Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/09/2011

Petit coup de gueule de rentrée...

 

Cette année, la rentrée a un goût de cendres... Et pourtant ! J'ai la chance de faire ce que je ne trouve pas exagéré, pour mon compte, de nommer « le plus beau métier du monde » : professeur, et plus précisément professeur d'histoire ! J'ai toujours voulu être professeur, plus encore pour raconter, expliquer, critiquer parfois et transmettre que pour seulement faire « le programme » : en somme, c'est par passion, par vocation que je le suis devenu !

 

Or, les temps ne sont plus à ces valeurs, semble-t-il : n'est-ce pas l'actuel ministre de l'éducation nationale qui, au nom d'une logique de l'efficacité (qu'il faut plutôt comprendre dans le sens de « rentabilité »...) propre à contenter les créanciers de la France, expliquait il y a peu que la vocation ne rentrait plus dans les critères de l'enseignement ? En somme, qu'il valait mieux des enseignants motivés par la paye (d'où l'idée de rétribuer les futurs collègues selon les résultats obtenus par leurs élèves lors des examens de type brevet des collèges ou baccalauréat) que des professeurs passionnés, donnant sans compter et parfois peu enclins à tout avaler de la part des institutions et d'un ministère de l'éducation nationale qui ressemblent trop souvent à un carcan pour l'intelligence...

 

Ainsi, les nouveaux programmes d'histoire-géographie des classes de Première sont-ils représentatifs de l'état d'esprit des petits « princes qui nous gouvernent » et de leur idéologie néolibérale et « politiquement correcte », mélange de social-démocratie démagogique et égalitaire dans le mauvais sens du terme, qui se marque par le refus des justes hiérarchies, ne serait-ce qu'au sein même de l'école (les profs n'en savent-ils pourtant pas, a priori, un peu plus que ceux à qui ils enseignent ?), et de discours pontifiants sur la « mondialisation » et le « développement durable », cette dernière formule apparaissant pourtant comme un véritable oxymore aux yeux de nombreux économistes ? Ainsi, dès les premiers chapitres des manuels, peut-on constater la quasi-disparition de toute référence à la « question sociale », à la dureté de la condition ouvrière sous les révolutions industrielles, aux luttes, autant des catholiques sociaux du XIXe siècle que des syndicalistes aux Etats-Unis ! La question ouvrière n'est d'ailleurs abordée que sous deux angles : l'amélioration de la condition ouvrière grâce à la croissance (sans évoquer l'exploitation terrible des ouvriers depuis le début du XIXe et la loi Le Chapelier de 1791 qui, en France, a permis la transformation des artisans et des producteurs en prolétaires sans défense face aux hommes d'argent...) et « le Front populaire », comme si celui-ci pouvait faire oublier l'indifférence générale de la République, en particulier celle des radicaux-socialistes, à l'égard de la « classe ouvrière » ! Triste manipulation, par omission, et qui minimise la place des travailleurs dans le processus d'accroissement des richessesdes pays industrialisés.

 

Un exemple parmi d'autres dans un nouveau programme qui, en définitive, laisse peu de place à la nuance et à la critique : les belles illustrations des manuels ont remplacé les textes plus sévères ou simplement originaux, et il est rare d'y croiser Simone Weil, dont l'enquête sur « la condition ouvrière » est, à mon sens, l'une des plus profondes et des plus intelligentes sur ce thème, et encore plus rare de lire Jack London, pourtant incontournable pour qui veut comprendre l'esprit de révolte ouvrière au début du XXe siècle aux Etats-Unis ! Quant à l'encyclique « Rerum Novarum » dénonçant les excès du libéralisme, elle restera inconnue pour tous ceux qui se contenteront des manuels de cette année...

 

D'ailleurs, il est intéressant de noter aussi que la mondialisation est présentée comme un phénomène quasiment « naturel », irréversible et « forcément positif », à l'heure même où, pourtant, la notion de « démondialisation » et celle de « protectionnisme » trouvent, dans quelques coins de l'échiquier politique, quelques hérauts fort talentueux et parfois même convaincants ! Les textes ou documents sur le protectionnisme sont, en grande majorité et sans contrepartie, totalement et négativement critiques quand le libre-échange est montré comme une « évidence positive », malgré quelques côtés « malheureux » mais sûrement réparables avec un zeste de social-démocratie ou de « bonnegouvernance »... Où est, avec ce déséquilibre dans les documents et leur présentation, la possibilité d'un esprit critique ?

 

Alors, oui, avec les rumeurs sur la remise en cause du statut des professeurs dès les lendemains de la présidentielle, l'allongement de l'année scolaire (prévue par la réduction des vacances d'été en 2014 à six semaines, sans augmentation salariale pour les professeurs qui travailleront deux semaines de plus dans leurs classes) mais aussi du temps de présence des enseignants dans leurs établissements pour des tâches qui seront si peu... enseignantes, mais aussi et surtout avec la baisse programmée du niveau et de la qualité des enseignements, avec la marginalisation des matières de culture générale comme l'histoire ou les langues anciennes, etc., il y a de quoi être amer devant ce qui apparaît comme une dévaluation du métier de professeur et une dévalorisation de l'intelligence et de la culture, de l'esprit qui, pourtant, mériterait bien de souffler à nouveau et librement sur les écoles de France...

 

Mardi matin, je serai à nouveau devant mes élèves et, n'en déplaise à M. Chatel, avec passion et toute l'ardeur de cette vocation qui me fait dire que, décidément et même au lycée, la liberté de l'esprit, ça ne se renifle pas, ça se respire !

 

04/09/2010

Chouette, la rentrée...

Ca y est, la rentrée est faite, les salles de cours ouvertes, les emplois du temps négociés et renégociés : une nouvelle année scolaire commence ! Les élèves sont bien là, encore bronzés de leur séjour breton ou aquitain, et les rires remplissent les couloirs habitués pendant trois mois au silence assourdissant de l’absence de cours…

 

Mais cette rentrée n’est pas totalement satisfaisante et elle s’avère lourde de menaces, empreinte d’une sourde inquiétude qui transpire en salle des profs : ce n’est pas tellement le gel des salaires ni même la question pourtant grave des retraites qui plombent l’ambiance mais bien plutôt la réforme qui entre en vigueur (certains diraient « en rigueur »…) ces jours-ci, dans une confusion certaine et de multiples grincements ! Manuels annoncés pour la fin du mois alors que les programmes sont nouveaux, réduction des horaires de certaines matières comme l’histoire-géographie, incertitudes sur la forme des épreuves du bac d’histoire-géo à la fin de la Première S (et prévues pour juin 2012), absence de visibilité sur la mise en place des enseignements d’exploration et des heures d’accompagnement prévues pour les élèves, etc.

 

En fait, cette réforme n’en est pas vraiment une, puisque les changements qui interviennent en cette année s’inscrivent beaucoup plus dans une logique économique et comptable que dans une perspective purement pédagogique et instructrice ! Economies de bouts de chandelles sur les heures des enseignements tandis que la mise en place des tableaux numériques, par exemple, coûtera très cher sans pour autant qu’il soit certain que cela permette de « relever le niveau » des populations scolaires et que, à l’heure où les questions énergétiques et le « développement durable » apparaissent dans les programmes de géographie des classes de 2nde, ces mêmes joujoux technologiques sont de gros consommateurs de cette même énergie qu’il est enseigné aux élèves d’économiser… Contradiction qui, à elle seule, résume le désordre des esprits et de la réforme !

 

D’ailleurs, il n’est pas certain que, malgré les effets d’annonce gouvernementaux, les mesures mises officiellement en place le soient concrètement, faute, par exemple, de professeurs volontaires pour l’aide personnalisée aux élèves ou de projets viables, faute aussi, tout simplement, de moyens matériels… La « réforme » de M. Chatel risque bien d’accoucher d’une souris et les impératifs d’économie évoqués achèveront assez sûrement les quelques idées possiblement intéressantes avancées dans les textes mal relus et peu budgétés du Gouvernement…

 

Et pourtant, il y aurait tant à faire ! L’éducation est un vaste chantier livré aujourd’hui au « moins-disant culturel » et aux apprentis sorciers, et risque bien de se transformer en champ de ruines si l’on n’y prend garde et si l’on ne réagit pas vivement : « Vivre c’est réagir » affirmait Maurras, et il n’avait pas tort, la question de l’éducation et son état actuel le confirment, mais il faudrait rajouter désormais à cette formule une notion d’urgence, pour éviter le pire !