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14/05/2015

Valls et Vallaud-Belkacem, ces fossoyeurs du débat intellectuel.

Il y aurait tant à dire sur la réforme du collège défendue par Mme Vallaud-Belkacem et le gouvernement auquel elle appartient... Mais il semble que la critique de la dite-ministre et de ses dires, de ses intentions ou de ses programmes, soit un exercice, sinon interdit, du moins dangereux : l'accusation d'être un « pseudo-intellectuel », de « ne pas savoir lire » ou de commettre un acte « légèrement xénophobe », est si vite lancée à l'encontre de quiconque ose égratigner la belle favorite du gouvernement !

 

Cela pourrait faire sourire si ce n'était révélateur d'un état d'esprit de la République actuelle, certaine de sa raison et intolérante à celles d'autrui : ainsi, M. Valls, qui se veut le défenseur de la République absolutiste, agite-t-il dans tous les discours et débats son étendard des « valeurs de la République » tandis que son président s'en va saluer quelques clients (fort peu républicains) des pétromonarchies du Golfe et converser avec un vieux dictateur qui, en son temps, fit rêver tant d'étudiants (et d'étudiantes...) du Quartier latin avant de s'enfermer dans une retraite en survêtement qui casse un peu le mythe de l'aventurier... En fait, le discours sur la République et ses supposées valeurs (qui sont aussi celles de M. Cahuzac ou de M. Balkany) est à usage interne, franco-français, et apparaît comme la ligne de défense d'un gouvernement qui n'est, trop souvent, que le serviteur d'une oligarchie qui « prend son petit déjeuner à New-York et légifère à Bruxelles », selon la formule consacrée. Mais il est bien pratique pour diaboliser toute critique et éviter tout débat de fond !

 

Je dois avouer que j'ai été particulièrement choqué d'entendre Mme Vallaud-Belkacem traiter les essayistes et écrivains qui dénonçaient sa réforme et les nouveaux programmes scolaires d'histoire de collège, de « pseudo-intellectuels » : les trois qu'elle visait explicitement (mais sans doute la liste qu'elle a livrée aux médias n'était-elle pas exhaustive...) s'appellent, excusez du peu, Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner et Luc Ferry, ce dernier ayant lui-même occupé le poste de ministre de l’Éducation nationale. On peut reprocher beaucoup de choses aux trois sus-cités, et combattre certaines de leurs idées (le libéralisme de Ferry, le croissancisme de Bruckner, etc.), mais il ne me viendrait pas à l'idée de les sous-estimer ou de refuser de les lire, ou de vouloir les faire taire : Mme Vallaud-Belkacem n'a ni cette timidité, ni la décence de reconnaître l'intelligence adverse, et c'est particulièrement inquiétant quand on occupe le ministère qui est le sien ! Il est vrai que l’Éducation nationale n'a jamais été autre chose, le plus souvent, que l'instrument du Pouvoir politique, comme le rappelait à l'envi Marcel Pagnol, mais j'ai encore la faiblesse de croire que l’École peut ouvrir (et qu'elle devrait le faire, même si ce n'est pas forcément le cas...) les intelligences et favoriser « la curiosité sans laquelle », selon le Maître de Martigues, « aucun savoir n'existerait »...

 

En tout cas, la liste des « proscrits de la République », selon M. Valls et Mme Vallaud-Belkacem, s'allonge de semaine en semaine, au-delà de la seule affaire de la réforme du collège : Eric Zemmour, Michel Houellebecq, Michel Onfray, Alain de Benoist, Emmanuel Todd, etc. Va-t-on y rajouter demain Sylviane Agacinski, coupable de critiquer la GPA et d'argumenter sa position sans beaucoup d'aménité pour le « politiquement correct », et qui signe une pétition contre cette marchandisation des utérus dans Libération cette semaine (circonstance aggravante : Onfray l'a aussi signée...), ou bien Philippe Val, ancien directeur de Charlie-Hebdo et désormais pourfendeur d'une certaine Gauche de l'inculture avec des mots qui doivent effrayer Fleur Pellerin, ministre de la Culture « qui n'a pas lu un roman depuis deux ans » selon son propre aveu ?

 

J'ai, sur mon bureau, « Que faire ? », non pas l'ouvrage de Lénine (déjà lu, et toujours dans ma bibliothèque, à portée de la main), mais le livre du débat entre Marcel Gauchet et Alain Badiou, entre le défenseur (un peu désabusé) de la démocratie libérale et le penseur (jamais fatigué) d'une gauche radicale « néo-maoïste » : c'est un régal d'intelligence et un débat d'une grande volée, et les idées se confrontent, s'affrontent et, parfois, se mêlent ! Je ne suis ni maoïste ni libéral, et, pourtant, je fais mon miel de cet échange intellectuel, sans renier mes idées ni me rallier à l'un ou l'autre des camps. Ce débat est à l'honneur des débatteurs et de la pensée elle-même : il est aussi l'antidote à l'intolérance de la République vallsienne et à cette « défaite de l'intelligence » que représente l'esprit de la réforme de Mme Vallaud-Belkacem.

 

Tant qu'il y aura des hommes libres, ils penseront et discuteront, sans attendre l'autorisation de qui que ce soit, et c'est une bonne chose... Et tant pis pour la République, ses valeurs et ses séides !

 

 

 

08/07/2014

Chambord...

J’ai profité des premiers jours de juillet pour me promener en France qui, partout, a quelque beauté à nous dévoiler, même lorsque le soleil se fait hésitant ou fragile. Ma première étape était le château de Chambord, magnifique joyau de la Renaissance, indissociable du règne du roi François Ier mais aussi de la prétendance du comte de Chambord, celui-là même qui aurait pu être roi sous le nom d’Henri V : en ces heures de congés scolaires, je n’oublie pas la politique qui, elle, ne prend pas de vacances, et je dois avouer que la comparaison entre l’œuvre du roi François et celle du président du même prénom est facile et instructive… Bien sûr, M. Hollande n’est que dans la 3ème année de son quinquennat quand François Ier a régné une trentaine d’années, de 1515 à 1547 ; bien sûr, le contexte n’est pas le même et succéder à Louis XII qui avait « préparé » le terrain à son successeur en menant une grande aventure militaire et géopolitique en Italie semble plus facile que prendre la suite d’un rival au milieu d’une crise de la zone euro et dans un contexte de mondialisation agressive ; bien sûr, surtout, le roi François pouvait espérer, au 1er janvier 1515, avoir le temps long d’un règne que seule la monarchie permet quand le président, élu des uns contre les autres, pense déjà à préparer sa réélection

 

Je repensais à tout cela en parcourant les grandes salles du château qu’admiraient aussi des touristes venus parfois de loin, des groupes de jeunes élèves qui, à la première pause, pianotaient sur leurs téléphones portatifs ou des familles qui me rappelaient celle que nous formions avec mes parents, frère et sœurs, au début des années 1980, à la découverte des trésors de notre histoire. Depuis ce temps déjà ancien, Chambord a continué de vivre, d’embellir encore malgré les échafaudages nouveaux, et d’attirer toujours plus de curieux, étrangers ou compatriotes, et c’est tant mieux !

 

Je remarque d’ailleurs que « l’histoire attire » et que l’une des grandes chances de la France est de posséder un riche patrimoine issu de cette longue suite de siècles de formation de la nation française : sans cette lente, longue et parfois rude histoire, sans la maîtrise du temps et de l’espace par les hommes et par l’Etat, en particulier sous sa forme monarchique, la France ne serait pas aujourd’hui ce pays qui reste la première destination touristique d’Europe et du monde ! Voilà un héritage à entretenir mais aussi à faire prospérer : or, il semble que la République, piégée par ses coûts de fonctionnement trop élevés et par les contraintes budgétaires que l’Union européenne lui rappelle constamment sans beaucoup de délicatesse ni de tact, n’investisse plus assez dans l’entretien et la promotion de ce magnifique patrimoine et n’attire pas assez de mécènes pour financer de nouvelles mises en valeur de nos joyaux historiques et paysagers. Surtout, l’Etat ne joue pas suffisamment son rôle de coordonnateur ou de soutien des initiatives locales, publiques ou privées, qui pourrait, lorsque le besoin s’en fait sentir, être le sien, mais, en revanche, il apparaît parfois trop « réglementariste », pour des raisons qui ne sont pas forcément très bonnes, et tente même de gêner des initiatives bénévoles et/ou privées qui lui échappent (y compris par le moyen fiscal…), ce qui me semble la manifestation d’un mauvais étatisme contreproductif sur le plan touristique, économique et social.

 

Alors qu’il nous faudrait reprendre l’esprit du roi François Ier, celui d’un mécénat d’Etat intelligent qui valait au roi le titre de « père et protecteur des arts et des lettres », la République s’enferme dans une logique comptable et, parfois, idéologique… J’ai toujours trouvé surprenant que le spectacle du Puy du Fou, qui s’autofinance intégralement depuis sa création à la fin des années 70, ne bénéficie d’aucune promotion de la part de l’Etat et du Ministère de la Culture alors qu’il a été le premier à obtenir les récompenses internationales touristiques les plus prestigieuses du monde, comparables aux Oscars pour le cinéma ! Bien sûr, le Puy du Fou n’en a guère besoin, mais ce désintérêt de la République pour ce qui fonctionne et rapporte beaucoup à l’économie locale et nationale est révélateur d’un état d’esprit, tout comme les attaques incessantes d’une certaine presse et de quelques historiens robespierristes contre le spectacle lui-même, considéré comme une exaltation de la Contre-Révolution et de la « Vendée rebelle »…

 

Le roi François Ier a montré l’exemple d’une politique culturelle qui mariait le prestige royal à la beauté des formes, le goût du spectacle au plaisir de tous, et cela est à l’origine de la Renaissance française qui, aujourd’hui encore, attire des foules venues de partout pour admirer cette synthèse des arts et de la politique, voulue par le souverain, éminemment politique quand il promouvait les arts et les architectes… Le soir même de mon passage à Chambord, j’entendais les journalistes évoquer les menaces des intermittents sur les festivals de l’été et le désarroi du gouvernement face à cette situation qui lui pourrissait ce début de juillet : décidément, le président François n’est pas le roi François, et la comparaison tient encore plus aux régimes qu’aux hommes…

 

 

27/02/2014

Discussion politique à Mayenne.

Alors que je traversais mardi dernier la ville de Mayenne, dans le département du même nom, je remarquais soudain un jeune homme qui semblait courir derrière ma voiture tandis que je cherchais à me garer pour me reposer un peu d’une route longue et rendue fatigante par des conditions météorologiques peu favorables : en fait, ayant aperçu la décoration éminemment royaliste de la vitre arrière de ma « roycomobile », il voulait juste discuter avec moi quelques instants de politique, ce que j’acceptais bien volontiers.

 

Notre courte discussion a d’abord porté sur le « pourquoi » de mon royalisme et de la monarchie : j’ai essayé de résumer ma pensée en quelques mots, soulignant que la monarchie était la condition des libertés publiques et particulièrement régionales, m’appuyant sur tout le bénéfice que, par exemple, la Bretagne pourrait tirer de l’existence d’un État royal, sorte de trait d’union (et symbole arbitral d’unité) entre les provinces reconstituées de France et garant de « l’autonomie » de celles-ci. J’aurai pu ajouter que cette conception d’une monarchie « libertale », c’est-à-dire d’une Autorité laissant aux provinces la liberté, le soin de s’organiser et de s’administrer elles-mêmes, avec leurs spécificités et leurs institutions propres, n’est pas un retour en arrière mais la reconnaissance ordonnée d’une demande forte (et bien actuelle !) des populations pour une plus grande proximité des pôles de décision et l’application d’une forme de démocratie locale plus directe sans être, pour autant, une menace pour l’unité de l’ensemble, garantie par l’existence même de l’État central royal, central mais pas centraliste !

 

Nous avons aussi discuté sur la question de la propriété privée qui ne me semble pas toujours adaptée aux lieux et aux histoires (et aux cultures) locales : en France, la Révolution a supprimé d’autres formes de propriété que l’on pourrait qualifier « d’usage », en particulier dans les campagnes, au profit d’une sorte de privatisation de toutes les terres « communes » jadis laissées à la disposition des paysans, souvent les plus pauvres, pour y amener leurs bêtes à paître, par exemple. Cela s’est souvent traduit, du coup, par la paupérisation définitive de certains ruraux et leur départ forcé vers la ville, formant ce que Marx appellera, sur le même mouvement affectant les ruraux anglais, « l’armée de réserve du capital », c’est-à-dire une main d’œuvre bon marché nécessaire au décollage industriel et facilement exploitable. En Afrique, à Madagascar par exemple, comme au Brésil dans la forêt amazonienne, l’État vend ou loue des terres qui ne lui appartiennent pas, chassant les premiers habitants, les tribus originelles des lieux, toujours dans le cadre d’une privatisation des terres, souvent considérées comme disponibles malgré la présence de peuples qui n’avaient guère le sens de la propriété privée, au contraire des nouveaux maîtres « légaux » de ses espaces… Là encore, la propriété privée apparaît bien comme une spoliation des droits naturels et légitimes de communautés à vivre sur un territoire qui est leur depuis parfois des centaines d’années sans être « contractualisé » par un quelconque papier ou titre de propriété. Dans ce sens-là, la formule de Proudhon si célèbre et si souvent mal comprise, « La propriété c’est le vol », n’est pas totalement fausse…

 

Qu’on me comprenne bien : je ne remets pas en cause la propriété privée, j’en marque juste les limites et je signale les alternatives anciennes (ce qui ne veut pas dire forcément obsolètes) à cette forme particulière de possession, alternatives qui peuvent, en ces temps de crise des espaces et des logements, retrouver une certaine actualité, comme à travers des jardins ou des potagers collectifs, par exemple. La notion de propriété partagée, d’ailleurs, semble aujourd’hui connaître un certain renouveau, avec des applications diverses et parfois fort prometteuses !

 

Ce qui est certain, c’est qu’il appartient aux États, dans les pays dits en développement (mais certains sont déjà des puissances émergées) de penser la possession autrement qu’en seuls termes de propriété privée, et de protéger les peuples et les tribus qui, aujourd’hui, vivent sur des territoires convoités par les multinationales minières ou de l’agroalimentaire : la France, qui connaît le sujet à travers la Guyane, pourrait jouer un rôle dans la préservation de ces formes traditionnelles de rapport à la terre, en particulier par le biais de son siège au Conseil de sécurité de l’ONU.

 

Je n’ai pas eu le temps, sur ce trottoir de Mayenne, de tout dire et développer avec ce jeune homme : beaucoup d’autres sujets furent abordés en quelques minutes, comme la question de la démocratie et de ses limites, marquées, entre autres, par le fait que des chefs de l’État élus démocratiquement pouvaient être contestés ou renversés par la rue, en Ukraine ou au Venezuela, ce qui semble remettre en cause (faut-il toujours s’en plaindre, d’ailleurs ?) le principe même de l’élection pour la tête du Pouvoir.

 

Avant de nous séparer, il m’avoua qu’il était anarchiste et je lui rappelais alors la formule que l’on doit à Maurice Clavel ou à Jean-Edern Hallier, « La monarchie c’est l’anarchie plus un ». C’est ce « un », c’est-à-dire le Roi, qui permet aux libertés d’exister, de s’exprimer, d’être préservées des excès du Pouvoir, qu’il soit économique, financier ou politique, ce que, déjà en son temps, l’écrivain britannique George Orwell avait pressenti et évoqué à propos de la Couronne britannique face aux fascismes et au communisme. Ce que les royalistes du XIXe siècle résumaient par « L’autorité en haut, les libertés à la base » et les légistes anciens par « Sub rege, rei publicae » que l’on peut traduire par « Sous le –ou grâce au- règne du Roi, les libertés publiques »…

 

Cette discussion n’était qu’une ébauche, et j’espère bien la poursuivre lors d’un prochain passage à Mayenne ! Qui a dit, en tout cas, que la jeunesse ne s’intéressait plus à la politique ? Si, il y a des jeunes qui ne se contentent pas de regarder la télévision, de planer sur la toile ou d’écouter benoîtement les cours de l’Education nationale, et, qu’ils soient manifestants du printemps 2013 ou bonnets rouges, de droite ou de gauche, républicains ou royalistes, anarchistes ou monarchistes, etc., ce sont eux aussi qui peuvent faire bouger les choses ! Dans le bon sens, j’espère… et j’essaye d’y travailler !