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07/03/2016

Cette contestation qui vient... (partie 2) : les impasses de gauche et de droite...

A lire la presse ces jours derniers, l'on pourrait croire que la contestation de la loi El Khomry est une exclusivité de la Gauche radicale ou frondeuse socialiste, et les articles sur les contestataires ne valorisent que les syndicats étudiants ou lycéens qui se vantent d'être de Gauche, de l'UNEF à la FIDL, proches pourtant des socialistes et pépinière des cabinets ministériels du PS... Les communistes cherchent aussi à mobiliser la jeunesse tout comme les trotskistes du NPA, tandis que des groupes improbables d'extrême-gauche en appellent à la « révolution » sans vraiment préparer autre chose qu'une révolte sans lendemain, faute de prospective viable. En regardant les forums et les réseaux sociaux qui s'enflamment, je suis frappé par le mélange de bêtise et d'intelligence, de naïveté et de sincérité (l'une n'excluant pas forcément l'autre), d'idéalisme et de machiavélisme, et par l'affirmation d'une certaine « impolitisation », à bien y regarder, des discours, ce qui ne signifie pas « dépolitisation » mais plutôt une méfiance à l'égard des partis ou des groupes déjà constitués et, plus largement, de l'engagement et de la réflexion politiques traditionnels : cela me rappelle l'époque, dans les années 1980-2000, des « coordinations » qui voulaient dépasser les partis habituels et leurs jeux classiques, avec parfois un certain succès, mais vite récupérées par les forces du « pays légal », seules susceptibles, disait-on, de leur assurer une « postérité » improbable...

 

Et pourtant ! La contestation de la loi El Khomry, loi en définitive entièrement portée et revendiquée par le Premier ministre, ne se limite pas à la gauche de la Gauche, ni même aux syndicats de salariés, tous (mêmes ceux qui se trouvent qualifiés de « réformistes » par les médias, selon une définition qui n'est pas la plus crédible) ayant des critiques plus ou moins virulentes à formuler à l'égard de ce qui n'est, pour l'heure, qu'un projet inachevé ou encore amendable.

 

Ce dernier n'est rien d'autre, en somme, que la mise en conformité du Droit du travail français avec la logique libérale de l'Union européenne, comme le rappelait ce dimanche sur France-Info l'ancien conseiller aux affaires sociales de Nicolas Sarkozy, M. Raymond Soubie, sans langue de bois et avec une honnêteté louable même si le fond du propos est, lui, plus critiquable. Que la France soit « le dernier pays » à, dit-on, refuser la vulgate libérale, pour de bonnes ou de mauvaises raisons d'ailleurs, n'est pas, à mon avis, un argument recevable car il fait peu de cas des abus et des principes mêmes de ce libéralisme plus anglo-saxon que véritablement ou historiquement européen, et il oublie l'autre tradition économique, non pas celle de l’État-providence (plutôt tardif au regard de l'histoire sociale française) mais celle, éminemment sociale à défaut d'être socialiste, qui plonge ses racines dans le désir et l'attachement à la justice sociale, et, plus profondément et moins visiblement désormais, dans la doctrine sociale de l’Église et ses déclinaisons d'une Gauche qui, pour anticléricale qu'elle se prétendait, n'en restait pas moins marquée (même sans le savoir et encore moins le vouloir) par l'héritage du christianisme, entre partage et charité rebaptisés solidarité, entre colère contre les marchands du temple et amour du prochain rebaptisé fraternité...

 

Le ralliement de la Droite libérale au projet de loi El Khomry n'est pas la marque d'un dépassement des clivages mais bien au contraire de la profonde identité de vue entre les deux versants du libéralisme européen (voire européiste) : cela marque aussi la fin (provisoire ?) d'un héritage de la Droite sociale historique, d'ailleurs repris en son temps par de Gaulle avec l'idée de participation, qui se voulait plus politique et sociale que seulement économiste et gestionnaire. Nous voilà effectivement, avec MM. Juppé ou Le Maire, bien loin des formules gaulliennes, de « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille », qui marquait le refus de voir la finance diriger le pays et son État, et qui reprenait la vieille antienne du duc d'Orléans (prétendant au trône des années 1890-1920) contre « la fortune anonyme et vagabonde », ou encore de cette remarque cinglante du fondateur de la Cinquième République déclarant « l'intendance suivra » rappelant, dans une logique toute capétienne et maurrassienne que, dans l'ordre des moyens, c'était (et cela devrait être encore...) « Politique d'abord » pour permettre une bonne économie et la pratique efficace de la justice sociale.

 

Ainsi, nous allons assister au spectacle d'une Droite libérale qui vantera les mérites d'une loi qu'en ses temps de Pouvoir, elle n'aurait pas osé défendre, et d'une gauche de la Gauche qui, éternelle faire-valoir de la Gauche de gouvernement (et parfois sa mercenaire « face aux droites »), manifestera une colère, en soi légitime, qui permettra aussi, si l'on n'y prend garde, de détourner les coups les plus rudes qui devraient pourtant être portés au système politicien du pays légal, simple véhicule législatif des nouvelles féodalités financières et actionnaires. Pourtant, comme le disait un syndicaliste du début du XXe siècle : « Quand vous aurez sauvé la République, qu'aurez-vous fait pour le peuple ? » La question, iconoclaste sans doute, mérite néanmoins d'être à nouveau posée, et des réponses, concrètes et éminemment politiques, doivent y être apportées...

 

 

 

 

(à suivre : pourquoi le 9 mars peut être une heureuse occasion politique ; le « Que faire » des royalistes en ce mois de mars 2016 ; les propositions royalistes pour le monde du travail ; le « tiers-pouvoir lycéen et étudiant » ; etc.)

 

 

 

03/03/2016

Cette contestation qui vient... (partie 1)

Le projet de loi de Mme El Khomry a ouvert la boîte de Pandore d'une contestation dont il est difficile aujourd'hui de prévoir le destin et les conséquences, et la date du 9 mars est devenue celle que certains redoutent tandis que d'autres espèrent qu'elle sera le début d'une crise politique qui mettrait le gouvernement en difficulté.

 

Ce n'est pas le projet de loi lui-même qui a, aujourd'hui, le plus d'importance, et il semble bien qu'il devienne vite, quelles que soient les modifications qui y seront apportées, un simple épouvantail pour les uns tandis qu'il sera un étendard, sans doute bien effiloché, pour les autres : à ce moment-là, les faits et le texte lui-même comptent moins que les intentions qu'on lui prête ! Quant à sa contestation, elle peut vite devenir un simple point de départ pour une contestation plus large et plurielle : assistera-t-on alors à une sorte de « convergence des luttes » qui n'aurait plus comme objectif que de dézinguer le gouvernement Valls-Macron (ou simplement Valls...) ? C'est fort probable, au regard des rancœurs accumulées et des haines recuites à l'égard du Premier ministre et de sa politique social-libérale ou, plus exactement, euro-libérale, en laquelle beaucoup ne veulent voir que le libéralisme et non l'européisme qui la sous-tend...

 

La grande crainte du gouvernement est, évidemment, que les jeunes (en fait, des minorités actives -les minorités énergiques évoquées par Maurras- entraînant des étudiants et lycéens aux motivations parfois bien peu politiques, surtout s'il fait soleil...) descendent dans la rue et l'occupent, la monopolisent aux yeux des médias, au risque d'affrontements violents et répétés avec les forces de l'ordre, dans une geste renouvelée des grandes heures de Mai 68, véritable mythe urbain d'une gauche qui n'a, depuis les années 1980, plus guère d'idéal...

 

Bien sûr, l'extrême-gauche est à la manœuvre, et les Jeunes Socialistes tentent d'organiser la contestation pour mieux la contrôler et, en fait, la stériliser, comme en de multiples occasions ces dernières décennies. Je me souviens encore de ce responsable trotskiste qui, en novembre 1986, apparaissait régulièrement devant les caméras, et qui « représentait » les étudiants en colère contre le projet de loi Devaquet sur l'Université, avec des mots qui fleuraient bon la lutte des classes et le souvenir du cuirassé Potemkine : il s'appelait (et s'appelle toujours) David Assouline et il est aujourd'hui sénateur socialiste et a même été porte-parole du Parti Socialiste de 2012 à 2014... Mais je pourrai aussi évoquer Henri Weber, l'un des dirigeants de la contestation en Mai 68 et ancien responsable de la Ligue Communiste de Krivine, devenu lui aussi sénateur, puis député européen jusqu'en 2014, et toujours ponte du même Parti Socialiste. Sans oublier l'inénarrable Daniel Cohn-Bendit, responsable anarchiste à Nanterre devenu symbole de Mai 68, devenu cet homme politique « libéral-libertaire » et symbole fort de ce « politiquement correct » qui cherche à étouffer toute pensée « dissidente » (même si je fais crédit à Cohn-Bendit d'accepter toujours le débat, y compris avec les adversaires de ses opinions)... Et combien d'autres responsables lycéens et étudiants récupérés par un système politique qu'ils prétendaient dénoncer, d'Isabelle Thomas à Bruno Julliard en passant par Nasser Ramdane pour les trois dernières décennies... Ces trois cités sont aujourd'hui des responsables et élus politiques du Parti Socialiste : étonnant, non ? Pas vraiment, en fait...

 

C'est pour cela que je reste un brin sceptique sur cette contestation qui monte et cherche à s'affirmer dans la rue, mais qui est, sans le savoir, prisonnière des petits jeux politiciens propres au Parti Socialiste et, plus largement, à cette République des apparences et des faux-semblants. Après tout, pourquoi servir de faire-valoir à quelques futurs politiciens qui voient dans les événements contestataires une simple occasion de rentrer de plain-pied dans une République dont ils espèrent quelque reconnaissance politicienne ou financière (l'une n'empêchant pas l'autre, d'ailleurs) ?

 

Mais, ces réserves mises à part, ne doit-on pas profiter de l'occasion pour faire entendre une véritable voix dissidente et éminemment politique sans être politicienne ? « Le Diable porte pierre », pourrait-on dire...

 

 

 

(à suivre : les limites de la contestation de gauche, et comment les dépasser ; pourquoi le 9 mars peut être une heureuse occasion ; le « Que faire » des royalistes en ce mois de mars 2016 ; la notion de « tiers-pouvoir lycéen et étudiant » ; etc.)