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23/11/2015

L'état d'urgence, pour oublier les problèmes...

 

Notre société de communication a tendance à ne pas toujours savoir hiérarchiser les informations, au risque de « distraire » des véritables sujets et débats importants : ainsi, la vague récente d’attentats, désormais bien instrumentalisée par le gouvernement et par le président lui-même à leur profit politique et électoral, a failli nous faire oublier que, durant l’état d’urgence, les problèmes persistent et, même, peuvent trouver dans l’actualité des raisons de prospérer, tandis que les grands dossiers, eux, subsistent malgré l’indifférence à leur égard en ces heures particulières…

 

Ainsi, du chômage : même s’il reste, a priori, le premier souci de nos concitoyens, il semble désormais passer au second plan des préoccupations de nos gouvernants et des partis, comme s’il s’inscrivait un peu plus dans une « normalité » qui rassurerait presque en ces heures agitées. Vous croyez que j’exagère ? Alors, lisez la presse écrite, réécoutez les bulletins d’informations de ces dernières semaines, et vous pourrez aisément constater par vous-mêmes cette étrangeté ! Pourtant, la lutte contre le chômage est sans doute un des moyens de donner une moindre prise aux discours des islamistes qui se nourrissent aussi, mais pas seulement, du ressentiment social des déclassés et des populations délaissées. Un emploi ne préserve pas de la tentation totalitaire, mais il peut l’éloigner, par la simple satisfaction de l’utilité sociale personnelle.

 

Autre victime collatérale des attentats et de l’état d’urgence, la question régionale qui, pourtant, aurait dû être au centre des débats électoraux de l’automne, autour des élections qui se dérouleront dans quelques semaines en France. La réforme bâclée de la carte des régions et de leurs attributions, ces dernières années, aurait mérité une vaste contestation et l’ouverture d’un « front » des régionalistes (au sens large du terme, et non seulement des partisans du régionalisme) sur les questions linguistiques, celles des pouvoirs régionaux et de leurs compétences, celles aussi des responsabilités de l’Etat et de son idéologie dominante dans la mauvaise gestion de l’aménagement du territoire et des terroirs. Mais rien de tout cela ne sera évoqué et seul le score du Front National semble intéresser et « inquiéter » avec gourmandise les médias, quand la revendication du rattachement de Nantes à la Bretagne, par exemple, n’arrive plus à traverser le rideau de brouillard des journaux locaux et nationaux…

 

Est-il nécessaire d’ajouter à cette liste la question environnementale et climatique qui, en prévision de la COP 21, devait être l’occasion de forums, de marches et de manifestations, parfois contestataires, et dont les nombreux débats se résument aujourd’hui à l’évocation de grands principes sans beaucoup de risques d’application concrète ? L’interdiction de toute activité de rue et, donc, de toute manifestation sur la voie publique jusqu’au 30 novembre (avant une nouvelle prolongation ?), évite au gouvernement de la République la crainte d’une remise en cause de son hypocrisie sur ce sujet pourtant majeur pour les décennies et les générations qui viennent.

 

Je ne dirai pas que les attentats ont servi la République dans ses organes institutionnels et je ne méconnais pas la réelle émotion du Chef de l’Etat devant la tragédie du vendredi noir, ni ne la remets en cause. Néanmoins, je ne suis pas loin de penser que l’état d’urgence proclamé au soir du drame est désormais vu par certains, y compris au gouvernement, comme « une divine surprise » qui permet de limiter, sinon l’esprit critique, du moins l’affirmation trop visible ou bruyante de celui-ci…

 

Que l’on ne se méprenne pas : je suis partisan de ne rien céder au terrorisme du moment, et je comprends bien la prudence nécessaire de l’Etat et, au-delà, de la nation toute entière face aux risques de nouvelles poussées de violence djihadiste. Mais je ne pense pas que l’état d’urgence soit la seule réponse et la mieux adaptée à la situation actuelle : c’est chaque jour que notre société doit répondre aux défis lancés par la terreur totalitaire, non par le coup de menton, mais par la valorisation de ce qu’est, historiquement et sentimentalement, la France et de ce qui fait son unité profonde, à travers ses racines diverses et ses fleurs originales. Au-delà, il faudra bien, aussi, poser la question de la meilleure réponse institutionnelle politique à cette diplomatie de la terreur de l’Etat Islamique et de ses épigones, et mesurer combien un Etat digne de ce nom, symbole de l’âme de la France et de l’unité de ses communautés comme de ses citoyens, pourrait être le meilleur moyen d’affronter les tempêtes, contemporaines comme futures, qui s’abattent ou qui s’annoncent sur notre terre, sur ce « royaume de France » qu’évoquait Charles Péguy à la veille de 1914, et qui attend, encore et toujours, son Prince français…

 

        

16/11/2015

Ce lundi d'après...

Le deuil n’est pas fini, et il en est pour qui il ne finira pas, touchés dans leur chair ou dans leur cœur. Mais, déjà, la vie reprend ses droits, comme une manière de dire aux djihadistes « Vous ne nous aurez pas ! », et de proclamer, crânement, « Mort, où est ta victoire ? ». Pour autant, la mémoire vive de notre nation s’est exprimée ce midi, dans la dignité et le recueillement, en cette minute d’un silence qui n’est pas celui de la peur mais, au contraire, celui de la gravité et de la ferveur.

 

Ainsi, devant la chapelle du lycée Hoche, un millier d’élèves, de professeurs, de membres de l’administration et des personnels techniques, ont écouté les brefs discours d’hommage et d’espérance de M. le Proviseur et d’une jeune fille de Terminale : étrangement, ils faisaient écho, moins d’une semaine après, à ceux de la commémoration de l’Armistice, en ces mêmes lieux. Il y était question de patrie, de valeurs de notre pays, de refus de la haine toujours mauvaise conseillère, d’ouverture de cœur et d’accueil, de cette grande famille qu’est la France. Des mots simples, des mots forts, des mots de résistance aux vents mauvais qui balaient le monde et ont dévasté des terrasses de café, une salle de spectacle ou les abords d’un stade de balle-au-pied… « Jeunesse, lève-toi », a clamé cette élève avec l’élan généreux et vigoureux de son âge bienheureux.

 

Oui, les jeunes générations, dont tant de visages se sont ensanglantés et parfois éteints en ce vendredi noir, n’ont pas envie de se laisser faire : la secousse terrible de l’autre soir a détruit des vies et pas mal d’illusions, mais a aussi réveillé des ardeurs nouvelles, dont il serait coupable pour les générations plus anciennes de ne pas tenir compte ou de sourire avec commisération. Georges Bernanos, ce royaliste intraitable, affirmait que « quand la jeunesse se refroidit, le monde claque des dents » : il semble bien que les derniers événements, après l’avoir glacée d’effroi, l’aient réchauffée, vivement…

 

 

14/11/2015

Vendredi noir.

C’était un vendredi soir d’automne comme on les aime : il faisait doux, et les terrasses étaient pleines, à Paris comme à Versailles ou ailleurs. Certains s’étaient regroupés autour des écrans de télévision qui retransmettaient la rencontre de balle-au-pied entre l’équipe de France et celle d’Allemagne tandis que 60.000 personnes remplissaient l’enceinte du Stade de France ; d’autres étaient au cinéma, d’autres encore dans une salle de concert, dont plus d’un millier de jeunes et de moins jeunes au Bataclan. C’était un vendredi 13, et c’était la « journée de la gentillesse »…

 

En quelques minutes, cette belle soirée a basculé, et ce jour-là restera désormais comme un « vendredi noir », comme un « 13 sanglant » : la terreur a frappé Paris, et les corps déchiquetés par les balles des djihadistes nous rappellent que, désormais, la France est une cible et qu’elle est engagée, qu’on le veuille, le regrette ou non, dans une guerre qui, à défaut d’être mondiale, est mondialisée, frappant indistinctement militaires et civils, et plus encore ces derniers car, dans nos sociétés de communication, le sang des civils effraye plus sûrement que celui des soldats. Les terroristes connaissent bien le fonctionnement de nos sociétés car, souvent, ils y sont nés et en connaissent tous les rites, toutes les fragilités, toutes les peurs…

 

Carlos, ce terroriste désormais emprisonné dans les geôles françaises, avait froidement déclaré : « il n’y a pas de victimes innocentes », formule qui glace le sang mais qui résume bien l’état d’esprit des actuels djihadistes. Pour eux, frapper au hasard, c’est « viser juste », au cœur de nos sentiments, de nos amitiés, de notre nation… C’est toucher la France en son âme, à travers ses jeunes visages déchirés par la mort brutale donnée par des tueurs fanatisés par le nihilisme islamiste. Les corps allongés sur le trottoir, les draps blancs qui tiennent lieu de linceul, les flaques de sang qui s’étendent jusqu’aux rigoles : c’est la France souffrante, celle qui pleure ses enfants morts sur son sol, sur ses champs de macadam qui sont les nouveaux champs d’horreur, un siècle après la Grande boucherie que l’on espérait, au soir de l’armistice de 1918, la « der des ders »…

 

Nous entrons dans le temps du deuil et du recueillement, et nous n’y manquerons pas. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir, quand il faut et faudrait que l’Etat, dans son rôle régalien, agisse et réagisse. Réfléchir aux causes de ce désordre et de ce désastre, et ne pas hésiter à remonter aux sources et à ceux qui, par leur aveuglement ou leur (fausse ?) candeur, ont permis, sans doute bien malgré eux, que ce pire-là arrive : néanmoins, l’heure n’est pas à les accabler, mais plutôt à les conseiller.

 

Devant les cercueils alignés dans notre conscience nationale ; devant les larmes qui, désormais, sont celles de tous les hommes et femmes de bonne volonté et de grande humanité, et de tous ceux pour qui le mot France est cette forte réalité d’unité ou cette belle inconnue dont ils ne connaissent parfois que la silhouette ; devant les questions inquiètes que nous posent nos enfants, nous avons le devoir de ne pas flancher, de ne pas nous abandonner à de vaines colères ou à des vengeances désordonnées (et parfois injustes), de ne pas donner raison à ceux pour qui le chaos est le moyen d’établir ou de renforcer leur règne infernal, mais aussi de ne pas tout accepter d’un Pouvoir aux abois prêt à tout pour se survivre à lui-même ; nous devons relever la tête et, séchant nos larmes, retrouver ce sourire calme et digne qui est aussi celui de l’ange de la cathédrale de Reims, et qui est la meilleure réponse à la grimace des Maudits.

 

Devant cette guerre qui est déjà là et qui est aussi la conséquence tragique des inconséquences des dernières décennies, il nous faudra, malgré tout et sans oublier nos devoirs d’union sacrée, poser « l’immense question de l’Ordre » : en ce sens-là, notre action est aussi politique, éminemment française et capétienne…