20/10/2021
Les jeunes sans politique ?
La question du pouvoir d’achat s’invite dans la campagne présidentielle qui semblait, jusqu’alors, se focaliser sur les questions d’identité, de mémoire et de grandeur de la France, thèmes majeurs mais dont il n’est pas certain qu’une campagne électorale soit le meilleur moment pour en parler sérieusement, au-delà des slogans et des coups de menton d’une surenchère toute « populiste », ce dernier terme n’étant pas, pour mon compte, forcément péjoratif. Les principaux candidats brandissent chacun leurs propositions, de la baisse drastique de la TVA sur l’énergie à l’idée d’un chèque destiné à amortir les effets de la hausse du prix des carburants pour les ménages les moins favorisés. Les usagers obligés de la route les entendent-ils vraiment ? A écouter les réactions dans la rue ou au bistrot, ce « parlement du peuple » (1) parfois plus utile que les sondages pour saisir l’esprit ou le vent du moment, ce n’est pas évident ! La « fatigue démocratique » n’a jamais été autant marquée parmi les classes populaires qu’en cette veille d’élection présidentielle, et elle pourrait bien se traduire par un taux d’abstention fort élevé au printemps prochain, le jour où les électeurs seront appelés à glisser un bulletin dans l’urne : la croyance dans ces « lendemains qui chantent » encore glorifiée par les tenants de la démocratie représentative est en train de mourir, si elle n’est déjà morte dans l’inconscient collectif, et il n’est pas anodin de constater que les plus jeunes des électeurs, ces « enfants de la République » à peine sortis des lycées et facultés, sont désormais les plus « incroyants » de celle-ci, sceptiques assumés et clamant par leur déni de vote « le roi est nu » quand les partis s’agitent encore devant eux en des sarabandes parfois fort vulgaires.
Du coup, la grande question de la démocratie se trouve à nouveau posée, et la réponse n’apparaît plus aussi évidente qu’elle paraissait l’être il y a encore quelques années. Je remarque d’ailleurs que le mot même revient peu dans les débats des jeunes entre eux et même avec les autres générations. Cela veut-il signifier qu’ils refusent la démocratie ? Non, mais ils s’en détournent, comme ils se détournent de tout ce qui sonne trop politique à leurs oreilles. Ce n’est pas la démocratie qui les fait fuir, c’est la politique ou ce qu’ils prennent et comprennent comme telle qui les ennuie… Bien sûr, quelques jeunes font exception (2), mais leur nombre se réduit au fur et à mesure des années et des élections, et j’en suis, d’ailleurs, fort inquiet : « quand la jeunesse se refroidit, c’est le monde qui claque des dents », s’écriait Georges Bernanos, toujours fidèle à sa jeunesse militante de Camelot du Roi jamais rassasié par les discours du pays légal de son temps !
Certains me rétorqueront que les nouvelles générations pratiquent de nouvelles formes de « militance » (terme que je n’apprécie guère et qui me semble un pâle succédané de militantisme, mais sans goût ni saveur…), mais cela n’enlève rien au constat général d’une certaine désaffection des jeunes pour la réflexion et le débat politiques et institutionnels qui laisse le champ libre aux excès religieux ou au repli individualiste qui, par essence même, est la négation du politique et, au-delà, de l’appartenance enracinée.
Comment faire pour réenchanter la politique aux yeux des jeunes générations ? C’est une question à laquelle il n’est pas forcément aisé de répondre, mais j’avoue ne pas vouloir céder à la facilité de l’indifférence qui consisterait à « dépolitiser » les débats dans notre société pour mieux attirer ces jeunes qui fuient la politique. Au contraire, il me paraît nécessaire de poser des idées politiques, non par goût de l’affrontement mais par souhait de débat et, aussi, de responsabilisation de ceux qui, demain, auront la tâche d’assumer les charges de la société, à travers leur famille, leur travail, leur lieu de vie. En cela, évoquer la proposition monarchique, couplée avec le souci environnemental, les questions d’enracinement et l’immense et toujours contemporaine question sociale, peut être un moyen d’accroche et d’incitation à la réflexion autant qu’à l’action. Mais, pour éviter la rapide désaffection d’un public moins sensible à ces questions que ma propre génération (vieillissante…), encore faut-il rappeler l’importance d’un « idéal », non comme une idéologie édénique et obligatoire, mais comme la possibilité de « l’imagination au pouvoir », imagination fondée sur l’intelligence et sur ces racines qui permettent aux grands arbres de caresser le ciel. Une imagination qui doit rester éminemment politique : quand les idéologues de tout acabit depuis Saint-Just, cherchent à créer un homme nouveau pour une société parfaite, ce qui fut (et reste) la base des totalitarismes passés comme contemporains (transhumanisme compris), il paraît nécessaire de rester les pieds sur terre sans s’empêcher de parfois regarder vers le haut et souvent vers les autres. La Monarchie royale n’est pas un rêve impossible à réaliser, mais elle reste un idéal à (re)fonder, non dans l’utopie, mais par l’intelligence, la volonté et l’action. Selon les uns ou les autres, le dessin (comme le dessein…) peut être différent suivant la raison de chacun : après tout, n’est-ce pas le principe même d’une Monarchie royale ? La pluralité dans l’unité ; la cathédrale aux vitraux multiples et sa clé de voûte fleurdelysée…
Notes : (1) : Je reprends cette expression célèbre née sous la plume de Balzac et qui n’aurait pas déplu à Bernanos, entre autres…
(2) : L’Université d’été de l’Action Française du mois d’août de cette année, par exemple, a montré la persistance d’un militantisme actif de jeunes au sein de la mouvance royaliste maurrassienne, tout comme au sein des Verts ou des Insoumis…
18:17 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jeunes, jeunesse, royalisme, idées, idéal, maurrassien.
14/05/2015
Valls et Vallaud-Belkacem, ces fossoyeurs du débat intellectuel.
Il y aurait tant à dire sur la réforme du collège défendue par Mme Vallaud-Belkacem et le gouvernement auquel elle appartient... Mais il semble que la critique de la dite-ministre et de ses dires, de ses intentions ou de ses programmes, soit un exercice, sinon interdit, du moins dangereux : l'accusation d'être un « pseudo-intellectuel », de « ne pas savoir lire » ou de commettre un acte « légèrement xénophobe », est si vite lancée à l'encontre de quiconque ose égratigner la belle favorite du gouvernement !
Cela pourrait faire sourire si ce n'était révélateur d'un état d'esprit de la République actuelle, certaine de sa raison et intolérante à celles d'autrui : ainsi, M. Valls, qui se veut le défenseur de la République absolutiste, agite-t-il dans tous les discours et débats son étendard des « valeurs de la République » tandis que son président s'en va saluer quelques clients (fort peu républicains) des pétromonarchies du Golfe et converser avec un vieux dictateur qui, en son temps, fit rêver tant d'étudiants (et d'étudiantes...) du Quartier latin avant de s'enfermer dans une retraite en survêtement qui casse un peu le mythe de l'aventurier... En fait, le discours sur la République et ses supposées valeurs (qui sont aussi celles de M. Cahuzac ou de M. Balkany) est à usage interne, franco-français, et apparaît comme la ligne de défense d'un gouvernement qui n'est, trop souvent, que le serviteur d'une oligarchie qui « prend son petit déjeuner à New-York et légifère à Bruxelles », selon la formule consacrée. Mais il est bien pratique pour diaboliser toute critique et éviter tout débat de fond !
Je dois avouer que j'ai été particulièrement choqué d'entendre Mme Vallaud-Belkacem traiter les essayistes et écrivains qui dénonçaient sa réforme et les nouveaux programmes scolaires d'histoire de collège, de « pseudo-intellectuels » : les trois qu'elle visait explicitement (mais sans doute la liste qu'elle a livrée aux médias n'était-elle pas exhaustive...) s'appellent, excusez du peu, Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner et Luc Ferry, ce dernier ayant lui-même occupé le poste de ministre de l’Éducation nationale. On peut reprocher beaucoup de choses aux trois sus-cités, et combattre certaines de leurs idées (le libéralisme de Ferry, le croissancisme de Bruckner, etc.), mais il ne me viendrait pas à l'idée de les sous-estimer ou de refuser de les lire, ou de vouloir les faire taire : Mme Vallaud-Belkacem n'a ni cette timidité, ni la décence de reconnaître l'intelligence adverse, et c'est particulièrement inquiétant quand on occupe le ministère qui est le sien ! Il est vrai que l’Éducation nationale n'a jamais été autre chose, le plus souvent, que l'instrument du Pouvoir politique, comme le rappelait à l'envi Marcel Pagnol, mais j'ai encore la faiblesse de croire que l’École peut ouvrir (et qu'elle devrait le faire, même si ce n'est pas forcément le cas...) les intelligences et favoriser « la curiosité sans laquelle », selon le Maître de Martigues, « aucun savoir n'existerait »...
En tout cas, la liste des « proscrits de la République », selon M. Valls et Mme Vallaud-Belkacem, s'allonge de semaine en semaine, au-delà de la seule affaire de la réforme du collège : Eric Zemmour, Michel Houellebecq, Michel Onfray, Alain de Benoist, Emmanuel Todd, etc. Va-t-on y rajouter demain Sylviane Agacinski, coupable de critiquer la GPA et d'argumenter sa position sans beaucoup d'aménité pour le « politiquement correct », et qui signe une pétition contre cette marchandisation des utérus dans Libération cette semaine (circonstance aggravante : Onfray l'a aussi signée...), ou bien Philippe Val, ancien directeur de Charlie-Hebdo et désormais pourfendeur d'une certaine Gauche de l'inculture avec des mots qui doivent effrayer Fleur Pellerin, ministre de la Culture « qui n'a pas lu un roman depuis deux ans » selon son propre aveu ?
J'ai, sur mon bureau, « Que faire ? », non pas l'ouvrage de Lénine (déjà lu, et toujours dans ma bibliothèque, à portée de la main), mais le livre du débat entre Marcel Gauchet et Alain Badiou, entre le défenseur (un peu désabusé) de la démocratie libérale et le penseur (jamais fatigué) d'une gauche radicale « néo-maoïste » : c'est un régal d'intelligence et un débat d'une grande volée, et les idées se confrontent, s'affrontent et, parfois, se mêlent ! Je ne suis ni maoïste ni libéral, et, pourtant, je fais mon miel de cet échange intellectuel, sans renier mes idées ni me rallier à l'un ou l'autre des camps. Ce débat est à l'honneur des débatteurs et de la pensée elle-même : il est aussi l'antidote à l'intolérance de la République vallsienne et à cette « défaite de l'intelligence » que représente l'esprit de la réforme de Mme Vallaud-Belkacem.
Tant qu'il y aura des hommes libres, ils penseront et discuteront, sans attendre l'autorisation de qui que ce soit, et c'est une bonne chose... Et tant pis pour la République, ses valeurs et ses séides !
22:25 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : intellectuels, intelligence, débats, idées, intolérance, république.