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11/07/2012

Lorànt Deutsch et la cabale des épurateurs...

 

Lorànt Deutsch, jeune acteur confirmé, a écrit un livre, « Métronome », suivi d'une version illustrée et d'une série télévisée reprenant les thèmes abordés dans le premier ouvrage : c'est l'histoire de Paris visitée et rapportée par un amoureux de Paris et un passionné d'histoire, et Métronome a réconcilié de nombreux Parisiens avec leur propre patrimoine tout en le faisant découvrir aux voyageurs de passage dans la capitale.

 

 

Mais M. Deutsch n'est pas qu'un acteur devenu écrivain, il a aussi quelques sympathies royalistes et il ne s'en cache pas : or, cela insupporte certains qui ne veulent entendre de l'histoire que la version héritée de Michelet (Jules, pas Edmond, ce dernier étant lui-même monarchiste...) et celle qui vante les mérites et le bilan « globalement positif » de la Révolution...

 

 

Ainsi, depuis quelques semaines, une véritable offensive est menée depuis les milieux d’une certaine extrême-gauche jacobine qui se veut l’héritière des sans-culottes mais aussi par quelques historiens qui dénoncent des erreurs et des affabulations dont se serait rendu coupable M. Lorànt Deutsch. Cette offensive a provoqué une belle polémique ces jours derniers lorsque des élus parisiens du Parti Communiste Français et du Parti de Gauche ont voulu faire adopter un vœu par le Conseil municipal de Paris pour faire cesser la promotion de l’ouvrage de Lorànt Deutsch par la ville : les propos du principal initiateur de ce vœu sont fort révélateurs de l’état d’esprit et des intentions réelles des dénonciateurs… Ainsi, Alexis Corbière, élu du Parti de Gauche, explique-t-il qu’il voudrait « surtout mettre en garde contre cette histoire écrite par les nouveaux camelots du roi qui squattent les plateaux TV, qui n’est en réalité que « camelote des rois » », et qui, selon le même élu « méprise la République et la Révolution » : ah, nous y voilà ! C’était donc cela ! Surtout cela !

 

 

Plusieurs remarques : tout d’abord, quels sont ces « nouveaux camelots du roi » qui hanteraient ainsi les médias et mettraient en péril une République qui, jusqu’à présent, ne laissait guère de place à qui pensait au-delà d’elle, à côté ou au-dessus ? M. Corbière, dans sa fougue républicaine et purificatrice va sans doute, d’ici peu, nous fournir une liste de personnes qui n’auront pas leur « brevet de civisme » et mériteront donc une guillotinade médiatique et morale : à côté de M. Deutsch, qui y trouvera-t-on ? Sans doute Stéphane Bern et Thierry Ardisson, royalistes avoués et assumés depuis plus de vingt ans… Qui d’autre ? Quelques historiens coupables de ne pas se reconnaître dans l’histoire officielle distillée par les programmes de l’enseignement secondaire ? Quelques amateurs d’histoire qui préfèrent la faire aimer que la torturer dans tous les sens pour complaire à l’idéologie dominante ? Quelques journalistes qui n’hésitent pas à ouvrir leur porte à des vérités qui peuvent déranger l’ordre bien établi des idées reçues, idées pas toujours justes (ni toujours fausses, d’ailleurs…) ?

 

 

M. Corbière, au regard de son propos sur la « camelote des rois », laisse entendre, qu’en définitive, il n’admet pas que l’on puisse évoquer de façon positive les rois ou le souvenir d’une monarchie qui, au-delà de ses défauts certains, a, tout compte fait, construit la France dans sa géographie comme dans sa nature profonde au point d’irriguer encore les meilleurs aspects de la Cinquième République : bel aveu qui nous rappelle le profond mépris des communistes et d’une partie de la Gauche intellectuelle (mais aussi d’une certaine Droite libérale et anticolbertiste) pour la tentative de synthèse gaullienne entre République et Monarchie que la Cinquième représente, avec toutes ses ambiguïtés et ses insuffisances.

 

 

Autre remarque : si les ouvrages de M. Deutsch comportent quelques erreurs, d’ailleurs plutôt minimes au regard du travail accompli (et ils n’ont pas vocation à être des ouvrages universitaires…), celles-ci sont bien moins nombreuses et sûrement moins « intentionnelles » que celles que recèlent les manuels d’histoire de Seconde et de Première (nouveaux programmes 2010-2012), voire ceux de géographie, souvent plus sournoisement idéologiques encore que leurs pendants historiques… En particulier sur la période révolutionnaire et impériale ! Dans le cas des manuels scolaires, le plus inquiétant n’est-il pas qu’ils soient rédigés par des enseignants censés être des historiens (ceux qui écrivent l’histoire…) et qu’ils sont destinés au vaste public des élèves de notre pays, dans une école obligatoire ? Qu’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas : tous les manuels ne comptent pas le même nombre d’erreurs et beaucoup de leurs rédacteurs sont de bonne foi, y compris quand ils se trompent, car l’histoire est un champ si vaste qu’il est parfois difficile d’en apercevoir les contours et les reliefs exacts. Mais les manuels restent néanmoins des ouvrages qui ont vocation à délivrer un certain message, à diffuser, par le canal scolaire officiel, la pensée dominante et structurante (structuratrice ?) de la société contemporaine, à travers l’enseignement des « valeurs de la République » : le propos de Marcel Pagnol, dans « La Gloire de mon père », reste d’actualité… « Les cours d’histoire étaient élégamment truqués dans le sens de la vérité républicaine. Je n’en fais pas grief à la République : tous les manuels d’histoire du monde n’ont jamais été que des livrets de propagande au service des gouvernements », écrivait-il avant de s’en prendre violemment à la Révolution française quelques lignes plus loin…

 

 

Dernière remarque : à la veille du 14 juillet, la Gauche radicale, si attachée à l’idéal de la Révolution et de la République, n’aurait-elle pas été mieux inspirée de dénoncer l’ouverture désormais systématique des grands magasins et grandes surfaces commerciales le jour même de la fête nationale, privant d’un jour férié plus de 20 % des salariés de ce pays, le plus souvent contre leur gré ? Voilà qui eût été utile et véritablement social : revendiquer le droit au repos des salariés en ce jour d’unité nationale commémorant la fête de la Fédération, celle-là même du pacte renouvelé entre le roi Louis XVI et la Nation, en 1790… Sans doute une fête trop royaliste pour les élus du Parti de Gauche !

 

 

 

 

 

10/07/2012

Mondialisation et profit.

 

Nous étions quelques collègues d'histoire à déjeuner vendredi dernier et à évoquer l'actualité récente et, en particulier, les plans sociaux qui se succèdent, du site d'Aulnay-sous-Bois à celui de Rennes pour l'entreprise PSA par (triste) exemple, et qui risquent de laisser des milliers de travailleurs, ouvriers ou ingénieurs (entre autres), sur le carreau... Le Monde, dans un article récent, évoquait les 60.000 victimes à brève échéance de ces fameux plans sociaux, si mal nommés quand on y réfléchit bien...

 

Un de mes collègues, sans se prononcer sur la valeur même de la mondialisation en grande partie à l'origine de ces drames sociaux de fermetures d'usines françaises, y voyait une fatalité inéluctable, dans le sens de l'histoire économique, et contre laquelle, du coup, il était vain de lutter : tel n'était évidemment pas mon avis, et je me suis employé à lui démontrer qu'il n'était pas vain de se battre pour éviter une mondialisation qui ne profite qu'à quelques uns au détriment de beaucoup d'autres.

 

Entendons-nous bien sur le sens de mon propos : je ne confonds pas la mondialisation avec le simple mouvement d'internationalisation des relations humaines et d'échanges, ou avec la découverte de terres et de cultures différentes. La mondialisation, c'est beaucoup plus que cela, et sans doute de nature fort différente si certaines formes peuvent prêter à confusion : c'est bien plutôt un système et une idéologie qui s'appuient sur l'ouverture du monde pour le transformer en une seule entité globale, « fluide » et « immédiate », au risque d'en nier les spécificités particulières ou de les transformer en simples arguments industriels ou commerciaux. Dans cette mondialisation, l'Argent s'est rapidement imposé comme la seule référence, faisant des critères de productivité, rentabilité ou profitabilité les arguments majeurs et seuls « légitimes » (sic !) de l'activité économique des sociétés et des hommes... Le résultat est la recherche permanente du profit, souvent égoïste, au détriment des hommes et des sociétés priés de « s'adapter » aux nouvelles règles, celles-là mêmes qui refusent justement que les Etats puissent en édicter pour limiter la mondialisation et son extension à tous les domaines de la vie sociale, voire individuelle.

 

Là encore, une précision s'impose : je ne suis pas de ceux qui condamnent « le profit » par principe, mais je considère trois éléments : la manière dont il est créé, et ce qu'il en est fait, mais aussi s'il est mesuré ou s'il est déraisonnable au regard des réalités sociales du lieu et du moment. Si le profit passe par l'exploitation des uns pour le bonheur des autres, souvent beaucoup moins nombreux que les précédents, je ne peux l'accepter sans récriminer ; s'il n'est utilisé que pour la satisfaction de quelques uns et dans le rejet des autres ou leur misère, je ne peux l'accepter, au nom d'une justice sociale qui, à mon sens, doit primer pour garantir l'équilibre des sociétés humaines ; s'il est « l'hubris » (la démesure) et écrase les hommes comme il détruit l'environnement ou les héritages humains (traditions, au sens actif et parfois critique du terme...), il est condamnable, purement et simplement... A l'inverse, s'il se conjugue avec l'honnêteté, la juste valeur du travail accompli, la justice et le partage, avec l'amélioration de la condition humaine, sociale ou environnementale, il est utile et tout à fait légitime !

 

Contrairement à mon collègue, sans doute à la fois fataliste et trop optimiste sur les possibilités de la mondialisation à améliorer les choses, je pense qu'il faut réfléchir et agir sans hésiter à aller à contre-courant de ce qui se veut « le sens unique de l'histoire » : il ne faut pas oublier que, selon les époques, ce fameux sens de l'histoire a sacrément varié, entre le paradis scientiste et colonialiste des hommes du XIXe et le paradis socialiste promis par Marx et ses épigones du XXe, sans oublier cette « fin de l'histoire » (sic !) que nous annonçait triomphalement Francis Fukuyama au début des années 90 et qui a fait long feu depuis, perdue dans les gravats des tours du World Trade Center et dans les mausolées dévastés de Tombouctou...

 

La mondialisation n'est pas une fatalité car il n'y a pas un sens unique de l'histoire, il n'y a que l'histoire qui, elle aussi, ne sait pas toujours où elle va...

 

 

(à suivre : la mondialisation heureuse, un mythe ?)

 

09/07/2012

L'amitié franco-allemande.

 

L'amitié franco-allemande est un bienfait, même si elle n'est pas toujours un fait avéré, en particulier en ces temps de crise et de cartes rebattues en Europe (ce qui n'est pas, en soi, nouveau...), et il est bon que la France et l'Allemagne, à travers leurs dirigeants respectifs aient rappelé ce dimanche le cinquantenaire de cette amitié née d'abord de la rencontre de deux grandes et fortes personnalités qui, l'une et l'autre, connaissaient leur histoire et savaient la force des symboles et des gestes, le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer. Autant les actes fondateurs de la construction européenne, de la création de la CECA (en 1951) au traité de Rome (en 1957) apparaissaient comme des textes sans âme, trop technocratiques pour susciter autre chose qu'un enthousiasme froid, artificiel, autant la rencontre de deux êtres de chair et de sang, enracinés dans des histoires nationales parfois douloureuses et sanglantes, au cœur d'une ville qui fut celle du sacre des rois de France avant d'être la martyre symbolique de la guerre de 1914-1918, a marqué les esprits : l'amitié franco-allemande s'incarnait à ce moment précis où de Gaulle et Adenauer se recueillaient en la cathédrale, en appelant d'une certaine manière (et le choix du lieu n'était sans doute pas anodin) à une légitimité supérieure pour sceller ce « pacte » entre les deux adversaires de la veille...

 

Sans cette incarnation, l'amitié franco-allemande aurait-elle été autre chose qu'un voeu pieux porté par des gens raisonnables et sérieux, sortes de « cornichons sans sève » tels que les moquaient Bernanos dans les années 30-40 ?

 

L'amitié n'est pas la compromission, elle est parfois la rude franchise de gens différents (elle est exigeante pour être vraie), et il est bon de savoir garder sa liberté (qui n'est pas l'isolationnisme...) à l'égard de ses propres amis pour, parfois, mieux les sauver d'eux-mêmes ! D'ailleurs, de Gaulle n'a pu initier cette amitié franco-allemande que parce qu'il l'appuyait sur deux nations différentes et décidés à s'entendre plutôt que sur des cadres techniques ou des zones économiques désincarnées ou anhistoriques, ce que n'avaient pas compris les Monnet et autres Schuman qui, il faut bien le rappeler, n'ont guère fait avancer, concrètement et sentimentalement (sans doute le plus important dans cette histoire), la réconciliation entre les deux pays issus de la division ancienne, par le traité de Verdun de 843, de l'empire carolingien.

 

Aujourd'hui, l'Allemagne est la principale puissance économique de l'Union européenne et elle se verrait bien comme directrice des destinées européennes : il n'est pas sûr que cela soit souhaitable ni même convaincant. Seule et trop sûre d'elle-même au point d'en oublier ses devoirs en Europe, l'Allemagne risquerait de se perdre dans un rôle trop grand pour elle : au contraire, dans une alliance forte avec la France, l'Allemagne inquiète moins et limite ses ambitions propres en les ordonnant au bien commun européen, qu'il s'agit parfois encore de définir pour éviter tout malentendu sur le continent.

 

L'amitié de la France et de l'Allemagne est un bienfait, disais-je, mais elle n'est pas la seule amitié que la France doit entretenir en Europe et au-delà : celle-ci ne pourra être l'amie des autres puissances qu'en maintenant et renforçant sa propre puissance, nécessaire pour que les liens qu'elle a noué et qu'elle peut nouer encore avec d'autres, soient eux-mêmes solides. Et c’est aussi en « faisant de la force » que la France pourra concrètement peser sur les choix que feront ses partenaires, et non en voulant s’abandonner dans des constructions chimériques ou en brandissant de grands principes pour mieux ensuite les renier, faute de moyens pour les faire respecter…