre et qui se définit de façon provocatrice comme « gaulliste d’extrême gauche » dans un entretien paru dans l’édition du samedi 20 octobre du journal « Le Parisien ». Sa critique du spectacle politicien actuel, critique acerbe et désenchantée, a le mérite de montrer les vices d’un régime qui prend de plus en plus les aspects d’une « démocratie émotionnelle », voire « pulsionnelle ». Selon lui, le grand reproche que l’on peut faire aux politiques, c’est « de confondre la fonction officielle avec la vie privée et de livrer leur intimité au lieu de remplir leur rôle. De se mettre en avant soi-même au détriment de la cause que l’on défend ou du peuple que l’on représente. » Il est vrai que, après la séparation du couple Royal-Hollande annoncée à grands coups de trompette le soir d’une élection législative, le divorce du couple « concurrent » et présidentiel, lui aussi largement médiatisé à travers les multiples couvertures de la presse du cœur et, surtout, de la presse dite « sérieuse », le propos de Debray n’en a que plus d’écho…

S’il se met toujours en scène, et si, dans les Monarchies d’hier comme d’aujourd’hui, il n’hésite pas à user du spectaculaire et du faste pour se donner le « prestige d’être », le Pouvoir ne peut reposer exclusivement sur cette confusion entre sphère publique et sphère privée : lorsque la Monarchie française rend public les moments forts de la vie privée (mariages ; naissances, y compris les accouchements eux-mêmes pour éviter toute contestation de légitimité quant à l’enfant né ; deuils…), elle préserve dans le même temps une solennité utile pour agir efficacement, tout comme elle conserve le secret sur les affaires qui ne concernent que l’Etat. Or, dans nos démocraties et en particulier dans une République dont le magistrat suprême est élu au scrutin majoritaire, la tentation d’instrumentaliser sa vie privée pour légitimer sa position et, éventuellement, gagner quelques points dans une Opinion qui raisonne plus en termes d’affect que d’idées ou de projets fondateurs, cette tentation porte en elle une déchéance possible de l’Etat si le nouvel élu ne profite pas du « sacre électoral » pour abandonner la posture du candidat et « devenir l’Etat », ce que de Gaulle et Mitterrand, dans des styles fort différents (et parfois contestables), ont su faire en leur temps. La Monarchie a cet avantage qu’elle intègre le « spectaculaire » sans atteindre à la dignité ni à la légitimité de l’Etat, cette dernière ne naissant pas, en elle-même, du spectacle ni des « mobilisations people » (celles-là mêmes qui ont remplacé les engagements des intellectuels…). Quand, aujourd’hui, un Johnny Hallyday ou un Doc Gynéco semblent plus importants dans une campagne électorale politique que les argumentaires les mieux établis (même s’ils restent toujours, par essence, discutables), et que même les magazines politiques consacrent leurs « Unes » aux mésaventures des « couples » engagés dans la bataille présidentielle, au risque de brouiller l’appréciation politique au profit de l’émotion, quel prestige peut garder la fonction ainsi convoitée, voire conquise, de la magistrature suprême de l’Etat ?

S’il n’est d’Etat durable sans une part de sentimentalité, il n’est pas souhaitable que les sentiments s’imposent à la politique elle-même : s’ils peuvent être un moyen de la pérennité institutionnelle et de la fluidité des relations entre la tête de l’Etat et les citoyens, ils ne doivent pas en devenir le seul mode de gouvernement et, encore moins, le seul mode de communication. La Monarchie peut résoudre cette équation devant laquelle la Démocratie émotionnelle, elle, se trouve dépourvue et par laquelle elle est désormais, à l’heure de la transparence obligatoire (« voyez-vous les uns les autres, jugez-vous les uns les autres… »), piégée… D’ailleurs, Régis Debray le sait sans doute, lui qui écrivait il y a quelques années : « à la République, il manque une famille royale »…