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04/02/2010

Réforme au lycée.

J’assistais cet après-midi à la réunion de présentation de la réforme du lycée qui rentre en application dès septembre prochain : au-delà du programme d’histoire de Seconde et de la suppression de l’histoire comme matière obligatoire en Terminale S sur lesquels je reviendrai ces temps prochains, il y a de profonds changements dans la structure du lycée et de ses enseignements et je ne suis pas vraiment sûr que ce qui nous a été annoncé aille dans le bon sens, celui d’une meilleure maîtrise des connaissances et des savoirs et d’une réflexion approfondie sur ceux-ci et le sens des choses… C’est même plutôt l’inverse !

La plupart des matières actuelles perdent des heures, y compris les sciences physiques dans les filières… scientifiques ! Mais, ce n’est pas encore le plus grave (même si cela l’est déjà !) : il y a l’esprit même de cette réforme qui tend à transformer le lycée en une simple préparation à l’activité économique alors qu’il devrait aussi jouer un rôle de formation des intelligences, non comme un bourrage de crâne, mais comme l’ouverture à la culture et à la réflexion. Susciter la curiosité, l’envie de savoir au-delà de la simple utilité « économique » ou « scolaire », voila ce que devrait permettre un enseignement digne de ce nom, un enseignement qui cherche à « élever » les esprits au-dessus des seules préoccupations matérielles ! Cela est-il absent des projets présentés dans le cadre de la réforme ? Pas totalement car il existera désormais des enseignements « d’exploration » dont les thèmes sont fort alléchants et sur lesquels j’avoue que je ne bouderai pas mon plaisir comme celui sur « l’écriture et l’engagement »… Mais ces enseignements seront-ils assez attirants pour des élèves dont les choix risquent de se porter, pour des raisons « d’efficacité », sur les matières plus scientifiques ?

En fait, l’une des conséquences de cette réforme me semble la promotion d’une sorte d’ « école à la carte » qui, en fin de compte, pourrait bien entraîner la disparition des matières littéraires comme les langues anciennes, désormais concurrencées par le chinois ou les sciences économiques et sociales (SES), tandis qu’il sera possible de faire une partie des enseignements scientifiques ou littéraires dans une langue étrangère, en fait principalement l’anglais ! Cette dernière mesure, qui nous a été présentée par notre proviseur comme étant inscrite dans la réforme, risque d’aggraver le fossé entre les lycées « d’élite » qui proposeront ce genre d’enseignement parce que le public (culturellement « favorisé ») pourra s’y prêter, et les autres lycées où les élèves posséderont mal les bases de notre langue et éprouveront alors plus de difficultés à suivre un enseignement dans une autre langue…

Il y aurait tant à dire sur cette réforme ! Si tout n’est pas négatif, sa logique est vicieuse et, surtout, marque la fin, déjà bien avancée dans les faits, d’une certaine culture française, classique au sens noble du terme, et d’une tradition d’enseignement diversifié et pas seulement « globalisé ».

Et les profs là-dedans ? Qu’en pensent-ils, qu’éprouvent-ils ? En fait, c’est le désarroi, le dépit, le découragement, et l’impuissance… A la fin de la réunion de concertation des profs des matières littéraires, j’ai d’ailleurs pris la parole pour que, avant d’évoquer en réunion plénière notre choix sur les thèmes d’exploration avancés par les documents officiels de la réforme, le rapporteur du groupe d’enseignants souligne notre inquiétude, voire notre défiance (pour rester poli et courtois…), à l’égard d’une réforme qui « divise pour mieux régner » et démantèle, à y bien regarder, non pas tellement l’Education nationale qui reste ce monstre bureaucratique et jacobin qu’il est depuis Jules Ferry (au moins !), mais (et c’est plus grave !) l’enseignement « à la française », fondé sur l’esprit de découverte et de discussion, sur la « belle culture » et le débat, sur la rigueur intellectuelle et la discussion argumentée…

Mais, cette réforme est-elle vraiment si étonnante de la part d’une République qui s’est donnée pour président un homme qui n’aime ni la littérature ni le bon vin ?

21/12/2009

La mort de Johnny Halliday...

« La mort de Johnny Halliday a éclipsé la suppression de l’histoire-géographie en Terminale S »… A chaque fois que j’ai prononcé cette phrase, mes collègues à qui je m’adressais ont presque tous eu la même réaction, surprise mais pas tellement surprenante : « Ah bon, Johnny est mort ? ». Bien sûr, je les rassurais (quoique…) en évoquant une boutade de ma part, mais leur réaction n’en était que plus révélatrice : ainsi, alors même que la deuxième partie de la phrase les concernait directement, c’est la première qui les faisait réagir !

 

Ainsi en va-t-il dans notre Société du Spectacle et du Présent éternel : les informations sur la vie (ou la mort) des idoles populaires (ou pas, d’ailleurs) ont plus d’importance que celles qui engagent sur le long terme et qui apparaissent plus sérieuses, plus ennuyeuses. « Le spectacle continue », on peut même dire qu’il ne s’arrête jamais ! Et dans cette valse effrénée, une information chasse l’autre ! Déjà, au début de l’été, la mort de Mickaël Jackson avait, d’une certaine manière, enterré le « printemps de Téhéran » comme l’avaient remarqué les observateurs de la vie politique et internationale, et cela à la grande satisfaction des ayatollahs de la République islamiste.

 

Alors que la fronde des historiens et géographes montait et commençait à trouver un écho dans la population, les problèmes de santé du chanteur sexagénaire ont envahi les médias et détourné les gens de la réflexion sur la place de l’histoire-géographie mais aussi sur la réduction des horaires de philosophie et de sciences physiques dans les classes de lycée : et c’est ainsi que la réforme de Luc Chatel, préparée et rédigée par d’autres (dont le funeste Richard Descoings, directeur de Sciences Po), pourra apparaître aux futurs historiens (il en restera bien quelques uns…) comme celle qui aura été la plus facile (et la plus rapide) à faire passer de toute l’histoire de la Cinquième République…

 

Je ne suis pas le seul à penser ainsi, mes collègues, un brin découragés, partageant cet amer point de vue. Même l’hebdomadaire « Marianne » remarque l’entourloupe créée par la santé défaillante du contribuable suisse M. Halliday : « Sur le papier, l’affaire paraissait mal emmanchée pour le ministre de l’Education nationale : en plein remue-méninges sur l’identité nationale, atrophier l’enseignement de l’histoire tenait de la provocation. Pourtant le score final est sans appel : Luc Chatel 1 – histoire 0. » Si l’hebdomadaire évoque aussi deux autres causes à cette victoire ministérielle (causes d’ailleurs elles aussi fort valables : réaction tardive des profs et désunion, pour des raisons plus comptables que raisonnables, de ceux qui auraient pu s’opposer au projet), c’est bien la dernière évoquée qui emporte définitivement la décision : « Versatilité médiatique : dès lors qu’un buzz chasse l’autre, le calvaire de Johnny et le clip de l’UMP ont évincé des écrans l’offense faite à une certaine idée de la culture. Forcément… »

 

Malgré cette défaite « évidente », je ne renonce pas, personnellement, à me battre, ne serait-ce qu’en continuant à dénoncer cette mesure de suppression de l’histoire-géographie matière obligatoire en Terminale S par la plume, le clavier et la parole, comme par cette leçon que je ferai, comme annoncé déjà il y a quelques semaines, dans une rame du métro parisien…

 

Au fait, qui a dit : « Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! » ? Sans doute un homme qui ne se contentait pas de mots et qui connaissait bien l’histoire de la France, avant même que de la faire…

 

09/12/2009

L'histoire-géographie diminuée au lycée.

L’histoire-géographie est l’objet de vifs débats entre le ministre de l’Education nationale Luc Chatel et les professeurs eux-mêmes, et ces derniers se sentent un peu isolés malgré le soutien de brillants intellectuels au maintien de cette matière obligatoire en Terminale S. Isolés parce que les fédérations de parents d’élèves et les syndicats lycéens, de droite comme de gauche, applaudissent à la suppression annoncée et voulue par le Ministère, à la suite des propositions de M. Richard Descoings, président de Sciences-Po (qu’il a transformé, au nom de la modernité, en simple école de commerce, selon l’avis de plusieurs enseignants de l’institution de la rue Saint-Guillaume) et l’un des représentants de « l’ouverture » voulue par M. Sarkozy.

 

Mais il y a un autre aspect de la réforme que les médias et les professeurs eux-mêmes ont peu évoqué : c’est la suppression des heures de modules en classe de Seconde… De quoi s’agit-il ? Simplement des heures durant lesquelles les élèves apprennent les méthodes de travail et d’étude nécessaires à la préparation de l’épreuve du bac et des concours post-bac ! Pour ce faire, la classe est alors divisée en deux groupes qui, par alternance, suivent ces cours de méthode, forcément utiles pour la suite des études en histoire-géographie et la réussite aux différentes épreuves prévues dans le cycle scolaire et universitaire.

 

Or, le Gouvernement supprime sans sursis ces heures, pourtant bien utiles et cela dans l’indifférence quasi-générale ! Les fédérations de parents d’élèves FCPE (Gauche) et PEEP (Droite libérale), si promptes à dénoncer le « corporatisme des enseignants », ne protestent pas contre cette mesure de réduction des heures d’histoire-géographie en Seconde alors qu’ils ne cessent d’invoquer « l’intérêt des élèves » : drôle de conception de ce fameux « intérêt » dont je ne suis pas sûr qu’elles sachent ce qu’il est réellement !

 

Ce que je retiens des projets du Ministère, au regard de cette réorganisation qui n’est qu’une petite manœuvre à la fois comptable et électorale, c’est que les élèves n’y gagneront ni en matière ni en méthode, et que le niveau des connaissances et des moyens de compréhension du monde de ceux qui en sont pourtant les futurs héritiers risque d’emprunter une pente de plus en plus raide

 

Triste sort pour cette matière scolaire dont je me veux un serviteur dévoué et passionné, non pour les beaux yeux du Ministère mais pour les élèves auxquels j’ai la chance d’enseigner !

 

Sans doute la République n’a-t-elle plus besoin de professeurs d’histoire-géographie, leur préférant quelques substituts de type Wikipedia, par exemple…

 

Oui, décidément, triste, bien triste…