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23/10/2007

Actualité turque.

La Turquie est proche de l’Europe, c’est-à-dire qu’elle est sur le point d’entrer dans l’Union Européenne : je ne discute pas cette situation, je me contente d’en prendre acte, car ce n’est pas l’objet de la présente note.

En effet, la Turquie connaît une actualité qui, sur le plan politique comme géopolitique, n’est pas anodine. Ainsi, dans une indifférence totale de la presse française, a eu lieu un référendum portant sur le mode de désignation du président de la République : désormais le chef de l’Etat sera élu sur le modèle français au suffrage universel direct, élu pour cinq ans, renouvelable une fois. C’est le moyen, intelligent, qu’ont trouvé les « ex-islamistes » (c’est ainsi qu’ils sont qualifiés par « Le Monde ») de l’AKP, parti au pouvoir, pour contourner les obstacles posés par l’armée et les kemalistes, inquiets de la poussée des « confessionnels » et de leur volonté d’en finir avec l’ancien ordre laïque établi par le fondateur de la Turquie moderne sur le modèle de la IIIe République française (modèle d’ailleurs fort critiquable). L’évolution vers la modération des « ex-islamistes », conjuguée à la volonté d’intégrer dans de bonnes conditions l’Union Européenne, se poursuivra-t-elle ou, grisés par leurs succès électoraux et économiques, auront-ils tendance à « retrouver leurs fondamentaux », ce qui poserait de multiples problèmes à l’équilibre même de l’Union Européenne ? Ne préjugeons pas de l’avenir qui n’est jamais vraiment écrit avant que d’avoir lieu, même si cela n’empêche pas la prospective et la prudence, voire l’espérance selon les cas… Mais suivons cette actualité intérieure turque avec attention, car la Turquie n’est pas un « détail », elle est une puissance majeure de la Méditerranée, héritière de l’empire ottoman dont les rois de France se sont toujours préoccupés, sans aversion aucune dans la plupart des cas.

C’est aussi pour cela que les récentes attaques des séparatistes kurdes du PKK qui ont fait, pour la seule journée de dimanche 21 octobre, une douzaine de morts parmi les militaires turcs, sont inquiétantes car elles risquent d’entraîner un conflit supplémentaire dans une région déjà énormément déstabilisée sans profit depuis l’intervention états-unienne de 2003. La semaine dernière, le 17 octobre, le parlement turc a voté l’autorisation pour l’armée de mener une opération militaire au-delà des frontières du pays (c’est-à-dire, clairement, en Irak ou, plutôt, dans le Kurdistan irakien presque indépendant…), valable pour une durée d’un an. Dès hier, les hélicoptères turcs ont poursuivi les assaillants du PKK jusqu’à la région d’Amadya, à l’extrême nord de l’Irak, détruisant un pont et mitraillant des combattants kurdes. Devant une telle situation, le président irakien a demandé aux hommes du PKK de déposer les armes ou de quitter l’Irak, tout en annonçant que son pays se défendrait contre toute agression extérieure, ce qui paraît illusoire eu égard à la guerre interconfessionnelle (entre autres…) qui mine déjà Bagdad et le reste du pays, encore occupé par plusieurs armées étrangères. A moins que cela soit une occasion pour le pouvoir central irakien de reprendre pied et de réaffirmer son autorité dans une région largement autonome et riche en pétrole, ce qui n’est pas négligeable…

Les Etats-Unis, de plus, sont fort gênés dans cette affaire car les Kurdes d’Irak (souvent solidaires de leurs « frères » de Turquie) sont leurs seuls alliés sûrs dans ce pays livré à l’anarchie et, en même temps, ils ne peuvent se mettre à dos la Turquie, déjà très énervée depuis la semaine dernière par le vote des parlementaires états-uniens reconnaissant le « génocide arménien ».

Les difficultés des Etats-Unis à trouver une stratégie satisfaisante pour leurs propres intérêts sont une occasion d’affirmer une diplomatie française « médiatrice » qui reconnaisse le rôle prépondérant de la Turquie dans la région et s’investisse dans la construction d’un nouvel axe géopolitique Paris-Berlin-Moscou-Ankara qui soit une véritable alternative à la diplomatie atlantiste et « suiviste » des pays de l’Union Européenne majoritairement attachés à l’idée du « parapluie américain », véritable tombeau de l’indépendance du continent et de ses nations.

Oui, décidément, il ne faut pas négliger la Turquie et son actualité…

22/10/2007

Guy Môquet et la Résistance.

 La commémoration de la mort du jeune Guy Môquet dans tous les lycées de France à travers la lecture de sa dernière lettre a soulevé une vaste polémique au sein du corps professoral, pour des raisons fort diverses et qui ne tiennent pas toujours à l’Histoire elle-même. Personnellement, j’ai fait lire cette lettre par une élève, jeudi dernier, n’ayant pas cours ce lundi 22 octobre : mais je ne me suis pas contenté de cette simple lecture, j’en ai profité pour aborder avec les quinze lycéens de cette classe le contexte et les enjeux historiques de la Résistance, et les éléments de la polémique née de la décision présidentielle.

Tout d’abord, j’ai rappelé que Guy Môquet n’était pas, en tant que tel, un résistant mais un otage, ce qui n’a pas exactement ni le même sens ni la même valeur, et qu’il avait été arrêté parce qu’il distribuait des tracts, non pour résister à l’Occupation, mais pour dénoncer le « grand capital » responsable de la défaite et la « guerre impérialiste » menée par l’Angleterre (alors bombardée par la Luftwaffe). A l’époque le Parti communiste, auquel appartenait Guy Môquet et son père (le député Prosper Môquet), n’était pas encore rentré dans la Résistance, le pacte germano-soviétique étant toujours en vigueur et le PCF s’inscrivant dans une logique de sabotage dont l’armée française de 1940 allait faire les frais…

Evidemment, en octobre 1941, les choses ont changé et Guy Môquet, malgré son jeune âge, est fusillé par les Allemands en représailles d’un attentat qui a coûté la vie à un officier des troupes d’occupation à Nantes. Son martyre devient alors un symbole pour un Parti communiste en quête de reconnaissance et soucieux de faire oublier ses compromissions antérieures…

J’ai aussi évoqué à mes élèves la diversité des engagements dans la Résistance dont le point commun était d’abord la résistance à l’occupation allemande : en somme, un réflexe « nationaliste », le refus de l’occupation étrangère, le sentiment qu’il n’y a pas de liberté possible pour les personnes dans une nation asservie. « De toutes les libertés humaines, la plus précieuse est l’indépendance de la patrie »  affirmait Maurras…

 

Destienne_dorves_copieDimanche, en terrasse de mon café habituel, sur la place du marché de Versailles, je relisais quelques pages du livre écrit par François-Marin Fleutot, « Des royalistes dans la Résistance », livre qui rappelle quelques figures de résistants dont Honoré d’Estienne d’Orves, premier officier de la France Libre à être fusillé pour faits de résistance, le 29 août 1941, et qui écrivait, quelques jours avant sa mort, en condamnant l’antisémitisme des journaux parisiens : « On parle beaucoup dans les journaux d’une certaine catégorie de nos concitoyens ; ces attaques, quoiqu’elles soient maintenant bien vues des autorités, ne diffèrent guère de ce qu’on lisait autrefois dans les journaux d’extrême droite. (…) Mais notre fierté d’être français est basée sur la conscience de nos droits, sur les souvenirs de notre histoire, et non sur la conscience d’une supériorité innée. Ce ciment qui nous unit, ce n’est pas la race, c’est la nation constituée au cours des siècles, avec au départ des races différentes. C’est un ciment de la raison, qui est de devenir celui du cœur et qui n’en est pas moins fort. » Un texte à méditer, me semble-t-il…

Pour revenir sur la polémique née de la lecture dans les lycées de la lettre de Môquet, il faut bien avouer que certains enseignants ont montré là le peu de cas qu’ils font de la France, qu’ils jugent parfois « dépassée » au point d’en nier la fonction « médiatrice » et « fédératrice » des habitants de cet espace territorial né de l’Histoire. Ce que résumait à sa manière un de mes amis serveurs au « franco-belge », mon refuge habituel du soir, en me faisant remarquer qu’il vibrait plus pour la France, lui qui n’est « que » résident (selon ses propres termes) et est né au Maghreb, que beaucoup de « Français de souche » qui se veulent « Européens » et ne pensent qu’à dénigrer leur pays de naissance et d’éducation au nom d’un modèle « efficace » qui n’a rien à voir avec nos traditions particulières, celles qui font notre charme et qui attirent, d’ailleurs, de nombreux intellectuels (entre autres) du monde entier…

Par contre, je rejoins ceux de mes collègues qui craignent, au-delà de la lecture de la lettre, l’établissement (ou, plutôt, le rétablissement) d’une « Histoire officielle » qui, à travers les « lois mémorielles », gênent, non seulement la recherche historique mais aussi la liberté d’enseigner en imposant des thèmes et des concepts « historiquement corrects » : les manuels en portent souvent la marque, héritiers en cela de la IIIe République « républicanisante » qui avait donné comme mission à l’Ecole de faire de « bons petits républicains »… Mais demain n’est pas très rassurant, comme le souligne un article du « Figaro » publié le lundi 15 octobre dernier : l’association Liberté pour l’Histoire « vient de découvrir l’existence d’une directive européenne, prise sur le modèle des lois mémorielles en France, et qui doit s’appliquer à l’ensemble des législations européennes. Un pas de plus vers cette Histoire officielle dont les historiens français espéraient se libérer… ». Puisqu’il est question de résistance dans cette note, sans doute faudra-t-il la pratiquer, non dans le drame et les affres d’une guerre, mais dans le cadre du débat public et politique.

19/10/2007

Pays réel ?

Le nouveau traité européen va être ratifié en France par la voie parlementaire au mois de décembre, au grand dam des partisans du « Non » de 2005 qui se plaignent d’un procédé peu démocratique : il est vrai que « l’évitement du peuple » que semble être la procédure du Congrès versaillais peut apparaître un déni de démocratie mais c’est oublier que notre système repose d’abord sur le principe de la « démocratie représentative », beaucoup plus que sur celui de « démocratie directe », même si le référendum figure dans la Constitution française. Mais il est évident que le résultat négatif de mai 2005 l’a sans doute condamné aux yeux des européistes et des démocrates qui acceptent mal que le peuple se substitue à sa représentation légale… Cette méfiance du « pays légal » creuse un peu plus le fossé entre les citoyens et une construction européenne de moins en moins lisible et de plus en plus insidieuse, faute de foi et d’espérance.

 

Pour autant, le référendum est-il l’expression du « pays réel » tel que le conçoivent les souverainistes ou les nationalistes ? Ce n’est pas certain et il ne faudrait pas confondre « majorité référendaire » et ce fameux « pays réel » qui tient parfois plus du mythe et de l’illusion que de la réalité : n’oublions pas que la « majorité » est un concept qui n’est efficient que dans le cadre du « pays légal » et que si elle peut, à l’occasion, coïncider avec le « pays réel », elle n’en est pas forcément l’incarnation.

 

La grande question qui se pose à ceux qui mettent en avant le « pays réel » est celle de son incarnation politique et de ses « territoires » institutionnels : on en viendra sans doute à une formule d’assemblées provinciales élues mais aussi à des assemblées professionnelles et sociales, sans négliger des conseils municipaux aux responsabilités plus étendues. Les « nouvelles agoras » seront la tentative de rapprocher du plus qu’il est possible « pays légal » et « pays réel » mais il faudra à cette architecture institutionnelle un « magistrat suprême », incarnation politique et symbolique de l’Etat susceptible d’indiquer les grandes orientations du pays, en particulier sur le plan diplomatique et de grande politique nationale : en somme, « libertés à la base, autorité et arbitrage au sommet » ou, mieux encore, « les républiques françaises sous le patronage du Roi »… Cela n’empêchera pas de penser à l’Europe mais en limitera, par une subsidiarité active, les dérives réglementaires qui la transforment en carcan kafkaïen et, de plus en plus, en « prison des peuples ».