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07/10/2014

Le cardinal de Richelieu : servir l'Etat.

 

En relisant quelques revues royalistes des années 2000, j'ai retrouvé un article que j'avais écrit pour Les Épées, un trimestriel monarchiste qui avait pris comme devise la phrase célèbre de Pierre Boutang, philosophe néomaurrassien (postmaurrassien ?), « Le droit du prince naît du besoin du peuple », une formule qui, d'ailleurs, me semble d'une grande actualité. L'article était, en fait, une critique sympathique du livre de François Bluche sur le cardinal de Richelieu, notre grand homme d’État dont il serait bon de relire les écrits pour mieux saisir les devoirs de ceux qui tiennent l’État et sont censés le servir...

 

Voici donc le texte de l'article publié dans Les Épées de février 2004, et intitulé « Servir l’État » :

 

 

 

Dans le bureau de Charles Maurras trônait un superbe buste du cardinal de Richelieu. Cette présence ne devait rien au hasard et signait l'inspiration politique profonde du théoricien de l'Action française. Aussi n'est-il pas inutile de se plonger dans l'essai de François Bluche intitulé simplement Richelieu pour découvrir (redécouvrir) ce fidèle serviteur de l’État. Cela s'avère d'autant plus nécessaire en cette heure où les notions de « service » et d’« État » sont moquées, parfois même ridiculisées par ceux-là mêmes qui devraient en être les défenseurs.

 

La particularité de cet ouvrage est la succession de chapitres courts, de quelques pages seulement, denses sans être lourds et qui évoquent tel aspect du cardinal ou tel événement de sa vie ou de sa pratique politique. C'est aussi ce qui renforce l'aspect pédagogique du livre, des annexes fort complètes et utiles, en particulier la chronologie et le glossaire.

 

Résumer ce livre n'aurait évidemment pas de sens : il n'est pas impossible néanmoins d'en retenir quelques fortes vérités qui, au-delà de l'histoire, peuvent éclairer ce que peut - et sans doute doit – être une politique de tous les temps. Ce que montre Bluche, c'est que, d'une certaine manière, il n'y a pas de Richelieu sans le roi, en l'occurrence Louis XIII. Dans cet ordre politique, comme le souligne Bluche, « C'est le plus intelligent qui conçoit, l'autre corrige. C'est le souverain qui décide, le ministre exécute. Toute la difficulté pour le concepteur consiste à persuader le décideur ». En même temps, Richelieu, fidèle au Roi donc (et parce que) fidèle à ce que le Roi représente et, ontologiquement, « est » c'est-à-dire l’État et le Royaume, est conscient, non de la faiblesse de sa position, mais de sa précarité : si Louis XIII meurt avant d'être père (ce souci disparaît en 1638 avec la naissance du futur Louis XIV), que restera-t-il du cardinal et de son œuvre ? Richelieu est détesté des « Grands », véritables oligarques (et oligarchistes) de son époque. Mais malgré les tiraillements et les querelles, le Roi est d'abord de par sa fonction (ses sentiments peuvent parfois être autres), un politique. L'essai de Bluche, sans omettre les « côtés obscurs » du cardinal et de son souverain, souligne cette forte complémentarité, à la fois institutionnelle et personnelle, entre les deux hommes, et qui, au-delà de la mort, marque le souvenir de l'histoire de notre pays.

 

Quand, en notre République, les souverains présidentiels ne sont que des suzerains de partis, et que les politiciens confondent « servir » et « se servir », l'évocation d'un homme qui sût manœuvrer pour la gloire de l’État et de la nation, qui osa l'impopularité pour mieux accomplir son devoir d’État est source de réflexion, peut-être d'admiration. Il apparaît plus facilement compréhensible, une fois le livre lu, que cet homme-là, ce cardinal-guerrier, ce patriote « de raison, de tradition, de sentiment », ait eu autant d'ennemis parmi « les envieux et les malhonnêtes », parmi ceux qui font passer leurs intérêts ou leurs idéologies avant les nécessités publiques. « Il leur fera toujours peur »...

 

 

 

 

 

François Bluche, Richelieu, Perrin, Paris, 2003.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

05/10/2014

Les morues de l'Atlantique Nord...

 

Dans un cours que je faisais dernièrement sur les « Trente Glorieuses », de plus en plus souvent qualifiées de « Trente Ravageuses », j'évoquais la disparition, d'ailleurs postérieure à cette époque, de la morue au large du Canada, victime d'une pêche industrielle intensive qui cherchait à répondre aux nouveaux besoins d'une société de consommation de plus en plus gourmande et de moins en moins raisonnable. J'ajoutais que, depuis le début des années 90, ce poisson, qui avait motivé tant de sacrifices humains, encore inscrits sur les murs de certaines de nos églises bretonnes, n'avait pas réapparu de façon pérenne dans l'Atlantique Nord. Un de mes élèves, attentif aux questions scientifiques et environnementales, me démentit et m'annonça que, depuis la fin des années 2000, la morue avait repris ses aises : cela me surprit, et, en définitive, me ravit ! Enfin une bonne nouvelle sur le front de l'environnement et de la biodiversité !

 

Il tenait l'information de sa lecture de la revue Science et Vie du mois d'octobre 2014, consacrée à « l'incroyable force de la nature face aux agressions humaines » : ce numéro tend à montrer, à travers quelques exemples significatifs, que la nature développe de véritables stratégies pour se défendre contre les conséquences néfastes de la croissance économique souvent faite au détriment de l'environnement, des espaces aux espèces.

 

L'exemple de la morue, heureux pour une fois, reste néanmoins, me semble-t-il (et jusqu'à preuve du contraire), une exception qu'il serait bien hasardeux de généraliser même s'il serait souhaitable qu'elle le soit : la société de consommation actuelle n'est pas prêt de se restreindre et les appétits humains (à tous les sens du terme...) ne cessent de croître, mécaniquement par la forte progression démographique mondiale et psychologiquement par les tentations nouvelles désormais accessibles aux populations des puissances dites émergentes (mais, en fait, déjà émergées pour les deux plus grandes d'entre elles, la Chine et l'Inde).

 

Je veux bien néanmoins entendre que la nouvelle stratégie écologique peut s'appuyer sur ces possibilités de la nature de se renouveler ou de surmonter, par des réactions de défense originales, les agressions de la société de consommation, ou, mieux encore, de « se réinventer ». Mais je doute que cela soit suffisant pour inverser les tendances lourdes et dangereuses d'un système économique et d'un modèle de consommation qui épuisent la planète toujours plus vite que celle-ci se régénère. D'ailleurs, dans le cas de la morue, c'est la revue elle-même qui relativise son propos, en fin d'article : « Reste à savoir si cette stupéfiante réversibilité [le retour de la morue après sa quasi-disparition] s'applique à d'autres écosystèmes malmenés : en mer Noire, en mer du Japon ou au large de la Namibie, la morue se fait encore attendre. »

 

S'il faut garder l'espoir d'un renouveau de la biodiversité sur notre planète, il apparaît certain qu'il faudra non seulement l'accompagner, mais le soutenir, voire, dans de nombreux cas, le susciter, quitte à laisser, ensuite, la nature reprendre son cours et poursuivre sa « réinvention » : cela pourrait être une mission utile et bénéfique de l’État français. Encore faudrait-il que ce dernier dispose du temps nécessaire pour mettre en place et mener à bien les politiques environnementales sur le long terme : il est certain qu'une République piégée entre deux élections présidentielles et encombrée des ambitions électorales de quelques uns n'est pas la mieux adaptée aux défis contemporains, en particulier écologiques...