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14/07/2011

Un peu d'histoire sur le 14 juillet.

Le 14 juillet est devenu fête nationale au début de la IIIe République, après un débat fort animé le 8 juin 1880. Il est savoureux de lire, avec le recul, le propos du rapporteur de la proposition de loi, le dénommé Antoine Achard (député radical de la Gironde), et d’en montrer, au vu des connaissances historiques qui ne sont pas toujours en concordance avec l’idéologie, les limites et les contradictions : « Les grands, les glorieux anniversaires ne manquent pas dans notre histoire. Celui qui vous est désigné est mémorable à double titre ; il rappelle en effet la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 et la grande Fête de la Fédération célébrée le 14 juillet 1790. La prise de la Bastille qui fut le glorieux prélude, le premier acte de la Révolution a mis fin au monde ancien et, en ouvrant les portes de la rénovation sociale, a inauguré le monde nouveau, celui dont nous voyons l’aurore, celui qui s’édifie, lentement mais sûrement, le monde de la justice et de l’humanité, de l’égalité des droits et des devoirs.

 

La Fête de la Fédération a fait le monde moderne. En mettant en contact sympathique des populations jusqu’alors étrangères les unes aux autres, de races, d’origines différentes, distinctes par les mœurs, par le langage, par les lois ; en les groupant dans une grande manifestation pacifique, en leur apprenant en un mot à se connaître et à s’aimer, la Fête de la Fédération a fondé, sur des bases indestructibles, l’unité de la patrie ». D’ailleurs, c’est ce dernier événement que la fête nationale est censée rappeler, en priorité, plus encore que le premier, fort controversé…

 

Quelques décennies après, l’historien monarchiste Pierre Gaxotte (1895-1982) répliquait, à sa façon, à ce discours par un texte ironique, publié dans l’été 1939, quelques jours avant le début de la Seconde guerre mondiale : « Le 14 juillet est devenu la fête de l’unité française. Devenu, ou plutôt redevenu. Historiquement et légalement en effet, notre 14 juillet ne commémore pas la délivrance des faux-monnayeurs et des satyres qui étaient emprisonnés à la Bastille, mais bien la fête de la Fédération qui eut lieu, en 1790, au Champ-de-Mars.

 

(…) Quoique agrégé d’Histoire, M. Daladier avait, par prudence, recouru à la science de M. le Directeur des Archives nationales (…). Je ne m’explique pas comment, à eux deux, ils ont pu commettre, dans leur reconstitution, deux énormes oublis.

1° La fête de la Fédération consista d’abord en une messe solennelle chantée par un évêque. Cette année, pas de messe. 2° Pour la présider, il y avait un roi, circonstance importante et nécessaire. Un roi, monsieur le président, un vrai roi à fleurs de lys, avec sa femme, son fils, sa fille et sa sœur. Puisque vous vouliez que votre fête révolutionnaire et commémorative de l’unité française fût exacte, il fallait y mettre le roi. Il fallait rétablir la monarchie. Sinon, ce n’est plus de l’histoire, c’est du roman ». Il est vrai que les deux « 14 juillet » se sont déroulés quelques années avant la République, en un temps où cette idée même apparaissait incongrue en France, et que, au grand dam de nos républicains, les deux se sont faits aux cris de… « vive le roi », y compris pour mieux, dans celui de 1789, violer la loi…

 

Car, malgré les accents lyriques du député Achard, le 14 juillet 1789 ne fut pas vraiment glorieux et il n’y a pas de quoi s’en vanter. Il est d’ailleurs amusant de constater que nos officiels de la République célèbrent une émeute dont ils se seraient effrayés à l’automne 2005… Comment, ainsi, dénoncer les désordres des banlieues quand on glorifie un épisode d’une violence aveugle et, à l’origine, si peu politique ? Il faut relire ce livre fort intéressant intitulé « Les secrets de la Bastille tirés de ses archives » et écrit par l’historien Frantz Funck-Brentano dans les années 30, et qui remet un peu les choses au point : après le pillage des dépôts d’armes des Invalides (28.000 fusils et 24 canons), l’émeute se déplaça vers la Bastille pour y aller chercher la poudre qui s’y trouvait, et pas vraiment pour aller libérer les prisonniers qui y étaient enfermés (au nombre de … 7… : connaissez-vous beaucoup de prisons aujourd’hui qui n’accueillent que ce petit nombre de personnes ?). Funck-Brentano écrit : « Il faut bien distinguer les deux éléments dont se composa la foule qui se porta sur la Bastille. D’une part une horde de gens sans aveu, ceux que les documents contemporains ne cessent d’appeler « les brigands » et, d’autre part, les citoyens honnêtes – ils formaient certainement la minorité – qui désiraient des armes pour la constitution de la garde bourgeoise. La seule cause qui poussa cette bande sur la Bastille fut le désir de se procurer des armes. (…) Il n’était pas question de liberté, ni de tyrannie, de délivrer des prisonniers, ni de protester contre l’autorité royale. La prise de la Bastille se fit aux cris de : Vive le Roi ! tout comme, depuis plusieurs mois en province, se faisaient les pillages de grains ».

 

Je passe sur les différents épisodes de la journée relatés dans cet excellent petit bouquin. Mais il n’est pas inintéressant d’évoquer un élément souvent oublié dans les manuels d’Histoire (trop anecdotique, sans doute) qui montre un « autre » aspect de ce 14 juillet 1789 : « Une jolie jeune fille, Mademoiselle de Monsigny, fille du capitaine de la compagnie d’invalides de la Bastille, avait été rencontrée dans la cour des casernes. Quelques forcenés s’imaginèrent que c’était Mademoiselle de Launey (M. de Launey, ou Launay, était le gouverneur de la Bastille). Ils la traînèrent sur le bord des fossés, et, par gestes, firent comprendre à la garnison qu’ils allaient la brûler vive si la place ne se rendait. Ils avaient renversé la malheureuse enfant, évanouie, sur une paillasse, à laquelle, déjà, ils avaient mis le feu. M. de Monsigny voit le spectacle du haut des tours, il veut se précipiter vers son enfant et est tué par deux coups de feu. (…) Un soldat, Aubin Bonnemère, s’interposa avec courage et parvint à sauver la malheureuse enfant ».

 

La Bastille se rendit sans vraiment combattre et le gouverneur, malgré les promesses, fut massacré et sa tête fichée au bout d’une pique : c’était la première à tomber, la première d’une liste fort longue…

 

Ce livre donne d’autres indications intéressantes et qui rompent avec « l’histoire sainte » de la prise de la Bastille : en particulier les textes relatant l’événement dus à Saint-Just et à Marat, révolutionnaires insoupçonnables de tendresse pour l’Ancien Régime et qui offrent quelques surprises à leur lecture… Quant à la liste définitive des « vainqueurs de la Bastille », elle comptera près de 900 noms (863 selon Funck-Brentano), ce qui est fort loin des foules ou du « peuple de Paris » évoqués par les manuels d’Histoire (ou d’histoires ?)…

 

Le dramaturge Victorien Sardou, dans sa pièce « Rabagas », écrit ceci, qui résume bien l’affaire : « Mais alors à quoi distingue-t-on une émeute d’une révolution ? L’émeute, c’est quand le populaire est vaincu…, tous des canailles. La révolution, c’est quand il est le plus fort : tous des héros ! » : si, dans cette affaire, le « populaire » fut en définitive peu présent et représenté le jour même, la formule n’en donne pas moins une leçon à méditer, pour l’historien comme pour le politique…

 

 

 

02/11/2010

La Bastille, un soir de 2007...

J’ai écrit, il y a quelques années, un début de nouvelle qui, comme souvent, est restée inachevée… Mais il me semble que cette petite uchronie, qui part du principe que la Bastille n’a pas été détruite en 1789 et que l’Histoire n’a pas suivi le cours qui fut, malgré tout, le sien, n’est pas forcément totalement ridicule… En voici donc les premiers paragraphes en attendant, peut-être, une suite prochaine.

 

Le contexte est censé être celui des années 2007-2012.

 

 

La Bastille était un ensemble architectural tout à fait original dont les styles se mélangeaient assez bizarrement sans être disgracieux : tours médiévales et enceinte de verre et d’acier enserraient un superbe jardin clairsemé de petites rotondes transparentes qui abritaient des espèces de papillons multicolores mais aussi servaient de serres exotiques. En fait, la Bastille, dont la résistance pugnace durant une semaine de juillet 1789, avait marqué l’échec de l’émeute et la reprise en main par le pouvoir central de Paris, était, depuis cette date, un exemple et un modèle de l’administration royale directe : la « Grande Réformation » lancée par le roi Louis XVI avait fait de la Bastille un véritable centre culturel et politique, et c’est là que se préparait tous les grands projets d’Aménagement du Territoire et de Préservation de l’Environnement.

 

Louis XVII avait été le premier à rénover la vieille forteresse médiévale en faisant détruire une grande partie de l’enceinte moyenâgeuse et en ne gardant que la moitié des tours ouvrant la cour et le jardin comme un grand parvis vers le centre de Paris. Cette rénovation avait eu un effet secondaire surprenant : les petits singes dont les premiers ramenés par le fameux Schaffner, cet officier insurgent américain compagnon du marquis de la Rouérie, avaient fait  souche, s’étaient répandus et acclimatés dans tout le Faubourg Saint-Antoine et le Marais, même s’ils restaient en plus grand nombre à l’abri du « château » comme l’appelaient les Parisiens.

 

Les derniers travaux qu’avaient entrepris le roi Henri VI, sur les conseils du Grand Connétable de France, le général de Gaulle, avaient soulevé l’hostilité des amoureux du patrimoine et des riverains, en imposant une grande structure d’acier et de verre, très futuriste, qui avait repris le tracé des anciennes murailles et rompait avec l’aspect un peu bucolique et archaïque du lieu : une véritable crise s’était alors ouverte et des pétitions « pour la préservation de la Bastille » avaient été signées. Mais le roi, qui restait le maître des projets du lieu (c’était l’une des prérogatives constitutionnelles du monarque), n’avait pas cédé et, avec le recul du temps, la Bastille était devenue un véritable centre d’intérêt pour qui se piquait d’art contemporain et de débats d’idées, de « propositions constructives » comme il se disait dans le langage moderne et germanopratin. C’était une véritable attraction touristique et culturelle, et l’on y avait exposé quelques Picasso ou Andy Warhol qui s’ennuyaient dans des collections privées.

 

C’était dans ce cadre magique que travaillait Orléans : bien sûr, ce n’était pas son vrai prénom mais il s’était toujours fait appeler comme cela pour des raisons lointaines et de sonorités qui lui convenaient. Pour tous, c’était Orléans et il ne servait à rien de penser autrement, puisque personne n’avait jamais su son vrai prénom, pas même les services de sécurité pourtant fort sourcilleux sur ce genre de détails. Mais Orléans était un proche de la Cour et, en particulier, du Chargé des Affaires spéciales, sorte de Père Joseph officiel des cercles de la diplomatie d’Etat. Sans doute était-ce lié à son histoire personnelle : à 16 ans, il avait voulu partir se battre aux côtés des « Immortels », cette garde des derniers fidèles du Chah d’Iran, abandonné de tous, et surtout de ses anciens alliés, mais pas de ces quelques centaines d’hommes qui avaient la fidélité au cœur et devaient en payer le prix lourd après la victoire des ayatollahs. Mais il était déjà trop tard et Persépolis était un rêve perdu… Il aurait mieux valu, d’ailleurs, agir à Neauphle-le-Château où se trouvait le symbole et le chef de la rébellion islamiste, comme le lui fit remarquer plus tard son oncle, un ancien évêque missionnaire qui officiait désormais dans un coin perdu d’Armorique. Un peu tard Orléans devait se souvenir de ce trait ironique et désabusé, et le pavillon qui avait abrité le sinistre ayatollah avait mystérieusement explosé, privant les chiites iraniens d’un lieu de pèlerinage…

 

Après une scolarité chaotique et des études diverses, sûrement passionnantes, Orléans avait intégré le prestigieux Centre des Idées Nouvelles, service qui avait pour fonction de « faire de la prospective », en somme imaginer les « futurs possibles »… Il était passé maître dans cet art de construire les théories du lendemain : ce n’était pas exactement le cas pour son propre avenir, et il y voyait le signe que la liberté ne pouvait heureusement être enserrée dans un obligatoire « sens de l’Histoire ».

 

Il avait un fils, Clarence, presque bachelier à ce jour, fruit empoisonnant de ses amours avec Tendresse (elle aussi avait oublié son vrai état civil…), sa passion estudiantine des années 80-90, partie pour d’autres horizons sentimentaux, un soir d’été. Cette rupture, qu’il considérait comme un échec personnel sans pour autant se remettre en cause, l’avait profondément affecté : les sables de l’oubli avaient peu à peu tout recouvert, mais, de temps en temps, une tempête nouvelle découvrait les vestiges de cet amour fossilisé, et il s’assombrissait…

 

Clarence aurait pu être son « héros » mais ce fils qu’il avait tant désiré s’était vite révélé détestable et Orléans, qui remplissait ses devoirs d’assistance et d’éducation (du moins par le portefeuille), s’en était fait une raison : Clarence n’était même plus un chagrin, juste un agacement. Depuis, Orléans éprouvait une certaine indifférence aux enfants, redoutant d’avoir à croiser la poussette d’un couple d’amis. Il n’avait pas de tendresse ni de regard hypocritement extatique sur la marmaille vagissante dont les autres étaient fiers et fous… Cela se savait et passait pour une insensibilité qui lui convenait tout à fait.

 

Pourtant, il s’était beaucoup « investi » (horrible formule !) pour Clarence pour lequel il avait espéré le meilleur, et fait le plus, du moins le croyait-il… Clarence, ou l’ingratitude incarnée. Bien sûr, il fallait encore l’aimer, filialement parlant, et il payait largement ses frasques adolescentes, avec un grand mépris qui n’avait plus rien de paternel. Il savait que ses sentiments, dont il ne faisait pourtant pas étalage, lui valaient une réputation exécrable…

 

Son travail lui laissait beaucoup de temps à vivre et à perdre, et d’ailleurs, il n’était pas un ennui ni même une contrainte. Il aimait ce qu’il faisait : brasser des idées, manier des concepts, monter des projets… Cela pouvait remplir une vie, pas forcément une âme ou un cœur, pensait-il les jours d’obscurité.

 

Il flânait dans la vie, avec cette amertume discrète et un grand scepticisme à l’égard de ses contemporains et de leurs sentiments, ce qui lui faisait un talisman contre les illusions et les échecs. Il n’avait jamais été pris en faute et personne ne pouvait se vanter de l’avoir vu ému, ou même triste.

 

Ses mondanités étaient brillantes et ennuyeuses, comme il se doit. Mais il ne les confondait pas avec l’intimité et, là encore, personne n’aurait pu décrire son grand appartement encombré de dossiers et de livres qu’il avait lu et envisageait, sans doute, de relire… Tout comme personne ne pouvait déclarer, sans risque de ridicule absolu, l’avoir vu ivre : ce n’était pas si courant dans ce monde des mondains, et il soignait cette différence sans s’empêcher de boire des alcools forts qui lui grisaient un peu les sens. Quand les autres courraient après le bonheur, il se contentait d’en apprécier les odeurs et les humeurs…

 

 

L’élection du Grand Connétable avait provoqué quelques incidents non loin de la Bastille, et l’odeur de pneus brûlés chatouillait les narines d’Orléans qui avait, à tout hasard, pris son casque et ses gants noirs, relevé le col de son cuir au revers duquel s’affichait l’un des emblèmes de la ligue interdite de Maurras, ce Richelieu colérique qui avait réussi à se brouiller avec les princes qu’il servait… Il aimait ces ambiances chaudes qui lui rappelaient les risques qu’il n’avait pas couru là-bas, dans ce lointain pourtant si proche de quelques heures d’avion. Sur le trottoir, des badauds se mêlaient aux encagoulés qui lançaient quelques pierres et jouaient de la barre de fer contre les vitrines, victimes expiatoires des soirées électorales. Les Compagnies Royales chargeaient de temps à autre, troupes compactes de « bleu luisant », courant après des ombres qui disparaissaient dans les portes cochères ou les fumées des lacrymogènes.

 

Orléans observait la scène avec un certain dépit : les émeutiers n’étaient que des pillards et non des idéalistes, et leur fureur n’avait rien de très politique, pas de quoi en faire une aventure ou une révolution.

 

 

 

(à suivre, peut-être…)

 

16/07/2010

Un 14 juillet contre la République.

Le 14 juillet est évidemment une date symbolique mais il n’est pas certain que nos concitoyens en connaissent toujours le sens et qu’ils la replacent dans son contexte historique et politique : combien, d’ailleurs, savent que la loi de 1880 qui en fait la date de la fête nationale évoque, non la chute de la Bastille, mais la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, événement mis en avant par le gouvernement républicain pour rallier les voix des députés monarchistes orléanistes présents au Parlement au début de la IIIe République ? Qui connaît vraiment l’histoire de cette Fédération comme de la Bastille et de la Révolution elle-même ? Si l’on regarde les manuels d’histoire actuels, il n’est pas sûr que l’on s’en sache beaucoup plus qu’avant de les avoir lus… D’ailleurs, les grands noms ont quasiment tous disparu ou sont évoqués presque distraitement, en tout cas trop rapidement : La Fayette ou Marat ont disparu, le plus souvent, donc Charlotte Corday aussi, fatalement ! Je veux bien admettre que, ce qui importe, ce sont les « dynamiques de l’histoire » mais cette dernière a aussi besoin de visages, d’événements, de drames… pour s’incarner et apprendre quelques unes de ses leçons aux hommes et aux sociétés !

 

Cela étant, le 14 juillet continue à être commémoré même s’il est de moins en moins férié comme on peut le constater au regard de toutes ses grandes surfaces (comme Parly2, près de Versailles, par exemple) et de tous ses magasins ouverts, au grand dam des salariés forcés d’y travailler, le plus souvent contre leur gré : mais les directions ne leur laissent pas vraiment le choix comme j’ai pu le constater… Cela prouve aussi le peu de considération que les élites économiques font du « national », au-delà même du « social » : triste constat…

 

Symbolique, le 14 juillet est-il la date la plus révélatrice de la liberté ou la plus représentative de la nation ? Ce n’est pas certain, au regard même de l’histoire : il m’a toujours frappé que la première manifestation véritable et massive de résistance étudiante et lycéenne à l’Occupation allemande n’a pas eu lieu le 14 juillet 1940 mais le 11 novembre de la même année, et non pas sur la place de la Bastille ou au Champ de Mars (là où s’est déroulé la fête de la Fédération), mais à l’Etoile, autour de la tombe du Soldat inconnu… Est-ce vraiment un simple détail ?

 

En tout cas, c’est ce jour du 14 juillet, en cette année 2010 et en pleine affaire Woerth-Bettencourt, celle-là même qui, désormais, lasse nos compatriotes et accroît le sentiment de dégoût à l’égard du système politique (pour de bonnes ou mauvaises raisons, d’ailleurs), que nous avons, avec quelques amis monarchistes, accroché au pont des arts, au cœur de Paris, entre le Louvre royal et l’Académie française (ce n’est pas un hasard…), une longue banderole (12 mètres de long) qui manifestait notre colère devant une situation qui, si elle n’est pas forcément illégale, n’est guère honorable : « La République couche avec le fric ! », proclamait-elle, vengeresse, et elle se terminait par un « Vive le Roi ! » qui se voulait à la fois provocateur (mais éminemment raisonné) et chargé d’espérance. Cette banderole resta visible presque une heure, prise en photo cent fois par des touristes ou des badauds parisiens, face au Pont-neuf sur lequel trône, imperturbable, la statue du roi Henri IV, celui qui redonna une grande popularité à la monarchie qui avait failli disparaître devant les factions et les puissants qui voulaient s’emparer de l’Etat pour imposer leurs règles et leur règne, leur usurpation… Il y a plus de 4 siècles, alors, le roi l’avait emporté et ainsi assuré, pour deux bons siècles, la pérennité de l’Etat et de son indépendance : nous en sommes loin aujourd’hui au regard de cette République dont le sommet a si peu de « hauteur » et manque cruellement de distance à l’égard de l’Argent et de ceux qui en disposent et en dispensent aux partis et aux politiques…

 

« Détruit par l’argent », titrait l’hebdomadaire Marianne la semaine dernière en parlant du locataire de l’Elysée : mais, n’est-ce pas plutôt « tenu par l’argent » qu’il faudrait dire ? Et ne faudrait-il pas élargir ce constat à une République qui sait si mal s’imposer aux puissances d’argent depuis qu’elle confond l’honneur avec « les honneurs » ? Comment pourrait-elle, d’ailleurs, s’imposer à l’Argent, elle qui en nourrit son Pouvoir, délaissant le politique pour ce que de Gaulle appelait « l’intendance » ? S’il y eut quelques grands républicains ou, plutôt, hommes d’Etat au sens noble du titre (on peut citer Clémenceau ou de Gaulle, sans juger pour autant de leur œuvre respective et de leurs idées), ils ne furent que des exceptions d’autant plus marquantes qu’exceptionnelles, haussant les épaules devant les revendications obscènes des financiers et hommes d’affaires, et souvent détestés par ceux-là mêmes !

 

Constitutivement, et l’histoire l’a amplement démontré, de Georges Danton à Nicolas Sarkozy et ses comparses (Proglio, Tapie, etc.), la République, à tous les échelons de son Pouvoir, « couche avec l’Argent » : après tout, le rappeler un 14 juillet, n’est-ce pas aussi s’en prendre, nécessairement et utilement, à des bastilles beaucoup plus solides et immorales que celle qui, vieille forteresse médiévale quasiment dépourvue de défenseurs, est « tombée » un 14 juillet de 1789 ?