09/06/2025
Protéger les ressources de la mer.
Dans une indifférence populaire assez tragique, se tient le troisième sommet de l’ONU sur les océans qui doit évoquer les mesures à prendre pour protéger les mers et les fonds de celles-ci d’une dégradation malheureusement fortement avancée et accélérée ces dernières années en conséquence du déploiement de la société de consommation et de croissance dans le monde, en particulier dans les pays du Sud global, ceux-là mêmes qui veulent accéder au paradis consommatoire sans beaucoup de précautions sur les moyens d’y parvenir. C’est un triste constat : les mers se vident, et « nous regardons ailleurs », pour paraphraser l’ancien président Chirac… Sur les étals du poissonnier, il n’y a jamais eu autant de poissons, dirait-on : pourtant, la part de poisson sauvage, elle, ne cesse de diminuer au fil des ans pour être remplacée par celle des poissons d’élevage. Sans doute parce que les prises de nos pêcheurs français, par exemple, si elles ne sont pas forcément mauvaises, pèsent de moins en moins dans la balance, le nombre de professionnels et de petits chalutiers ne cessant de diminuer. J’ai le souvenir que, dans ma jeunesse des années 1960, le port de Lancieux (en Côtes d’Armor) comptait une demi-douzaine de ces petits navires qui partaient pour la journée et revenaient les flancs chargés de produits de la mer, comme disent aujourd’hui les marchands et les économistes. J’ai aussi le souvenir que le petit pêcheur à pied que j’étais se glorifiait de ramener pour le dîner nombre de bigorneaux et de bouquets, quand, désormais, les rochers du littoral sont fort dépeuplés de leur petite faune comestible. La désertification des côtes n’est pas moindre que celle des fonds marins, même si elle est plus directement perceptible pour les anciens qui se lamentent devant le spectacle des trous d’eau et des dessous d’algues vides de toute présence animale.
Et pourtant, ce ne sont pas les alertes et les conseils pour préserver les ressources marines qui manquent, de la plage sur laquelle des panneaux bien illustrés expliquent la taille minimale des prises et les attentions nécessaires pour éviter de dévaster la biodiversité locale, aux magazines audiovisuels qui insistent, à raison, sur ces gestes simples qui peuvent permettre à la petite faune marine et littorale de se reproduire et de prospérer à nouveau. C’est évidemment utile, mais est-ce suffisant ? Malheureusement, j’en doute…
Ce qui est vrai pour les rochers de mon village côtier et les sables de mes fonds de baie, l’est aussi pour toutes les mers, aussi loin que le regard et la présence humaine puissent porter : là où il faudrait de la mesure et de la raison, c’est l’hubris consommatoire qui l’emporte, et qui emporte tout sur son passage, au détriment de la nature et de ses ressources, de ses richesses que l’homme veut s’attribuer dès maintenant et sans entraves. Que faudrait-il faire, concrètement, pour limiter cette dévastation ? Au-delà de la prise de conscience universelle (qui semble peu probable, malheureusement), quelques mesures simples (sans être simplistes) peuvent être avancées et appliquées : au niveau local, le gel annuel ou bisannuel d’une partie du littoral (jusqu’à une part, aussi, de ce que découvrent les grandes marées) pour laisser la petite faune se reproduire et prospérer (1) ; au niveau régional ou national, la mise en place d’une véritable politique de la Pêche qui concilie préservation des ressources halieutiques et intérêt bien compris des pêcheurs eux-mêmes (trop souvent oubliés par les oukases de quelques administrations peu conciliantes avec ceux qui vivent des produits de la mer) pour permettre à ces derniers de poursuivre dans de bonnes conditions leur métier et de pouvoir en vivre dignement (2) ; au niveau national et étatique, une politique de protection et de valorisation des Zones économiques exclusives de la France (y compris dans les zones polaires), que le gouvernement actuel semble vouloir promouvoir (insuffisamment, néanmoins), par exemple en interdisant le chalutage de fond ou le mouillage de plaisance dans certaines « aires marines protégées », celles qui, selon Mme Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, comptent les fonds marins « les plus sensibles et les plus riches en biodiversité »… Mais cette politique n’est possible que si la France engage une véritable stratégie de réarmement maritime (au double sens du terme, d’ailleurs…) et qu’elle se dote d’un grand Ministère de la Mer, autrement plus important que les « petits » ministères des dernières années et décennies, aussi peu crédibles qu’inefficaces… La grande question de la souveraineté maritime française mérite mieux que quelques communiqués gouvernementaux ! C’est aussi vrai pour la question environnementale, et c’est même complémentaire et obligatoire pour qui souhaite que la France reprenne sa place dans le concert des puissances susceptibles d’assurer la protection des océans sans rien céder à la voracité des multinationales alimentaires, ces nouvelles féodalités plus économiques qu’écologistes…
Notes : (1) : Chaque commune littorale pourrait, avec l’aide des scientifiques, des naturalistes et des pêcheurs locaux (principalement amateurs là où il n’y a plus de professionnels), déterminer cette zone à geler (c’est-à-dire à interdire, non d’accès, mais de prélèvement de poissons, de crustacés et de coquillages sur une période donnée, plus ou moins longue selon l’état initial de la ressource concernée), et faire respecter cette interdiction temporaire de pêche en l’accompagnant, autant que faire se peut, d’activités pédagogiques de découverte et d’observation pour les habitants locaux et les estivants de passage.
(2) : Il n’est pas impossible d’imaginer une gestion par une forme (locale, régionale ou même nationale ? Ne fermons aucune piste de travail…) de Corporation des pêcheurs (ou des travailleurs de la Mer) qui aurait, statutairement et avec l’aval des autorités concernées, la mission d’assurer la bonne tenue des stocks des ressources comestibles marines ; fixerait les conditions et des quotas de pêche ; financerait, sur son propre patrimoine corporatif, les activités et une part des revenus minimaux des pêcheurs empêchés de prélever en période de disette halieutique ou de reconstitution du cheptel marin.
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04/07/2022
Vers une politique océanique française ?
L’Océan a, le 8 juin, sa journée mondiale parrainée par l’ONU et, du 27 juin au 1er juillet, s’est tenu à Lisbonne un sommet de la même institution sur ce thème majeur pour l’avenir de la planète. A cette occasion, comme le rapporte Le Figaro dans son édition du samedi 2 juillet, a été rappelé l’objectif d’un « océan durable », ce qui, en creux, signifie qu’il est désormais menacé de disparaître en tant qu’espace de vie et de biodiversité, mais aussi qu’il est un enjeu entre puissances (n’est-ce pas le cas depuis l’Antiquité et la naissance de la thalassocratie athénienne ?) et que ses richesses connues et inconnues risquent bien de faire son malheur et celui des générations à venir. La France n’était pas absente de cette conférence internationale et le président lui-même est venu y porter la parole officielle de la nation française le jeudi 1er juillet, dans une certaine indifférence médiatique et démocratique, malheureusement révélatrice du peu d’importance des questions environnementales pour les opinions publiques composées avant tout de « consommateurs » plus encore que de citoyens ou d’électeurs. Et pourtant ! La France détient la deuxième superficie maritime du monde grâce à sa Zone économique exclusive (ZEE) qui couvre plus de 11 millions de kilomètres carrés de mer et qui permet à notre pays de pouvoir peser sur les négociations concernant l’avenir de l’océan : la création d’un ministère de la Mer en 1981, au début du règne présidentiel de François Mitterrand, n’a malheureusement pas été suivie d’une grande politique de la mer digne de ce nom que notre histoire et notre destin appellent pourtant aussi bien naturellement que politiquement. Que le député costarmoricain Hervé Berville, titré ce lundi 4 juillet 2022 secrétaire d’Etat à la Mer, soit placé sous la tutelle directe du Premier ministre, est-il une bonne nouvelle ou la marque d’une absence d’ambition ? Les prochains mois nous le diront. Ce qui est certain, c’est que la mer va devenir, dans les années suivantes, un des champs de bataille majeurs des relations internationales (et pas seulement entre les Etats-Unis et la Chine…) et de la préservation de la planète : le méconnaître serait laisser à d’autres le soin de dominer, voire de s’approprier ce qui est vital pour l’avenir de notre pays et, bien au-delà, de la Terre toute entière.
Les tensions actuelles sur les ressources énergétiques pourraient entraîner une surexploitation de l’océan, ne serait-ce que parce que les fonds marins sont riches de minerais (les fameuses « terres rares » nécessaires à la transition énergétique vers le « tout-électrique » promu par l’Union européenne et l’Occident en général) et d’hydrocarbures. Or, cela n’est pas vraiment souhaitable : l’épuisement des ressources de la planète, leur exploitation démesurée (aussi polluante à l’extraction qu’à la consommation), le système « consommatoire » dans lequel elle s’inscrit, etc., menacent, à terme (et parfois plus court qu’il n’est possible de l’imaginer), les équilibres marins comme la qualité de vie sur la planète. Le Chef de l’Etat français en est-il conscient ? A le lire, ce n’est pas impossible mais sa versatilité symbolisée par le « en même temps » (formule qui reflète plus l’instabilité que la nuance ou la conciliation, quand il faudrait à la magistrature suprême de l’Etat le sens de la décision et la continuité de l’action…) peut aussi faire craindre l’impuissance. Pourtant, ce qu’il a affirmé à Lisbonne l’autre jeudi n’est ni anodin ni infondé : lorsqu’il demande « d’élaborer un cadre légal pour mettre un coup d’arrêt à l’exploitation minière des fonds en haute mer et de ne pas autoriser de nouvelles activités qui mettraient en danger des écosystèmes (marins) », il a effectivement raison et ses propos doivent être entendus et défendus.
Mais, de la posture et des paroles faciles aux réalités concrètes, il y a parfois un large fossé, et l’article du Figaro évoque les prochaines échéances des négociations océaniques sans marquer trop d’illusion sur l’attitude possible de M. Macron : « Matthew Gianni, cofondateur de la coalition pour la haute mer, souligne que l’annonce d’Emmanuel Macron est « majeure ». Mais, « il faudra le prouver par des actes, dès la prochaine réunion du conseil de l’Autorité internationale des fonds marins qui débute le 18 juillet. Que dira la France à propos du projet de réglementation de l’exploration et de l’exploitation des fonds marins qui doit y être examinée ? » ». Une remarque, à cet égard : dans l’histoire humaine contemporaine, l’exploration n’est jamais l’assouvissement d’une simple curiosité mais le prélude à une nouvelle exploitation, et c’est particulièrement vrai dans le cadre des ressources minières et énergétiques, d’autant plus aujourd’hui en cette période de confrontation entre l’Occident et les nouvelles puissances émergées (ou ré-émergentes, dans le cas de la Russie) et du fait de l’impossibilité constatée de rompre, dans nos sociétés de consommations, avec l’inextinguible soif de « nos désirs consommatoires »… La difficulté à évoquer la simple « sobriété » parmi nos contemporains n’est pas rassurante pour la suite !
Le 18 juillet sera, en somme, l’épreuve de vérité pour les intentions proclamées de M. Macron dont on sait désormais qu’elles n’engagent que ceux qui y croient, selon le mot malin de feu Charles Pasqua. S’il s’en tient à son discours du 1er juillet, il se heurtera évidemment aux pays attachés au projet de réglementation qui n’est nullement un projet d’interdiction et à peine de modération ! « Si ce texte passait, il autoriserait de facto l’exploitation des nodules métalliques contenant les terres rares tant recherchées par les industriels. La France pourrait-elle conduire des négociations diplomatiques, avec l’Australie par exemple, afin d’empêcher son adoption ? » Là encore se pose la question de la puissance française et de sa capacité à peser dans des négociations : les bonnes intentions ne suffisent pas, il y faut le poids ! Le conseil de Maurras, « faire de la force », est alors plus que jamais d’actualité… Mais cela nécessite une véritable volonté politique : une stratégie d’ensemble ambitieuse qui reposerait sur le renforcement de nos capacités navales, sur la Recherche & Développement dans le secteur énergétique et maritime (entre autres), sur des investissements ciblés et massifs sans être inutilement dispendieux, etc.
Berville sera-t-il le Sartine dont la France a besoin en ce domaine ? Le temps lui sera-t-il donné de mener une véritable politique française de la Mer, mais la magistrature suprême de l’Etat sera-t-elle à la hauteur de l’enjeu océanique français et international ? J’ai comme un doute… Pour qu’il y ait un Sartine comme pour qu’il y ait un Colbert ou un Vergennes, il faut bien qu’il y ait… un roi !
10:42 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : océans, mer, océan durable, zee, ministère de la mer, berville
28/11/2012
Les énergies marines.
Jeudi 29 novembre débute le grand débat national sur la transition énergétique : il n’est pas sûr qu’il soit aussi intéressant que le sujet pourrait le laisser entendre, ne serait-ce que parce que le gouvernement actuel n’est guère motivé par les préoccupations environnementales, et cela malgré la présence (provisoire ?) de deux ministres issus du mouvement des Verts… En tout cas, ce débat peut être une occasion de faire connaître quelques idées et propositions, évidemment éminemment royalistes, pour une révolution énergétique qui s’appuie en priorité sur les énergies « éternellement » renouvelables qui devraient venir, aussi rapidement que possible, remplacer les énergies d’origine fossile, trop souvent polluantes et surexploitées sans respect pour les générations suivantes.
Voici, ci-dessous, la première partie d’un article que j’ai publié dans le dernier numéro de « L’Action sociale corporative » consacré aux énergies renouvelables.
Le défi énergétique pour la France d’aujourd’hui et de demain (partie 1).
La France possède un vaste territoire terrestre mais aussi maritime, et elle dispose de la 2ème Zone économique exclusive : ce sont des atouts importants pour une stratégie énergétique du XXIe siècle mais pas suffisants si la volonté et l’intelligence politiques n’ordonnent pas ces atouts et ses possibilités, comme le soulignent MM. Philippe Folliot et Xavier Louy dans leur ouvrage intitulé « France-sur-Mer, un empire oublié », véritable mine de renseignements sur les potentialités françaises. Au-delà des énergies d’origine fossile comme le pétrole dont la France pourrait devenir grande productrice si les forages au large de la Guyane, à plus de 6.000 mètres de profondeur mais avec des risques environnementaux sérieux, s’avèrent aussi fructueux que certains le pensent, ou comme les gaz de schiste dont est riche le sous-sol français, au-delà d’une énergie nucléaire qui dépend largement des réserves d’uranium étrangères (la France n’extrait plus d’uranium sur son territoire depuis une dizaine d’années), ce sont les énergies d’origine renouvelable qui apparaissent comme l’avenir possible, voire nécessaire, de la stratégie énergétique française.
La mer est une chance pour la France, mais que la République a trop souvent négligée : c’est pourtant de là que pourrait venir la principale réponse à la forte demande énergétique de notre société, comme le rappelle avec justesse les deux auteurs cités plus haut. Au-delà des hydroliennes qui utilisent les courants marins et sont aujourd’hui en passe de trouver leur place dans le réseau énergétique, et des éoliennes « offshore » flottantes placées en mer qui suppléent les éoliennes terrestres parfois décriées pour leur impact sur les paysages, de nombreuses autres possibilités sont offertes par la mer : l’énergie houlomotrice, c’est-à-dire l’énergie des vagues, qui pourrait être l’une des plus prometteuses à long terme des énergies renouvelables maritimes, et dont la France pourrait, avec ses littoraux métropolitains comme ultramarins, tirer le maximum d’énergie électrique possible ; l’énergie marémotrice, dont la France maîtrise la technologie mais qui pose néanmoins aujourd’hui des problèmes d’installation ; l’énergie maréthermique (ou énergie thermique des mers, ETM), qui est produite en utilisant la différence de température entre les eaux superficielles et les eaux profondes des océans (une idée que Jules Verne avait d’ailleurs lui-même émise dans « Vingt mille lieux sous les mers », dès 1869…) ; l’énergie osmotique qui consiste à exploiter le gradient de salinité entre l’eau de mer et l’eau douce, sur les estuaires des grands fleuves ; etc.
Mais il y a aussi les carburants d’origine renouvelable que peut produire la mer, à travers l’exploitation et la transformation des algues : cela, d’ailleurs, éviterait le principal inconvénient des agrocarburants (pourtant utiles et parfois très prometteurs) qui est d’occuper trop de terres au détriment des productions nourricières. Dans « France-sur-Mer », les auteurs expliquent que « selon les experts, le phytoplancton pourrait parfaitement prendre la relève des céréales comme biocarburants et combler la totalité des besoins énergétiques de la France, en couvrant une surface infime du territoire, sur le littoral. Produites par photosynthèse, les micro-algues, riches en lipides – donc en huile – auraient un rendement à l’hectare trente fois supérieur à celui du colza ou du tournesol. Elles transforment ainsi l’énergie solaire en énergie chimique et se cultivent facilement dans l’eau de mer, ce qui évite de puiser dans les réserves d’eau douce. Or, les 7.000 km de littoral français représentent un atout considérable pour développer ce genre de culture, qui prolifère rapidement et peut fournir des récoltes en continu. Si les bassins d’algues étaient déployés sur 400.000 hectares, ils pourraient produire la consommation annuelle mondiale de carburant ! » En lisant ces quelques lignes, on mesure mieux les potentialités énergétiques de notre pays, et on a quelques raisons de plus d’être furieux contre une République qui ne saisit pas toutes ces chances pour la France ! Ce qui est certain, c’est que la mer doit avoir une place beaucoup plus importante dans la stratégie énergétique de notre pays qu’elle ne l’a aujourd’hui, et qu’il faut faire vite pour ne pas « louper le coche » ! En fait, à bien y regarder, la mer offre actuellement de plus grandes possibilités que la terre, ne serait-ce que parce que cette dernière doit déjà répondre aux demandes de la production nourricière et à celles de l’habitat et des communications. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas prêter attention aux énergies renouvelables produites sur nos territoires terrestres, bien sûr…
23:56 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : transition énergétique, énergies renouvelables, écologie, mer, océans, stratégie.