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05/11/2017

La réforme de l'accès à l'université, version 2017. Partie 2 : La question du baccalauréat de demain.

Si l'on en croit le gouvernement actuel, le baccalauréat va enfin être réformé, pour lui redonner crédit et efficacité : « vaste programme », aurait pu s'exclamer le général de Gaulle ! Car, au fil du temps, cet examen qui est censé être, une fois passé avec succès par le candidat, le premier diplôme universitaire, s'est trouvé totalement discrédité par des taux pharamineux de réussite quand, dans le même temps, le niveau d'ensemble des bacheliers semblait fortement baisser, aidé en cela par la démagogie ambiante et des consignes inspectorales laxistes et, en définitive, injustes. Au point que son utilité a pu être remise en cause et que certains enseignants et quelques intellectuels comme Jacques Julliard n'ont pas hésité à demander sa suppression pure et simple, en particulier ces dernières années, marquées par de nombreux incidents et erreurs, y compris dans les sujets proposés à l'examen ! (1)

 

La piste d'un baccalauréat à quatre épreuves terminales et un contrôle continu sur l'année, peut-être même sur deux ans (les classes de Première et de Terminale), est intéressante, mais il n'est pas sûr qu'elle soit suffisante pour régler tous les problèmes de la préparation aux études suivantes. Tout comme la proposition d'en finir avec des filières S, ES et L, qui ne jouent plus vraiment leur rôle en tant que telles, et de les remplacer par une sorte de « lycée modulaire » qui permettrait aux lycéens de construire leur propre parcours, selon leurs affinités mais aussi selon leurs capacités et compétences concrètes, les unes et les autres prises en compte pour éviter à la fois la démotivation et la perdition : un équilibre subtil, sans doute pas toujours facile à trouver, mais plus juste, autant pour l'élève que pour les enseignants des formations choisies.

 

Cette stratégie n'a de valeur que si l'on retrouve plus de souplesse dans le calendrier d'enseignement, en autorisant l'élève à dépasser les trois années officielles du lycée et en permettant des temps de « césure » (pour une année d'études à l'étranger, par exemple) ou de « détachement en formation professionnelle » (par exemple pour des stages en entreprise ou des périodes en milieu agricole, etc.). Cela nécessite aussi une plus grande autonomie des établissements scolaires et un investissement parfois plus poussé de certains personnels de ceux-ci dans la construction de programmes contextualisés au regard de l'environnement local, historique, culturel comme professionnel (la Bretagne n'offrant pas forcément les mêmes perspectives que l'Auvergne ou l'Alsace, et leurs différences étant à considérer et à exploiter intelligemment, dans une nouvelle pratique de l'aménagement du territoire national).

 

En somme, pour être véritablement efficace et convaincante, il faut penser la stratégie d'instruction publique et de formation des intelligences dans un cadre national pour le général et pratiquer la subsidiarité pour le particulier : n'est-ce pas là une rupture avec l’École de Ferry (Jules), centraliste et éminemment jacobine au nom d'une République « une et indivisible » qui, aujourd'hui, ne répond plus aux enjeux et défis du monde contemporain ?

 

 

 

(à suivre)

 

 

 

Notes : (1) : J'ai personnellement milité, depuis une dizaine d'années, pour la suppression du baccalauréat tout en dénonçant ses défauts et son coût, particulièrement en temps perdu pour les cours, étant choqué de constater que l'année scolaire, à cause de la mobilisation des établissements et des enseignants (pour la surveillance comme pour la correction), s'arrêtait au début juin ! Cette année 2017, j'ai donc « bénéficié » de 12 semaines (d'affilée) de « non-cours » devant les élèves, du 9 juin au 4 septembre : n'est-ce pas absurde alors même qu'il y aurait tant à faire pour permettre au maximum de lycéens de réussir dans leurs études ?

 

 

 

 

06/09/2011

Petit coup de gueule de rentrée...

 

Cette année, la rentrée a un goût de cendres... Et pourtant ! J'ai la chance de faire ce que je ne trouve pas exagéré, pour mon compte, de nommer « le plus beau métier du monde » : professeur, et plus précisément professeur d'histoire ! J'ai toujours voulu être professeur, plus encore pour raconter, expliquer, critiquer parfois et transmettre que pour seulement faire « le programme » : en somme, c'est par passion, par vocation que je le suis devenu !

 

Or, les temps ne sont plus à ces valeurs, semble-t-il : n'est-ce pas l'actuel ministre de l'éducation nationale qui, au nom d'une logique de l'efficacité (qu'il faut plutôt comprendre dans le sens de « rentabilité »...) propre à contenter les créanciers de la France, expliquait il y a peu que la vocation ne rentrait plus dans les critères de l'enseignement ? En somme, qu'il valait mieux des enseignants motivés par la paye (d'où l'idée de rétribuer les futurs collègues selon les résultats obtenus par leurs élèves lors des examens de type brevet des collèges ou baccalauréat) que des professeurs passionnés, donnant sans compter et parfois peu enclins à tout avaler de la part des institutions et d'un ministère de l'éducation nationale qui ressemblent trop souvent à un carcan pour l'intelligence...

 

Ainsi, les nouveaux programmes d'histoire-géographie des classes de Première sont-ils représentatifs de l'état d'esprit des petits « princes qui nous gouvernent » et de leur idéologie néolibérale et « politiquement correcte », mélange de social-démocratie démagogique et égalitaire dans le mauvais sens du terme, qui se marque par le refus des justes hiérarchies, ne serait-ce qu'au sein même de l'école (les profs n'en savent-ils pourtant pas, a priori, un peu plus que ceux à qui ils enseignent ?), et de discours pontifiants sur la « mondialisation » et le « développement durable », cette dernière formule apparaissant pourtant comme un véritable oxymore aux yeux de nombreux économistes ? Ainsi, dès les premiers chapitres des manuels, peut-on constater la quasi-disparition de toute référence à la « question sociale », à la dureté de la condition ouvrière sous les révolutions industrielles, aux luttes, autant des catholiques sociaux du XIXe siècle que des syndicalistes aux Etats-Unis ! La question ouvrière n'est d'ailleurs abordée que sous deux angles : l'amélioration de la condition ouvrière grâce à la croissance (sans évoquer l'exploitation terrible des ouvriers depuis le début du XIXe et la loi Le Chapelier de 1791 qui, en France, a permis la transformation des artisans et des producteurs en prolétaires sans défense face aux hommes d'argent...) et « le Front populaire », comme si celui-ci pouvait faire oublier l'indifférence générale de la République, en particulier celle des radicaux-socialistes, à l'égard de la « classe ouvrière » ! Triste manipulation, par omission, et qui minimise la place des travailleurs dans le processus d'accroissement des richessesdes pays industrialisés.

 

Un exemple parmi d'autres dans un nouveau programme qui, en définitive, laisse peu de place à la nuance et à la critique : les belles illustrations des manuels ont remplacé les textes plus sévères ou simplement originaux, et il est rare d'y croiser Simone Weil, dont l'enquête sur « la condition ouvrière » est, à mon sens, l'une des plus profondes et des plus intelligentes sur ce thème, et encore plus rare de lire Jack London, pourtant incontournable pour qui veut comprendre l'esprit de révolte ouvrière au début du XXe siècle aux Etats-Unis ! Quant à l'encyclique « Rerum Novarum » dénonçant les excès du libéralisme, elle restera inconnue pour tous ceux qui se contenteront des manuels de cette année...

 

D'ailleurs, il est intéressant de noter aussi que la mondialisation est présentée comme un phénomène quasiment « naturel », irréversible et « forcément positif », à l'heure même où, pourtant, la notion de « démondialisation » et celle de « protectionnisme » trouvent, dans quelques coins de l'échiquier politique, quelques hérauts fort talentueux et parfois même convaincants ! Les textes ou documents sur le protectionnisme sont, en grande majorité et sans contrepartie, totalement et négativement critiques quand le libre-échange est montré comme une « évidence positive », malgré quelques côtés « malheureux » mais sûrement réparables avec un zeste de social-démocratie ou de « bonnegouvernance »... Où est, avec ce déséquilibre dans les documents et leur présentation, la possibilité d'un esprit critique ?

 

Alors, oui, avec les rumeurs sur la remise en cause du statut des professeurs dès les lendemains de la présidentielle, l'allongement de l'année scolaire (prévue par la réduction des vacances d'été en 2014 à six semaines, sans augmentation salariale pour les professeurs qui travailleront deux semaines de plus dans leurs classes) mais aussi du temps de présence des enseignants dans leurs établissements pour des tâches qui seront si peu... enseignantes, mais aussi et surtout avec la baisse programmée du niveau et de la qualité des enseignements, avec la marginalisation des matières de culture générale comme l'histoire ou les langues anciennes, etc., il y a de quoi être amer devant ce qui apparaît comme une dévaluation du métier de professeur et une dévalorisation de l'intelligence et de la culture, de l'esprit qui, pourtant, mériterait bien de souffler à nouveau et librement sur les écoles de France...

 

Mardi matin, je serai à nouveau devant mes élèves et, n'en déplaise à M. Chatel, avec passion et toute l'ardeur de cette vocation qui me fait dire que, décidément et même au lycée, la liberté de l'esprit, ça ne se renifle pas, ça se respire !

 

11/02/2010

Insécurité scolaire.

Dans les années 90, j’enseignais dans un collège des Mureaux et j’en ai tiré quelques leçons qu’il m’est déjà arrivé, sur ce même blogue, d’évoquer. La question de la violence scolaire, pudiquement qualifiée d’ « incivilités » ou d’ « insécurité », y était toujours en suspens même s’il serait exagéré et déplacé de la survaloriser au risque d’oublier les autres problèmes (mais aussi les raisons d’espérer, car il y en a !) des établissements des zones difficiles.

 

Aussi, je suis l’affaire du lycée Adolphe-Chérioux de Vitry-sur-Seine (dans le département du Val-de-Marne) avec beaucoup d’intérêt mais sans beaucoup d’étonnement : un élève agressé par une bande venue de l’extérieur, un coup de couteau dans la cuisse, et des enseignants qui en ont marre du climat d’insécurité, ce fameux climat qu’il ne fallait pas, en d’autres temps, évoquer trop fort « pour ne pas faire le jeu du Front National » comme je l’ai entendu dire cent fois au début des années 90 ! Et, comme d’habitude, un rectorat et un ministère qui minimisent et rappellent les professeurs à « leurs devoirs » en les enjoignant de reprendre les cours sans avoir répondu à leurs questions et à leurs demandes tout compte fait fort légitimes… Juste quelques promesses et des annonces peu satisfaisantes et surtout insuffisantes pour ramener de la sérénité dans un établissement désormais gravement troublé par le « désordre établi » qui règne dans notre démocratie consumériste.

 

Il y a une certaine ironie à voir le ministre d’un président qui doit son élection à une vive campagne sur la lutte contre l’insécurité s’interdire de répondre à ce qui a fait le succès de son maître : car, que demandent les enseignants qui se sentent en danger sur leur propre lieu de travail ? La sécurité ! On est loin du discours libertaire des années 70 qui considérait, dans une sorte de rousseauisme contemporain rebaptisé « pédagogisme », qu’il fallait « mettre l’élève au centre du système » sans lui imposer d’autorité, ni celle du savoir ni celle du professeur, ce qui a laissé la porte ouverte à un véritable « ensauvagement » d’enfants sans repères et, en définitive, victimes de l’abandon des fondamentaux de toute instruction publique et victimes aussi de la prégnance des messages d’une société de consommation devenue jungle…

 

Si M. Chatel avait été logique avec les slogans de son propre camp, il aurait répondu de suite favorablement à la requête des enseignants en soulignant au passage combien la sécurité était une condition indispensable au bon fonctionnement des institutions scolaires mais aussi civiques : sans doute aurait-il oublié que la « grande question de l’Ordre » n’est pas qu’une question de simple sécurité scolaire mais aussi d’institutions politiques, d’état d’esprit et d’une autorité qu’il s’agit de mettre à sa juste place, de restaurer pour ne pas avoir besoin de l’imposer, mais qu’importe ! Il aurait été ferme et n’aurait pas discuté, mais agi sans trop s’inquiéter de l’intendance qui, comme le disait le général de Gaulle, « suivrait » : il est des urgences qu’il faut savoir appréhender et auxquelles il faut savoir promptement répondre pour éviter qu’elles ne mettent en péril tout l’édifice… Avec cette affaire, M. Chatel était en position favorable : il a tout gâché parce qu’il n’a rien compris et qu’il n’a voulu voir que la question comptable ! Petits calculs en définitive bien vains et fermeté de mauvais aloi à l’égard des professeurs qui demandaient, encore plus que des moyens, un peu de considération et d’écoute. Et l’insécurité semble désormais oubliée par le ministre : oui, décidément, suprême ironie !