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18/04/2016

Les Saint-Just du samedi soir contre M. Finkielkraut...

Il est en France un philosophe qui s'oppose à la « ferme des mille vaches » et à la construction d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, et qui use de sa notoriété médiatique pour dénoncer les conditions indignes de l'élevage productiviste et les absurdités de la course à la bétonnisation aéroportuaire et mondialiste : en somme, certains, à cette rapide description, pourraient croire qu'il était, au regard de ces combats qu'il est l'un des seuls intellectuels français à assumer publiquement en France, le bienvenu sur cette place de la « Nuit debout » contestatrice de tant de scandales environnementaux et sociaux... Et pourtant ! Après quelques dizaines de minutes passées à écouter les intervenants des débats, Alain Finkielkraut en a été chassé comme un malpropre par quelques extrémistes qui, le plus souvent, n'ont même pas pris le temps de le lire, se contentant de quelques slogans et arguments faciles. Quelle déception, quelle colère peut-on éprouver devant une telle situation absurde et, il faut le dire, éminemment révoltante !

 

Le philosophe Alain Badiou, maoïste pas vraiment repenti, n'a pas, lui, hésité à discuter avec son confrère maudit par les nouveaux Saint-Just du samedi soir, et un livre en est né, qui mérite d'être lu (1). D'autres, qui n'ont pas la notoriété de Badiou ou de Finkielkraut, ont été invités dans l'émission que ce dernier anime, depuis des années, sur France-Culture, sans censure aucune, et ont pu faire valoir des idées parfois fort éloignées de celles de leur hôte...

 

Je suis d'une tradition dans laquelle on discute beaucoup, et je n'ai jamais hésité à franchir quelques barrières idéologiques pour chercher à comprendre, mais aussi à convaincre mes adversaires, parfois en vain. Je me souviens, entre autres, d'un débat sur la question universitaire organisé par le groupe anarchiste de l'université de Rennes2 auquel je m'étais rendu, accompagné de quelques monarchistes : la surprise était grande parmi les libertaires qui, refusant d'entamer le dialogue avec nous, avaient préféré annuler leur réunion et quitter les lieux... Cela, en définitive, m'avait plus agacé qu'amusé car j'ai toujours trouvé choquant ce genre d'attitude d'exclusion et de fermeture : que l'on ne parle pas de débat et de liberté d'expression si l'on n'accepte pas celle des autres !

 

Il n'est de pire sourd que celui qui ne veut entendre, dit le proverbe, et les excités qui ont poursuivi M. Finkielkraut de leur vindicte l'ont aisément et méchamment prouvé en refusant, non même sa parole, mais sa simple présence, sans doute trop bruyante à leur ouïe délicate de maîtres censeurs... « Messieurs les censeurs, bonsoir ! », lâchait Maurice Clavel en quittant le plateau de télévision après le caviardage d'une phrase de son reportage sur la Résistance, phrase qui mettait en cause le président Pompidou... Son cri du cœur est aussi celui de ceux qui, aujourd'hui, veulent pouvoir parler envers et contre tout, même si cela n'a pas l'heur de plaire aux Saint-Just qui, en un héritage qui n'a rien d'illégitime au regard de son histoire, se revendiquent d'une République qui ressemble trop, ainsi, à une place de Grève ou de la Révolution façon 1793...

 

La République, par ces quelques fanatiques (qui ne peuvent être, je le crois, confondus avec les premiers initiateurs de la Nuit debout chantant la Marseillaise en descendant dans le métro, le premier soir...), retrouve ses mauvais démons qui, semble-t-il, ne l'ont jamais quittée... Il est dommage que, du coup, ils assassinent un mouvement qui, malgré ses excès et son folklore, avait quelque légitimité à être et à faire valoir...

 

 

 

 


(1) L'explication, débat entre MM. Badiou et Finkielkrault, animé par Aude Lancelin, éditions Lignes, 2010.

23/01/2015

Liberté, déjà oubliée ?

 

Le 11 janvier était censé ouvrir une grande période de fraternité et certains de mes proches y ont cru, en toute bonne foi : après tout, défiler pour la liberté d'expression, pour la paix, l'amour entre les communautés, la générosité, quoi de plus honorable ? Alors, pourquoi pas ? Quant à moi, je suis de naturel méfiant à l'égard des grands discours et sans doute encore plus à l'égard des grands principes, surtout quand ils sont claironnés par les « hommes de peu de foi » qui gouvernent, intellectuellement ou politiquement, notre société contemporaine : les Bernard-Henri Lévy et leur hypocrisie dégoulinante me révulsent, et je connais trop bien, historiquement et personnellement, les conséquences de leurs engagements qui se font avec le sang des autres... Ces derniers jours confirment, en tout cas, mes craintes : l'air devient irrespirable depuis que M. Valls, nouveau « lider maximo » de la République, impose son rythme et son catéchisme républicain, repris en chœur par les « autorités morales » du pays et son ministre de l’Éducation nationale !

 

Le défilé du dimanche 11 janvier n'était-il, en fait, que le cortège funèbre d'une liberté que l'on clamait bruyamment pour mieux la faire taire ? J'en suis, moins de deux semaines après cette marche unanimiste, intimement persuadé ! Quelques éléments de preuve ? Alors que l'on demandait la liberté de dessiner ce dimanche-là, cette République si tolérante fait retirer un film de l'affiche de deux cinémas, à Neuilly et à Nantes : « L’Apôtre », qui raconte la conversion d'un jeune musulman au catholicisme, film de Cheyenne Carron, risque, selon la DGSI, de « provoquer » la communauté musulmane car ce film évoque une « apostasie », « crime » puni de mort par l'islam selon la lecture rigoriste des intégristes... Or, ce film, plutôt bien reçu par les critiques cinématographiques se veut, selon sa réalisatrice, « un film qui parle d'amour », et cette dernière rajoute : « Au lieu de l'interdire, on devrait le projeter dans les mosquées radicales ». J'ai envie d'ajouter : « et dans les écoles ! » D'ailleurs, ce film était présenté depuis quelques mois dans les salles de cinéma françaises, et cela sans un seul incident ! Pourquoi, d'un coup, les craintes de la DGSI ? Quelle hypocrisie ! Au lieu de préserver la liberté de création et de représentation cinématographique, l’État préfère censurer « pour votre sécurité » (sic !)... Et où sont ceux qui, la veille encore, ne juraient que par la liberté d'expression, l'obligation de la défendre, le devoir (ou la simple possibilité) de tout dire, de tout montrer ? Silence pesant des organisateurs du 11 janvier, comme un aveu : une pierre tombale sur laquelle on pourra inscrire, comme sur celles qui ornent les frontons des mairies, « liberté »...

 

Et pendant ce temps-là, le ministre de l’Éducation nationale, Madame Vallaud-Belkacem, annonce que les nouveaux professeurs devront passer une sorte d'examen pour s'assurer de leur rectitude « républicaine » : il me semblait que c'était d'autres régimes que ceux qui se proclament démocratiques qui avaient recours à de telles mesures de contrôle idéologique... D'ailleurs, imagine-t-on la Belgique ou le Royaume-Uni faire passer à leurs enseignants un examen pour vérifier leur attachement aux « valeurs de la Monarchie » ? Si tel était le cas, on crierait, et à juste raison, « à la dictature » ou, au moins, à l'inacceptable contrainte politique... Mais la République, sûre de son bon droit et de son universalité, ne se pose pas de tels problèmes de conscience, semble-t-il.

 

Il aurait été plus acceptable d'évoquer les valeurs civiques ou, mieux encore, celles de la France, non pas sur le seul plan de la République en place mais au regard de toute son histoire et de la civilisation qu'elle a, au fil de ses différentes incarnations institutionnelles, su développer et, parfois, promouvoir, autour de la francophonie et de ses traditions de liberté, de discussion ou d'amitié. Alors, pourquoi vouloir à tout prix « républicaniser » ou idéologiser à outrance ce qui peut se vivre sans étiquette partisane et qui dépasse joyeusement les barrières que la République voudrait, à tort, imposer ? Je connais bien des républicains qui comprennent ce que je dis et qui partagent ce point de vue : ce sont ceux qui savent que, pour être royaliste, on n'en est pas moins français, comme un Bernanos ou un d'Estienne d'Orves qui, dans les heures sombres de l'histoire, ont trouvé dans leur royalisme de quoi nourrir leur vive et noble, parfois mortelle, résistance à la barbarie nazie...

 

On pourrait dire, en plagiant Aragon, « Ceux qui croyaient en la République, et ceux qui n'y croyaient pas »... Ce qui importe, encore et toujours, et malgré les exclusions de Madame Vallaud-Belkacem, c'est bien cet amour de la France qui est indéfectiblement inséparable de celui de la liberté de l'esprit. La liberté, pas celle toute racornie d'un Valls persuadé que la France commence en 1789, mais celle qui a donné son nom à notre pays et que l'on respire à pleins poumons, et qui nous fait clamer à la face de cette République et de ses tristes sires et sœurs, comme jadis notre cher Maurice Clavel : « Messieurs les censeurs, bonsoir ! »

 

 

 

28/03/2012

Les OGM sont-ils tabous ?

Il m'arrive de participer à quelques débats sur la Toile, et de laisser des commentaires sur les sites des journaux lorsque cela me semble utile et, surtout, quand j'ai le temps d'en rédiger. Ainsi sur le site du quotidien « Le Figaro », ce midi sur un article évoquant la raréfaction des papillons dans notre pays, un problème qui, certes, n'intéresse sans doute que quelques centaines de personnes en France... Je me contentais de rappeler que « les papillons sont victimes d'un système agro-industriel qui privilégie la quantité et la rapidité industrielle au détriment de la qualité et du « temps long » de la nature », et je concluais : « un système terrifiant qui n'est autre que celui de la Société de consommation ». Il est vrai que l'actuelle orientation de l'agriculture, sans doute déplorable car fort peu respectueuse de l'environnement par l'usage massif de pesticides et la marginalisation, voire l'élimination des fleurs sauvages dans nos prairies si peu diversifiées, ne favorise ni la reproduction ni la survie même des papillons, pourtant si utiles pour la pollinisation...

 

L'agriculture contemporaine a pour tâche de « produire toujours plus », au risque de détruire les anciennes agricultures vivrières et leur diversité, mais aussi le cadre de vie campagnard, et d'entraîner de forts surplus économiquement peu viables et de multiples gaspillages, d'autant plus honteux quand l'on sait que plus d'un milliard de personnes ne mangent pas à leur faim dans le monde.

 

Et justement, en regardant la liste de mes commentaires sur « Le Figaro », je constate alors que l'un de ceux-ci a été « refusé » par la modération du journal il y a quelques jours.

 

C'était un commentaire sur un article consacré aux OGM, et sa censure me semble révélatrice à plus d'un titre. Jugez plutôt, en le lisant : « L'argument des partisans des OGM était que ceux-ci devaient « nourrir la planète » : rien de plus faux et l'on constate juste que les OGM « engraissent » quelques multinationales agro-industrielles, et qu'ils menacent, concrètement, la biodiversité.

D'autre part, l'agriculture mondiale produit déjà de quoi nourrir 12 milliards de personnes (selon la FAO) alors que nous sommes... 7 milliards ! Les vrais problèmes sont le gaspillage et la mauvaise redistribution. »

 

Visiblement, évoquer les « multinationales agro-industrielles » et « les vrais problèmes (qui) sont le gaspillage et la mauvaise redistribution » n’a pas l’heur de plaire aux modérateurs du « Figaro »…

 

Et pourtant…