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24/02/2020

Aux origines de la question sociale en France. Partie 1 : Le royaume de France et la Monarchie avant 1789.

 

Le Cercle Lutétia a pour vocation de faire connaître les fondements et les raisons du royalisme et de la Monarchie en France, et d’étudier ceux-ci, avec l’aide des travaux et des réflexions menés sur la société française, ses évolutions et ses institutions, selon une perspective historique mais aussi et surtout politique. Le texte ci-dessous est la première partie d’un cercle d’études sur les origines de la question sociale en France, et il doit être l’occasion de discussions, de précisions ultérieures et de critiques constructives : il n’est donc qu’une ébauche, celle qui appelle à la formulation et à la rédaction d’une étude plus vaste et mieux construite sur cette question qui préoccupe tant nos contemporains et à laquelle les royalistes sociaux du Groupe d’Action Royaliste consacrent aussi tant de temps et d’énergie, dans leurs réunions et publications comme sur le terrain, dans la rue ou sur leur lieu de travail…

 

 

Lorsqu’on évoque la question sociale en France, on oublie souvent ses racines, ses origines, son histoire tout simplement, et l’on se contente trop souvent de quelques idées reçues, confortant l’idée, largement fausse, que seule « la gauche » (1) s’y serait intéressée et s’y intéresserait encore, comme une sorte d’avant-garde revendiquée des travailleurs ou de la « classe ouvrière ». Mais il est tout à fait possible, et encore plus convaincant, de rétorquer que la première mention de la « justice sociale » est attribuée au… roi Louis XVI, celui-là même qui va affronter la tempête révolutionnaire et, malheureusement, être emportée par elle, tout comme l’édifice social et corporatif qui, jusque là, constituait un modèle original et une alternative véritable et tout à fait crédible au modèle anglosaxon pas encore totalement dominant quand il avait, pourtant, conquis déjà les esprits des nobles et des bourgeois éclairés, anglophiles et libéraux.

 

Ce qui va nous intéresser aujourd’hui, c’est la recherche et l’évocation des origines de ce que l’on nomme la question sociale, trop souvent limitée, d’ailleurs, à la seule question ouvrière mais qu’il semble pourtant important, voire nécessaire, d’élargir à la question paysanne (2) qui concerne aussi, même si cela paraît moins vrai et sensible depuis les années 1960-80 (3), des communautés importantes (numériquement et socialement) et, sans doute, nécessaires dans une société équilibrée ou soucieuse de l’être.

 

Mais, tout d’abord, il importe aussi de dresser un tableau de la France d’avant la Révolution française, cette révolution qui apparaît bien (à la suite « pratique » des Lumières), à travers quelques dates symboliques et très rapprochées dans le temps, comme la véritable matrice, le véritable et terrible creuset de cette question sociale devenue dès lors symbole de souffrances ouvrières, y compris jusqu’à aujourd’hui et au-delà de nos frontières, la mondialisation étant l’extension et l’imposition du modèle anglosaxon quand elle aurait pu être l’occasion d’un « autre modèle », plus social et respectueux des hommes comme des environnements…

 

La France est un royaume qui compte, depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, plus de 25 millions d’habitants et, même, près de 28 millions d’habitants en 1789 : c’est la première puissance démographique d’Europe, devant la Russie pourtant territorialement beaucoup plus étendue, et elle est surnommée alors « la Chine de l’Europe ». Il est vrai que la France est la première à être entrée dans le processus de la transition démographique, pour des raisons qui tiennent largement à la politique même de la monarchie dite absolue : des routes sécurisées qui permettent une meilleure circulation des grains et subsistances, y compris en période de difficultés climatiques et alimentaires ; un territoire préservé des invasions étrangères depuis près d’un siècle et demi par la puissance militaire du roi de France…, autant d’éléments qui « complètent et valorisent » le radoucissement climatique général et le recul des mortalités infantile, enfantine et maternelle. (4)

 

C’est une puissance économique importante mais Pierre Gaxotte résumera la situation paradoxale de la France des années 1780 par une formule simple et très évocatrice : « un pays riche, un Etat pauvre », et endetté, peut-on rajouter, sans que cela, d’ailleurs, atteigne forcément les proportions d’aujourd’hui… Et, à l’époque, la France apparaît comme la première puissance économique comme politique en Europe, ce qui n’est plus le cas depuis… la Révolution française !

 

La richesse de la France n’est pas seulement liée à ses productions agricoles qui occupent (pour leur propre consommation d’abord) une grande partie de la population française vivant dans les campagnes (5), mais aussi à l’industrialisation naissante, beaucoup plus avancée et marquée avant 1789 que ce que l’Histoire officielle en retiendra, la Révolution ayant brisé ce premier élan « industrialisateur » par le désordre économique et politique de la période 1789-1799 en France.

 

Dans le royaume des Louis et depuis le Moyen âge, l’organisation du travail est corporative et familiale, et ce sont les Métiers, les corps de métiers (ce que l’on nommera, tardivement, les corporations), nés tout au long de l’histoire des villes et des circonstances, qui ordonnent le monde du Travail et permettent d’assurer et d’assumer la qualité du travail comme la protection des travailleurs, quels que soient leur rang et place dans la hiérarchie professionnelle. Leur extraordinaire diversité et multiplicité empêche longtemps de leur donner une définition exacte, et c’est la « remise en ordre » royale, sous l’administration colbertiste et dans le cadre de sa stratégie, qui va permettre de mieux préciser le sens et la portée de ces corporations…

 

Depuis Colbert, en effet, les corporations sont devenues l’un des éléments importants de la politique économique et sociale de l’Etat royal, non sans quelques grincements de dents parfois : l’objectif était de les rendre plus efficaces dans le cadre d’une stratégie plus globale de l’Etat central, en cours d’affirmation de plus en plus visible. C’est cet ordre corporatif, ce « modèle » même, qui va être attaqué sous les Lumières puis détruit définitivement (au moins juridiquement) lors de la Révolution française et par ceux-là mêmes qui se revendiquent des idées libérales des Lumières.

 

 

 

(à suivre : révoltes sociales, revendications libérales et Monarchie d’Ancien Régime)

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : « la gauche », une notion difficile à définir exactement, et que revendiquent de nombreux groupes et personnes en excluant dans le même temps tous les autres qui s’en réclament aussi…

 

(2) : la question paysanne semble bien être la mal-aimée de la gauche, beaucoup plus marquée et inspirée par le « modèle » urbain que par l’écosystème rural, ses composantes et ses équilibres, et la Révolution française nous donne quelques éléments probants de cette exclusion, qui tournera parfois à l’éviction de cette question par la persécution, voire l’extermination des paysans rétifs à la domination urbaine et bourgeoise, comme on pourra le constater dans les provinces de l’Ouest dans les premières années de la République jacobine.

 

(3) : les travaux d’Henri Mendras n’hésitent pas à titrer sur « la fin des paysans »…

 

(4) : l’étude de la démographie, quand elle est menée de façon rigoureuse et qu’elle n’oublie pas la pluralité des facteurs qui la font telle qu’elle est, éclaire fortement l’histoire des peuples et de leurs Etats respectifs, et il serait dommage de la négliger dans l’étude des pouvoirs et des institutions politiques, ceux-ci ayant, à l’origine, un devoir nourricier à l’égard de leurs sujets.

 

(5) : certains historiens contemporains évoquent une « agriculture jardinière », qui reste très majoritaire sans être « unique » dans le royaume, et qui permet une auto-suffisance paysanne dans nombre d’endroits et le dégagement de quelques surplus écoulés sur les marchés urbains.

 

 

 

 

28/08/2015

Contre le tout-béton.

 

Je parcours fréquemment les campagnes françaises, particulièrement entre la région parisienne et le pays gallo, et j'ai d'ailleurs fait une sorte de « tour de l'Ouest » au début du mois d'août, sur une douzaine de jours, dont il me faudra reparler au fil de quelques notes prochaines pour évoquer cette France pleine de ressources et pourtant souvent dévitalisée et « asséchée » par la République et la Société de consommation : il y a tant à dire, mais il y a aussi tant à faire, le désespoir n'étant, en ce domaine comme en d'autres, qu'une « sottise absolue » pour reprendre la juste formule de Maurras.

 

Ce qui me marque dans mes pérégrinations champêtres, c'est la frénésie, un peu calmée aujourd'hui mais toujours active néanmoins, pour le bétonnage ou l'artificialisation des campagnes : lignes de TGV (les LGV, lignes à grande vitesse) ; ronds-points ; routes élargies ou nouvelles ; zones pavillonnaires et centres commerciaux alors que les centres-bourgs se vident et que les cafés ferment ; etc. Une étude récente parlait de plus de 80.000 hectares de terres françaises sacrifiées au béton ou à d'autres matériaux de l'artificialisation chaque année ! Au moment même où il y a tant de maisons inoccupées dans nos villages ruraux ou, même, rurbains ! Cherchez l'erreur...

 

Dans le courrier des lecteurs du quotidien La Croix, une lettre publiée dans l'édition du 9 juillet dernier et écrite par M. Christian Guinard, résume bien ce que je pense sur cette question, et je me permets donc de la citer longuement, avec quelques commentaires :

 

« (…) Nos élus, de tous bords ou presque, croient encore que quand le bâtiment va, tout va. Ils appellent de leurs vœux des LGV ruineuses et non rentables ; des aéroports inutiles et dévoreurs d'espace ; des barrages qui ne serviront qu'à polluer un peu plus les eaux ; des canaux à grand gabarit qui ne feront le bonheur que de quelques engins de terrassement. Même constat pour les projets de routes et autoroutes alors que la majorité des besoins de déplacement des personnes réside aujourd'hui dans des transports ferroviaires à courte et moyenne distance dont les infrastructures sont à l'abandon. A croire que les décideurs de travaux ne se déplacent qu'en voiture ou en avion. »

 

On pourrait accompagner cette lettre de nombreux exemples, et les cas de l'aéroport annoncé de Notre-Dame-des-Landes peut être cité : pourquoi rebâtir une structure aussi lourde alors que Nantes a déjà un aéroport réputé et largement suffisant pour répondre aux défis de son développement et de sa réputation internationale ? De plus, pourquoi vouloir détruire le dernier bocage bien conservé de la région et une zone humide dont on connaît, au-delà de l'heureuse biodiversité, l'importance pour toutes les campagnes avoisinantes ? Sans oublier que cette construction entraînerait celle de nombreuses voies d'accès rapide qui, pour l'heure, ne sont pas financées et qui pourraient coûter près de 4 milliards d'euros, dont une grande partie serait payée par les contribuables de l'Ouest de la France... Surtout si c'est pour revendre cet aéroport, quelques années après sa construction, à des investisseurs chinois, comme c'est le cas pour celui de Toulouse actuellement ! Va-t-on refaire éternellement le même coup que pour les autoroutes françaises, que les usagers payent deux fois, l'une pour la construction, l'autre pour l'utilisation, et cela malgré les promesses des années 1960-70 d'une gratuité future qui n'est jamais advenue ?

 

La lettre se termine par un constat économique simple et vérifié par les expériences passées : « Ce n'est pas ainsi qu'on créera des emplois durables et non délocalisables. Ce serait plutôt en améliorant la qualité des bâtiments dont les mauvaises performances thermiques nous coûtent des milliards sous forme de pétrole ou de gaz.(...) ». Effectivement, au-delà même des aménagements permettant une meilleure pratique énergétique, conjuguant sobriété et efficacité, mieux vaut rénover, rehausser, restaurer que bétonner sans fin : il y a, là encore, de quoi faire et de quoi travailler des millions d'heures, tout en embellissant plutôt qu'enlaidir nos zones rurales et même urbaines. Cela ouvre, en définitive, bien des perspectives !

 

Je me souviens d'une famille royaliste de Touraine qui, non loin de Loudun, avait passé plus de vingt ans à relever un vieux château jusque là condamné à disparaître dans les ronces et bientôt dans l'oubli : elle en avait aussi profité pour rénover les bâtiments avoisinants, eux aussi en piètre état avant son heureuse intervention. De quoi rendre vie à un lieu et à ses environs, et fournir quelque travail aux artisans locaux... Ce qui est possible pour une vieille demeure féodale est tout à fait envisageable et même souhaitable pour des centres-bourgs aujourd'hui délaissés et qui, pourtant, disposent de nombreuses maisons d'habitation, souvent pourvues de petits jardins propices aux potagers et poulaillers ou, tout simplement, au repos et à la lecture tranquille...

 

 

 

 

 

10/07/2012

Mondialisation et profit.

 

Nous étions quelques collègues d'histoire à déjeuner vendredi dernier et à évoquer l'actualité récente et, en particulier, les plans sociaux qui se succèdent, du site d'Aulnay-sous-Bois à celui de Rennes pour l'entreprise PSA par (triste) exemple, et qui risquent de laisser des milliers de travailleurs, ouvriers ou ingénieurs (entre autres), sur le carreau... Le Monde, dans un article récent, évoquait les 60.000 victimes à brève échéance de ces fameux plans sociaux, si mal nommés quand on y réfléchit bien...

 

Un de mes collègues, sans se prononcer sur la valeur même de la mondialisation en grande partie à l'origine de ces drames sociaux de fermetures d'usines françaises, y voyait une fatalité inéluctable, dans le sens de l'histoire économique, et contre laquelle, du coup, il était vain de lutter : tel n'était évidemment pas mon avis, et je me suis employé à lui démontrer qu'il n'était pas vain de se battre pour éviter une mondialisation qui ne profite qu'à quelques uns au détriment de beaucoup d'autres.

 

Entendons-nous bien sur le sens de mon propos : je ne confonds pas la mondialisation avec le simple mouvement d'internationalisation des relations humaines et d'échanges, ou avec la découverte de terres et de cultures différentes. La mondialisation, c'est beaucoup plus que cela, et sans doute de nature fort différente si certaines formes peuvent prêter à confusion : c'est bien plutôt un système et une idéologie qui s'appuient sur l'ouverture du monde pour le transformer en une seule entité globale, « fluide » et « immédiate », au risque d'en nier les spécificités particulières ou de les transformer en simples arguments industriels ou commerciaux. Dans cette mondialisation, l'Argent s'est rapidement imposé comme la seule référence, faisant des critères de productivité, rentabilité ou profitabilité les arguments majeurs et seuls « légitimes » (sic !) de l'activité économique des sociétés et des hommes... Le résultat est la recherche permanente du profit, souvent égoïste, au détriment des hommes et des sociétés priés de « s'adapter » aux nouvelles règles, celles-là mêmes qui refusent justement que les Etats puissent en édicter pour limiter la mondialisation et son extension à tous les domaines de la vie sociale, voire individuelle.

 

Là encore, une précision s'impose : je ne suis pas de ceux qui condamnent « le profit » par principe, mais je considère trois éléments : la manière dont il est créé, et ce qu'il en est fait, mais aussi s'il est mesuré ou s'il est déraisonnable au regard des réalités sociales du lieu et du moment. Si le profit passe par l'exploitation des uns pour le bonheur des autres, souvent beaucoup moins nombreux que les précédents, je ne peux l'accepter sans récriminer ; s'il n'est utilisé que pour la satisfaction de quelques uns et dans le rejet des autres ou leur misère, je ne peux l'accepter, au nom d'une justice sociale qui, à mon sens, doit primer pour garantir l'équilibre des sociétés humaines ; s'il est « l'hubris » (la démesure) et écrase les hommes comme il détruit l'environnement ou les héritages humains (traditions, au sens actif et parfois critique du terme...), il est condamnable, purement et simplement... A l'inverse, s'il se conjugue avec l'honnêteté, la juste valeur du travail accompli, la justice et le partage, avec l'amélioration de la condition humaine, sociale ou environnementale, il est utile et tout à fait légitime !

 

Contrairement à mon collègue, sans doute à la fois fataliste et trop optimiste sur les possibilités de la mondialisation à améliorer les choses, je pense qu'il faut réfléchir et agir sans hésiter à aller à contre-courant de ce qui se veut « le sens unique de l'histoire » : il ne faut pas oublier que, selon les époques, ce fameux sens de l'histoire a sacrément varié, entre le paradis scientiste et colonialiste des hommes du XIXe et le paradis socialiste promis par Marx et ses épigones du XXe, sans oublier cette « fin de l'histoire » (sic !) que nous annonçait triomphalement Francis Fukuyama au début des années 90 et qui a fait long feu depuis, perdue dans les gravats des tours du World Trade Center et dans les mausolées dévastés de Tombouctou...

 

La mondialisation n'est pas une fatalité car il n'y a pas un sens unique de l'histoire, il n'y a que l'histoire qui, elle aussi, ne sait pas toujours où elle va...

 

 

(à suivre : la mondialisation heureuse, un mythe ?)