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02/11/2016

Démographie et politique en France.

La démographie est aussi politique, et l'histoire même de notre pays le démontre à l'envi : je m'en suis rendu compte il y a quelques années déjà lorsque je travaillais un cours de Seconde qui évoquait la transition démographique en Europe. En effet, le cas français est, comme souvent, plutôt original et l'explication en est éminemment politique...

 

La France est effectivement le premier pays à entamer sa transition démographique sur le continent européen : comme d'autres, pourtant, elle a connu le radoucissement climatique après les sinistres premières années du XVIIIe siècle qui étaient aussi les dernières du règne de Louis XIV, ce roi-soleil d'un royaume qui en manqua parfois... Elle a aussi connu les progrès médicaux, l'amélioration des techniques agricoles, etc. Mais il y avait plus encore : la France était une Monarchie absolue, et son administration passait pour l'une des plus complexes en Europe, difficile équilibre entre autorité de l'Etat central et libertés des provinces et des corporations.

 

Entre 1700 et 1789, et malgré le creux démographique consécutif aux années 1708-1709, la population du royaume passa de 20 millions environ à presque 28 millions, soit une augmentation d'environ 40 % en trois générations, ce qui peut constituer, pour l'époque, une véritable explosion démographique. Ne parlait-on pas, à la veille de la Révolution, de « Chine de l'Europe » quand on évoquait la France ? Au même moment, le reste de l'Europe entame une transition que la France, déjà, aborde en sa deuxième phase.

 

Les raisons de cette précocité sont connues : d'abord, le territoire de la France n'est plus envahi de façon pérenne de 1636 à 1792, et c'est la Révolution qui va clore cette « parenthèse enchantée », parenthèse dont nous n'avons jamais plus, depuis le XVIIIe siècle, connu la même heureuse longueur... Ensuite, les voies de France sont plutôt sûres et, bien entretenues par l'impopulaire corvée royale, permettent une meilleure circulation des grains et des vivres quand la nécessité oblige à une plus grande célérité de celle-ci. Tout cela, qu'on le veuille ou non, est la conséquence de la nature de l'Etat royal français qui ne théorise pas forcément sa politique mais se doit d'être le protecteur de la population du royaume, celle-ci étant à la fois un élément important de sa puissance et de son prestige : « il n'est de richesse que d'hommes », reconnaît le légiste Jean Bodin, et l'on est bien loin du cynisme tout républicain et égalitaire du général Bonaparte devenu empereur Napoléon qui, au soir d'une bataille particulièrement sanglante, s'exclamait « Une nuit de Paris réparera cela ! »...

 

La Révolution française et l'Empire ne seront pas, effectivement, économes du sang des hommes, entre les massacres multiples sur des terres qui n'avaient pourtant plus connu la guerre depuis parfois la fin du XVe siècle et les guerres napoléoniennes qui demandaient encore et toujours plus de « matériau humain » : les morts brutales de l'époque dépassent largement le million d'âmes (certains évoquent le double), et accélèrent la deuxième phase de la transition démographique, au risque d'affaiblir le pays face aux puissances montantes de l'Europe, en particulier cette Allemagne qui n'est pas encore une mais le deviendra, en janvier 1871, sur le dos d'une France éreintée et démographiquement épuisée.

 

Il faudra attendre les premières mesures d'une politique familiale digne de ce nom, dès la fin des années trente (poursuivie par Vichy et les deux Républiques qui lui succéderont, avec des fortunes parfois diverses), pour que la France retrouve une santé démographique que la Révolution avait au mieux ébranlée, au pire durablement déstabilisée, ne serait-ce que par ses principes égalitaristes et individualistes, peu favorables au maintien d'une natalité équilibrée : les tristes événements des années quarante accéléreront, comme une réponse au malheur, le renouveau démographique qui suivra la guerre. « Mort, où est ta victoire ? », auraient pu triompher les mères de l'après-guerre !

 

La récente baisse de la fécondité française, qui semble s'être accélérée cette année, prouve que, si la politique n'explique pas tout en démographie (ce qui est d'ailleurs fort heureux !), elle est un facteur non négligeable et sans doute déterminant dans ses évolutions : la remise en cause de certains principes anciens de la politique familiale française par les deux derniers quinquennats (M. Fillon ayant amorcé, timidement mais sûrement, un travail de sape que les gouvernements suivants ont malheureusement poursuivi et amplifié, par démagogie et radinerie) a eu des effets désastreux alors même que la France se signalait jusque là, depuis les années 2000, par une bonne santé démographique qui pouvait alléger d'autant la charge des retraites et des frais de la fin de vie...

 

Ainsi, les bonnes intuitions de la République du XXe siècle (car elle en eût quelques unes, malgré tout), ou les leçons tirées des siècles passés et de l'étude sérieuse des mécanismes démographiques, n'ont pas résisté à cette inconstance qui, essentiellement, définit la République des quinquennats. On peut le regretter, mais ce n'est pas, disons-le, suffisant !

 

Inscrire une politique familiale dans la longue durée impose, désormais et aujourd'hui peut-être plus encore qu'hier, un Etat qui, lui-même, s'enracine dans le temps long, non d'une seule, mais de dix, de vingt générations... Un Etat qui, lui-même, s'inspire de la nature familiale, de cette suite que l'on nomme lignée ou dynastie : il n'en est qu'un, qui a marqué notre histoire et notre territoire sur tant de siècles, et il est royal...

 

 

 

04/10/2016

Le martyre des retraités grecs continue.

Quand va enfin se terminer la descente aux enfers de la population grecque ? Les images de la répression des dernières manifestations des retraités à Athènes peuvent choquer, au regard de l’âge des matraqués, et, malgré le fait que le premier ministre soit issu de cette gauche radicale qui a tant promis avant de tout céder, c’est bien la logique libérale de l’Union européenne qui s’applique, sans mesure ni beaucoup d’humanité, et pour le plus grand bonheur des créanciers du pays, dont tous n’ont pas les mains blanches. Il y a de quoi se révolter devant cette absurde situation et devant cette impuissance politique du gouvernement grec à faire admettre par les autorités et institutions européennes qu’il faut en finir avec cette punition collective des Grecs, coupables d’avoir jadis fraudé grâce aux bons conseils de banques états-uniennes qui ont infiltré jusqu’au sommet de l’Union elle-même, comme le révèlent désormais quelques affaires et quelques médias ces semaines dernières…

 

A lire les informations venues de la patrie d’Athéna, se dégage l’impression désagréable que ce sont les retraités qui « payent la crise », eux qui ont jadis travaillé pour assurer le développement économique du pays et qui, aujourd’hui, se retrouvent piégés par un système qui les dévalorise, autant humainement que financièrement. « A partir de mardi, ils seront 25.000 de plus –avocats, marins, techniciens de médias…- à voir amputées leurs pensions de 25 à 40 %. Au total, les coupes de 25 à 55 % touchent l’ensemble des 6 (sic ! plutôt 2,6, à mon avis) millions de retraités grecs, sur 11 millions d’habitants. Aujourd’hui, six retraités sur dix vivent avec moins de 700 euros par mois. », rapporte Le Figaro en ses pages « économie », ce mardi 4 octobre.

 

Bien sûr, les Grecs ont longtemps bénéficié d’avantages comme un départ plutôt précoce à la retraite et des pensions jadis plus importantes que la moyenne des autres pays européens. Est-ce une raison pour, désormais, les condamner à la pauvreté et à la précarité ? L’un des arguments mis en avant par les promoteurs de l’Union européenne et de la zone euro, au début des années 2000, était la prospérité que permettraient « ad vitam aeternam » la création et la circulation de la monnaie unique : il est d’ailleurs intéressant et fort instructif de relire les manuels de géographie des années 1990-2000 à ce sujet (mais aussi les brochures fournies aux établissements scolaires de la même époque) pour mesurer combien les promesses d’alors n’ont pas été confirmées par les faits…

 

Les Grecs y ont cru, eux aussi : le réveil fut d’autant plus douloureux, et chaque année qui passe amène quelques désillusions supplémentaires, et surtout de nouveaux sacrifices, de nouvelles souffrances pour ceux qui restent dans la nation hellène, tandis que la plupart des jeunes diplômés ont déserté pour se réfugier à Londres ou au-delà de l’Atlantique, privant ainsi (suprême disgrâce !) la Grèce d’une grande part de sa matière grise et de sa jeunesse.

 

Où est la solidarité européenne tant vantée par les discours des héritiers autoproclamés des Monnet, Schuman, Adenauer ? Où est la prospérité promise ? Où est la simple humanité ? Ainsi, ces valeurs, que l’on veut nous faire croire européennes faute de les signifier autrement, semblent bien absentes des politiques de l’Union européenne et de sa Commission, mais aussi de son Conseil, dominé par la seule Allemagne de Mme Merkel et de M. Schäuble, son intraitable ministre des Finances à la rigueur toute protestante ou, plutôt, franklinienne… Mais, quand l’Argent domine tout, que pèsent les hommes et leurs malheurs ? Peu de choses, semblent-ils, et c’est fort regrettable !

 

 

21/10/2015

La question des retraites.

La question des retraites, lancinante, revient depuis quelques jours sur le devant d'une scène sociale déjà bien encombrée... La décision prise par plusieurs partenaires sociaux de reculer l'âge de la retraite à 63 ans pour les salariés du privé, pour pouvoir toucher, en fait, leur retraite complémentaire à taux plein pour ceux qui auraient accompli leurs annuités nécessaires, n'est pas anodine et ouvre des perspectives nouvelles sur cette question particulière sans, pour autant, résoudre le problème du financement, plus général, des retraites elles-mêmes.

 

D'abord, rappelons que cette question dépend aussi du taux de chômage de notre pays : moins il y aura de personnes sans emploi, plus les retraites seront assurées et financées. Là encore, c'est bien la lutte contre le non-emploi ou le mal-emploi qui doit être privilégiée pour relancer l'économie sans, pour autant, tomber dans les pièges de la croissance. D'ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler aussi que, si l'on en croit le syndicat CFDT, « 60 % des salariés ne sont déjà plus en emploi quand ils liquident leur retraite : femmes au foyer, chômeurs, invalides... Ceux-là n'ont pas vraiment le choix de rester au travail un ou deux ans de plus ». Dans l'industrie, la proportion est, me semble-t-il, plus importante encore, conséquence d'une désindustrialisation accélérée ces dernières décennies pour cause de mondialisation, mais aussi du fait des maladies squeletto-musculaires ou des infirmités liées au travail à l'usine ou dans le bâtiment.

 

Il est évidemment plus simple de constater que de proposer, et beaucoup m'expliquent que, en tant que royaliste, je ne peux guère appliquer de solutions, n'étant ni au pouvoir ni en situation de l'être dès les années prochaines, ce que je reconnais sans m'y résigner... A quoi je tiens à rétorquer qu'il me reste, en attendant mieux, le droit (et même le devoir) d'avancer des pistes de réflexion que, peut-être, d'autres utiliseront sans que je n'en éprouve aucune jalousie.

 

Pour ce qui est des retraites elles-mêmes, il me semble possible d'user de plus de souplesse dans leur gestion, en particulier en tenant compte des souhaits de chacun et des possibilités réelles, locales ou professionnelles : j'ai toujours clamé mon opposition à « la retraite à 67 ans », c'est-à-dire à l'imposition d'un âge légal qui serait le même pour tous les métiers et tous les salariés ou travailleurs, quelles que soient les conditions de travail et de vie, les lieux et les milieux. Pourtant, depuis 2011, c'est la « suggestion », plutôt appuyée, de l'Allemagne faite à la Commission européenne qui s'est empressée de la reprendre, au moins dans ses prospectives, et qui, depuis quatre ans, devient légale dans de nombreux pays de l'Union européenne, le dernier gouvernement à avoir fait voter cette mesure étant celui de la Gauche radicale (ou supposée telle) de M. Tsipras, en Grèce... Mais, cela ne signifie pas que je veuille empêcher qui que ce soit de travailler jusqu'à et au-delà de l'âge de 67 ans : ce qui est une possibilité et une liberté individuelle ne doit pas devenir une obligation pour tous !

 

Plutôt que d'imposer un âge légal de départ à la retraite, mieux vaudrait instaurer un système à points plus complet que celui d'aujourd'hui, et qui tienne compte des professions, de leurs particularités et difficultés, voire dangerosités, et qui laisse une plus grande liberté dans le choix de l'âge de départ, avec des pensions adaptées à ces différents cas de figure, plus personnalisés, particulièrement dans une époque où les périodes de chômage, les changements de profession ou les temps de travail peuvent être très différents d'une personne à l'autre. Cela pourrait fonctionner comme un système d'épargne-retraite, et le salarié pourrait ainsi y verser, par un système de cotisations variables (mais avec un plancher obligatoire, bien sûr), les sommes-points qu'ils souhaiteraient.

 

Dans ce cas de figure, le rôle de l’État se limiterait à contrôler et à garantir le système mais non à en avoir la gestion et la direction qui seraient laissées aux associations professionnelles, aux organisations de représentation des salariés et « indépendants » mais aussi aux pouvoirs publics locaux, dans un cadre qui resterait national mais fortement décentralisé (voire fédéral ?), et qui pourrait ainsi admettre plusieurs « variantes » selon les régions.

 

Cette restructuration (« corporative et fédéraliste », diraient certains) du système des retraites pourrait s'inscrire dans une politique plus vaste de l'aménagement du territoire, celles-ci devant tenir compte des conditions locales d'emploi et d'employabilité.

 

Je ne suis pas, en ce domaine comme en d'autres, un dogmatique, et j'essaye juste, en quelques lignes trop rapides, de tracer une voie possible pour surmonter un problème qui se pose à notre société, et qui se posera d'autant plus que celle-ci, par la faute d'un système politique incapable de relever les défis du temps, se fragilise de plus en plus, au risque permanent de l'explosion et de l'effondrement... Que mes lignes soient incomplètes, insuffisantes ou maladroites, j'en suis bien conscient, et elles n'ont pas d'autres ambitions que de poser quelques questions et quelques jalons dans le cadre d'une réflexion qui, au-delà de l'économique, se doit d'être aussi sociale et politique.