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04/11/2015

Démographie française et inconséquence républicaine.

La démographie est une science éminemment politique, et cela est encore démontré par le cas français, aujourd’hui évoqué par Le Parisien-Aujourd’hui, sous le titre peu rassurant « La France en panne de naissances » : « Jamais depuis 1999 on n’avait fait aussi peu de bébés les neuf premiers mois d’une année. Près de 16 000 manquent à l’appel », soit une baisse de presque 3 % par rapport à l’an dernier (environ 2,75 %), ce qui est considérable, même s’il faut être prudent sur la suite, l’année n’étant pas terminée. Mais il y a peu de chances (sauf miracle) que la tendance actuelle s’inverse, malheureusement.

 

L’explication classique est d’évoquer la difficulté des temps présents, la crise et ses conséquences sur l’emploi : alors qu’il y a près de 6 millions de chômeurs, que « près d’un jeune sur quatre se retrouve au chômage, quand même le diplôme commence à ne plus être un sésame pour décrocher un emploi », comme le souligne l’économiste interrogé par le quotidien, « les familles s’interrogent ». Pourtant, la crise ne date pas d’hier, et, jusque là, cela n’avait pas empêché la démographie française de rester l’une des plus dynamiques d’Europe, atteignant, il y a quelques années, un taux de fécondité de plus de 2 enfants par femme en âge de procréer…

 

En fait, au-delà des explications économiques ou sociologiques (qui ne sont pas inintéressantes mais qui ne sont pas les plus déterminantes), c’est bien l’explication politique qui est, en ce domaine, la plus crédible et la plus importante. Le Parisien-Aujourd’hui évoque « les errances des politiques familiales conduites depuis 2011 » : or, « ce qui semble compter (…), c’est davantage la stabilité de la politique familiale que sa générosité. En France, depuis la guerre, cette politique a été sanctuarisée par tous les gouvernements de droite et de gauche. Jusqu’à récemment. » En fait, depuis quelques années, la République, soucieuse de faire des économies « faciles », n’a pas hésité à remettre en cause cette stabilité jusque là « heureuse », même s’il était encore possible d’améliorer la politique de protection familiale, en particulier en renforçant les capacités d’accueil des nourrissons et des enfants en bas âge, mais aussi en instituant (ce que les gouvernements successifs n’ont pas osé, pour des raisons parfois plus idéologiques que logiques…) le « salaire maternel », que je préfère appeler, au regard des nouvelles réalités sociologiques françaises, le « salaire familial ».

 

Dans cette remise en cause de la politique familiale traditionnelle, droite et gauche sont également coupables, et M. Fillon tout autant que MM. Ayrault et Valls : quand le premier ministre de Nicolas Sarkozy, en faisant sa réforme des retraites en 2010, supprimait cette possibilité pour les fonctionnaires mères de trois enfants de partir à tout âge après quinze ans de bons et loyaux services, il cédait aux injonctions de l’Union européenne qui y voyait une discrimination envers les pères, la Commission de Bruxelles oubliant dans sa folie égalitaire que, jusqu’à preuve du contraire, ce sont bien les femmes, et elles seules, qui peuvent enfanter et y sacrifient, au-delà même de l’accouchement et pour les jeunes années de leur progéniture, de nombreuses années et de précieuses (et heureuses tout autant que bienveillantes…) énergies. J’avais, à l’époque, signalé à mes collègues et à mes élèves, que cette mesure apparemment anodine, ouvrait la porte à une déconstruction de la politique familiale et à des conséquences négatives sur la démographie de notre pays car elle envoyait un mauvais signal aux femmes (mais aussi à toute la société) qui n’avaient plus cette reconnaissance de leur statut particulier quand elles étaient mères de famille dite nombreuse.

 

La gauche, en remettant en cause l’universalité de la solidarité publique par la baisse des allocations familiales versées aux familles dites aisées (mesure entrée en vigueur cette année), mais aussi et surtout par la réforme du congé parental qui, en définitive, a fait des économies sur le dos des familles (environ 860 millions d’euros, dit-on, pour l’ensemble des mesures) et particulièrement des mères elles-mêmes, obligées de « donner » une part de leur temps de congé à leur conjoint pour des motifs qui se veulent, là encore, d’égalité…

 

En tout cas, les (mauvais) résultats sont là et certains s’inquiètent de la fin d’un « miracle démographique français » qui risque d’avoir des conséquences sur le système même des retraites par répartition : moins d’enfants à naître c’est des retraites plus difficiles à financer, en définitive… Là encore, la France risque de payer d’un prix lourd l’inconséquence d’une République qui navigue à vue et ne sait ni prévoir ni préparer « l’avenir que tout esprit bien né souhaite à sa patrie », selon la fameuse formule du maître de Martigues…

 

 

 

 

02/11/2015

Monsieur Météo viré...

Jadis, au temps de la IIIe République, il fallait être bon républicain pour espérer monter dans l'échelle des carrières militaires ou judiciaires, exception faite des périodes de guerre où d'autres valeurs, moins « politiques », reprenaient leur antique place... Cette même République, dans les années 1880, n'avait pas hésité à suspendre l'inamovibilité des juges durant plusieurs mois pour républicaniser la Justice, c'est-à-dire l'épurer des éléments connus pour leur fidélité monarchique ou impériale ! Aujourd'hui, plus besoin de lois d'exception ou de soupçon de dissidence politique pour être mis à la porte d'une chaîne de télévision publique : il suffit juste de ne pas être dans la « ligne » de l'idéologie dominante, y compris sur le plan... climatique !

 

Ainsi, un présentateur de bulletins météorologiques, dont on aurait pu penser qu'il n'était pas d'un grand danger pour l'ordre établi et la République hollandiste, est licencié pour avoir commis un livre de tendance « climatosceptique » et connaître un certain succès de librairie. Pourtant, ce monsieur n'a rien d'un Zemmour ou d'un Onfray, têtes de Turcs favorites des milieux de la bien-pensance, et il n'a rien écrit sur l'identité, la nation ou le déclin. De plus, il était jadis apprécié par ceux qui le condamnent aujourd'hui pour avoir été la première personnalité de la télévision à avoir annoncé publiquement son mariage avec son compagnon, juste après le vote de la loi Taubira ! Jusqu'à cet été, tout allait bien, et, diplômé d'un master II en Développement Durable (oxymore...) à l'université de Paris-Dauphine, il avait ainsi couvert pour des chaînes de télévision de grandes conférences sur le climat, de Bali à Copenhague, entre autres, sans susciter de critiques particulières.

 

Mais il a failli gâcher la fête, cette fameuse COP 21 dont M. Hollande veut faire un moment fort de son quinquennat, à la veille des élections régionales, et le symbole de son « activisme politique sur l'Environnement » (sic!) : en publiant ce livre intitulé « Climat investigation », qui reprend des antiennes déjà entendues ailleurs et qui développe des thèses qui me semblent, personnellement, peu convaincantes, M. Philippe Verdier a fait usage de sa liberté d'expression et a apporté sa pierre aux nécessaires débat et prise de conscience sur les enjeux climatiques, même si la sienne était plus brute que polie. Son licenciement par la direction de la chaîne sur laquelle il officiait jusqu'à ses derniers mois est un véritable camouflet pour ceux qui, comme moi, sont attachés à cette liberté d'expression qui, pour choquante qu'elle puisse être parfois, me semble indispensable à la respiration d'une nation.

 

Je le répète : je ne suis pas d'accord avec les propos de M. Verdier et je crois y déceler quelques lourdes erreurs sur la question climatique. Je combats ses thèses et je milite pour une écologie véritable et politique, mais je dénonce son licenciement qui m'apparaît comme une redoutable mise en garde à l'égard de tous ceux qui ne penseraient pas comme le veulent ce gouvernement et ce président. Car ce que l'on reproche à ce journaliste, c'est de ne pas penser « climatiquement correct », c'est d'avoir une autre opinion que celle qui prévaut aujourd'hui en haut lieu, de façon d'ailleurs assez hypocrite : qui croit que ce gouvernement se préoccupe vraiment de l'avenir du climat et des conséquences environnementales de la société de consommation qu'il continue de défendre à travers sa politique économique ?

 

M. Verdier paye pour les autres, diraient certains, et ce n'est sans doute pas faux : c'est aussi, au-delà même de la motivation première (même pas assumée par la direction de France Télévisions) de sa mise à l'écart, un avertissement sans frais à ceux qui oseraient douter de la volonté de M. Hollande, ou à ceux qui verraient dans ses déclarations quelques ruses d'abord politiciennes. La tête de M. Verdier est jetée comme un os à ronger à quelques institutions ou partis qui se proclament écologistes sans l'être autrement que médiatiquement et électoralement... Dans le même temps, ce même gouvernement fait savoir, par la voix de son préfet en Loire-Atlantique, que vont bientôt reprendre les travaux en vue de la construction de l'aéroport à Notre-Dame-des-Landes : de qui se moque-t-on ? La promotion du bitume et du kérozène au détriment d'une des dernières zones humides de l'Ouest alors que la COP 21 se veut la promotion d'un modèle énergétique moins polluant : n'y a-t-il pas là une terrible contradiction ou une fâcheuse hypocrisie, ou les deux à la fois ?

 

Dans l'affaire Verdier, il y a deux victimes, au-delà de l'intéressé lui-même : la liberté d'expression et l'écologie véritable. Décidément, de cette République-là, il n'y a rien à croire ni à espérer...

 

 

 

26/10/2015

La faute de la République dans les banlieues.

Le premier ministre Manuel Valls était aux Mureaux ce lundi, dix ans après les émeutes de banlieue, et il y a fait quelques annonces à défaut d'évoquer une véritable politique d'ensemble de la Ville et de ses « marges », ce dernier terme n'ayant rien de péjoratif ni de méprisant dans ma bouche. En fait, tous ces discours laissent un goût de cendres, sans jeu de mots (ni de maux, d'ailleurs), car ils sont, depuis plus de trente ans, redondants et, souvent, impuissants à changer de lourdes réalités. Cela ne veut pas dire que tous les efforts aient été forcément vains de la même manière, ni partout : mais les résultats ne sont pas assez satisfaisants pour que l'on s'en contente ou félicite. Il y a une impression désagréable et dangereuse de pourrissement de la situation, comme si une part de notre territoire avait été laissée entre d'autres mains que celles des autorités légales de ce pays...

 

Durant presque dix ans, dans les années 1990, j'ai observé en première ligne les défauts et les absences de la République dans les banlieues, professant l'histoire-géographie aux Mureaux, la ville même où M. Valls se promenait ce matin en essuyant quelques quolibets et huées qui rappelaient ceux subis par son supérieur hiérarchique la semaine dernière à La Courneuve. J'ai aussi le souvenir d'une discussion très libre avec l'actuel président quand il n'était encore qu'un responsable socialiste en pleine ascension mais pas encore premier secrétaire du Parti socialiste, et ce qu'il m'avait dit m'avait, je l'avoue, surpris : affable, M. Hollande reconnaissait aisément les faiblesses de la Gauche dans le dossier des banlieues, mais, plus surprenant, il semblait renoncer à vouloir inverser la tendance, et son fatalisme bonhomme ne m'avait guère rassuré, même s'il savait trouver quelques mots réconfortants pour le professeur de banlieue que j'étais alors...

 

Quant à moi, je n'avais pas renoncé à tenter de changer les choses « de l'intérieur » mais cela n'a pas eu grand effet, en définitive, si ce n'est d'avoir accompagné quelques élèves (y compris des plus difficiles ou des plus malheureux) dans leur scolarité et de leur avoir, je l'espère, donné quelques motifs de satisfaction et d'espérance : ceux que j'ai revus depuis cette époque désormais lointaine ont plutôt bien réussi leur vie, et c'est important et réconfortant, car cela souligne l'utilité d'être dans ces zones trop souvent décriées par ceux-là mêmes qui ne veulent pas leur accorder l'attention nécessaire pour les valoriser ou pour les « nationaliser ».

 

Mon exercice de professeur aux Mureaux m'a confirmé dans mon royalisme tout en le transformant, et a, sans doute, radicalisé mon aversion pour une République « de grands principes mais de petite vertu » sans que je méconnaisse ou moque, pour autant, les (vaines) espérances de quelques républicains « de base » et de conviction certaine... L'attitude lâche de l’Éducation nationale comme institution m'a dégoûtée de cette République qui clame des valeurs qu'elle prend bien soin de ne pas respecter elle-même, préférant le confort d'une démission permanente (sauf rares exceptions, plus liées à l'attitude courageuse de quelques professeurs ou proviseurs qu'à « l'esprit » des inspections académiques et du ministère...) et d'une hypocrisie rassurante, à « l'audace » d'une politique d'intégration intelligente et, pourquoi pas, sentimentale...

 

Non, les banlieues ne sont pas irrémédiablement perdues, mais la République, elle, les perd un peu plus chaque jour, au risque d'entraîner la France dans sa chute. Ce n'est pas en injectant des milliards sans suite que l'on pourra résoudre la grande question de l'avenir des banlieues mais en engageant une véritable politique de la Ville combinée à un nouvel enracinement des populations au sein de la nation française, ce « syndicat de familles et d'états » comme la définissait Maurras...