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19/01/2015

La France blessée...

 

Il est des jours qui marquent l'histoire, dit-on : il est certain que ceux de ce début d'année 2015 n'ont pas fini, en tout cas, de faire parler d'eux... J'ai vécu ces événements, comme beaucoup d'autres, au fil des radios et des télévisions, mais aussi à la lecture d'une presse écrite qui a suivi la folle cavalcade d'une actualité d'un coup accélérée : il est désormais possible, même s'il nous manque encore un peu de recul, d'en dresser un premier bilan, au-delà de l'émotion et des facilités d'expression ou de position.

 

La surprise, forcément mauvaise, de l'événement déclencheur, tient sans doute plus dans la manière et dans la cible elle-même que dans la survenue d'un attentat à Paris, événement craint et attendu depuis de longs mois par les autorités comme par les journalistes. Le temps des fêtes, toujours délicat en termes de sécurité, était passé et peut-être l'exécutif, comme tant d'autres (y compris les dessinateurs de Charlie Hebdo, si l'on en croit les dessins publiés le jour même de l'attaque), commençait-il à respirer. Jacques Bainville nous a pourtant prévenu dans un de ses aphorismes redoutables de clarté et de simplicité qu'il s'agit, pour le politique autant que pour l'historien, de « prévoir l'imprévu, attendre l'inattendu » : nous y voilà, pouvait-on tristement murmurer à l'angélus du mercredi 7 janvier...

 

L'attaque n'a pas touché que Charlie Hebdo même si elle semblait explicitement le viser : c'est la France elle-même qui a été blessée. D'abord à travers les victimes : journalistes satiriques, anticléricaux notoires mais aussi analystes dissidents de l'économie (Bernard Maris, qui prônait la fin de la monnaie unique européenne, par exemple) et, surtout, dessinateurs dans un monde qui a pris l'habitude de l'image animée quand, eux, fixent en quelques traits une idée ou une moquerie ; policiers porteurs d'un uniforme et qui, s'ils sont de confession musulmane, apparaissent comme de nouveaux « harkis » pour les islamistes contemporains et sont immédiatement traités comme tels, nous rappelant aussi, comme en écho, le sort tragique réservé à ces soldats fidèles à la France quand Wolinski et Cabu choisissaient de soutenir « l'autre camp » au début des années 1960 (pacifiquement néanmoins, contrairement aux terroristes pro-FLN)... ; personnes « anonymes » et juives, simples Français ou francophones de culture et de religion hébraïque, abattues pour ce qu'elles sont nées et non pour un choix idéologique qu'elles auraient fait... Des « morceaux de France », des éléments de cette mosaïque formée au fil des règnes capétiens, des épisodes républicains et impériaux, au gré d'une histoire complexe et parfois conflictuelle, dans la paix comme dans la douleur de nos crises de croissance... Oui, c'est bien la France qui a été blessée, à travers certains qui, même, comme des enfants gâtés et ingrats, la moquaient ou la brocardaient de quelques traits de plume parfois bien indélicats.

 

Ironie de l'histoire, ici cruelle : la mort des antimilitaristes irrespectueux, de ces pourfendeurs de patrie, a jeté dans les rues et sur les places de France des foules immenses, diverses et bigarrées, jeunes et moins jeunes, sincères ou opportunistes, réunies sous le drapeau tricolore et autour d'une France que l'on nomme (à tort) « République » mais que l'on rêve, parfois poétiquement en attendant que cela soit politiquement, comme une « Liberté couronnée », selon le beau mot entendu dans l'une de mes classes ces jours-ci... Après tout, le fort nom de France ne veut-il pas dire, si l'on en croit son étymologie germanique héritée des peuples francs de Mérovée et Clovis, « Liberté », en signifiant « la terre des hommes libres » ? Avait-on besoin de la graver sur la pierre des frontons municipaux ou de sur le marbre des palais préfectoraux, comme pour la figer, quand, depuis les origines, elle est ce qui fait battre le cœur même de notre pays et de ses fidèles serviteurs ?

 

Cette réaction, presque viscérale au soir des jours terribles, a aussi rappelé à nombre de nos concitoyens qu'il n'y a pas de libertés individuelles, d'expression ou d'opinion, sans celle, première et fondatrice, de la nation française : ce n'est rien d'autre, en somme, que la leçon majeure de Maurras que redécouvrent, un peu effarés et encore tremblants de ce mystère, les politiques comme les citoyens de ce pays, au-delà de leurs particularités et particularismes... C'est cette première leçon qui, d'ailleurs, a mené ce même Maurras, et à sa suite de nombreux Français (dont je suis, et dont je fus, en un été désormais fort lointain...), vers la question de l’État et vers le moyen institutionnel du « mieux-faisant » politique, en somme, vers la solution monarchique...

 

 

 

26/03/2012

Défendre l'unité française.

C'était ce dimanche le traditionnel hommage au roi Henri IV organisé depuis déjà quelques années par le Groupe d'Action Royaliste sur le Pont-Neuf, devant la statue du Béarnais. Mais le contexte était, cette année, doublement particulier, du fait de l'élection présidentielle et des événements de Toulouse, et les discours s'en sont aussi fait l'écho, y compris le mien...

 

« Le peuple français est un composé », ai-je rappelé à la suite de Jacques Bainville qui ouvre sa célèbre « Histoire de France » par cette réflexion qui mérite, non pas une actualisation, mais une simple explication adaptée à notre temps. Le meilleur exemple de la véracité de cette formule bainvillienne est sans doute la diversité des cibles frappées par le tueur qui, en définitive, donne un bon aperçu, non dans les proportions mais dans les particularités, de la pluralité française : des militaires, un professeur, des élèves, des adultes et des enfants, des juifs, des musulmans, un catholique... Tous, ils sont la France, d'une manière ou d'une autre.

 

Le caractère exceptionnel de la tuerie, sa sauvagerie et la détermination froide de l'assassin ainsi que sa mort spectaculaire, ont choqué le pays tout entier, étonné de voir surgir de son propre sol un pareil « monstre » : un tel rejet par ce dernier de la France doit nous faire réagir, non par la haine (qui signerait, en fait, la victoire du terroriste), mais par le renforcement de l'unité française, renforcement qui passe par une approche volontariste du « vivre ensemble » et par l'incarnation de l'Etat et de la nation en une famille « mère ». Sans doute l'enseignement a-t-il un rôle à jouer dans la visibilité et la réalisation toujours renouvelée, au fil des générations successives, de cette unité. Mais il faudrait aussi en finir avec cette sorte de masochisme national qui, parfois, semble vérifier le titre d'un livre de Maurras, « Quand les Français ne s'aimaient pas »...

 

Quant à l'union nationale voulue par le Chef de l'Etat pouvait-elle longtemps survivre aux enjeux (et aux jeux) de l'élection présidentielle ? Cela était peu probable, même si les principaux candidats, le temps d'une cérémonie, ont mimé cette union avec une certaine sincérité, avant que de reprendre, une fois les cercueils éloignés, leurs stratégies respectives.

 

Le roi Henri IV n'était pas un roi neutre et, avant même d'être roi reconnu par tous (y compris d'une certaine manière par son assassin, pourrait-on dire...), il avait dû reconquérir le pays aux mains des factions et leur imposer « sa » paix avant que de refaire l'unité autour du Trône, en incarnant véritablement celle-ci, par une politique de pardon et d'oubli des offenses qui avaient été faites à sa personne et à la fonction qu’il assumait… Cette politique n’est guère possible dans une République qui « se joue aux élections » et dans laquelle l’unité n’existe que de façon temporaire et exceptionnelle, malheureusement souvent à l’occasion de catastrophes comme celles de Toulouse et Montauban.

 

L’intérêt d’une Monarchie qui n’a pas d’élections à faire et à gagner, c’est d’être, par essence, le symbole fort d’une unité au-delà des partis qui s’affrontent pour gouverner tandis que le souverain règne et arbitre à l’intérieur, et représente la France à l’étranger.

 

Mieux vaudrait de vrais débats politiques de fond lors d’élections législatives que ce spectacle, certes commandé par la Société « distractionnaire » (selon le mot de Muray) mais si paralysant pour l’action de l’Etat durant de longs mois. Si l’on veut l’unité plutôt que la division à la tête de l’Etat, il y faut un monarque royal ! Ce n’est pas une simple opinion, c’est plutôt un constat et un souhait…

 

11/09/2008

Un certain 11 septembre.

C’était un beau mardi de septembre. J’étais rentré au milieu de l’après-midi à Autouillet et je m’étais reposé dans le jardin, un bon livre entre les mains, sans me soucier du monde tel qu’il allait, et récupérant de ma journée de cours aux Mureaux… Comme tous les soirs, à l’approche de 19 heures, j’ai allumé la radio, France-inter, pour suivre, comme d’habitude, les infos du soir et « le téléphone sonne », émission que j’affectionnais alors particulièrement et souvent très instructive.

Tiens, comme c’est étrange, ai-je pensé alors : pourquoi, alors qu’il n’est pas 19 heures, l’animateur de l’émission est-il déjà à l’antenne ? Apparemment une émission spéciale sur la Palestine : sans doute encore un attentat ou un drame dans cette partie du monde si compliquée et conflictuelle… Mais il est question d’avions, de détournements et d’un espace aérien états-unien totalement fermé : je n’y comprends rien, les journalistes sont embrouillés, troublés. Ah si, il s’agit d’une vague d’attentats aux Etats-Unis qui vient de se dérouler quelques heures auparavant et qui n’est peut-être pas terminée.

Surpris et un peu incrédule, j’appelle Hermine et ressors d’un placard un petit téléviseur : les premières images me sont incompréhensibles, sans doute parce que ces tours ne me disent rien. Et puis, il y a, lentement, cet avion que j’aperçois derrière elles, il semble tourner doucement, souplement, glissant sur l’aile : et, tout d’un coup, une boule de feu contre une tour…

Je reste devant le téléviseur durant une bonne heure, au point de manger avec Hermine face à l’écran (chose fort inhabituelle) et, peu à peu, je saisis le déroulement de cette journée terrible du 11 septembre 2001…

C’était il y a sept ans, l’entrée dans le XXIe siècle, le retour d’une Histoire qui, en fait et contrairement à ce que pensait Francis Fukuyama, ne s’est jamais finie et ne peut finir, de par l’essence même des hommes et des sociétés. C’était aussi la victoire terrifiante de la société du spectacle, avec cet étonnant sens de la mise en scène : le premier avion contre une tour du World Trade Center, véritable « produit d’appel » qui oriente en quelques minutes toutes les caméras et, donc, tous les regards vers les tours, alors que bientôt le deuxième avion arrive et heurte de façon spectaculaire et inattendue la tour encore indemne. Le but du terrorisme est d’impressionner, et le plus grand impact de son action est celui qu’il a sur l’Opinion publique. Dans notre société, qui valorise étrangement la formule de saint Thomas de ne croire que ce qu’il voit, le 11 septembre est un coup, terrible, de maître. Il serait bon de se poser la question de savoir si, en définitive, la principale faiblesse de nos sociétés n’est pas cette transparence qu’elles revendiquent, au nom de l’information et du « droit de savoir », et qui empêche de discerner distinctement en même temps les vrais problèmes et leurs sources, moins visibles parce que moins « spectaculaires » : en somme, le spectaculaire est la « distraction » qui détourne les regards et, surtout, la pensée des spectateurs

Pendant ce temps, n’est-ce pas une certaine forme de cryptocratie, forcément discrète (c’est son principe premier), qui peut (sans conspirer) organiser le jeu, ou au moins une partie importante de celui-ci, ou, plus exactement, tirer parti de ce qui survient, parfois pour le pire ? Je me méfie des mythes conspirationnistes (en particulier sur le 11 septembre qui permet toutes les supputations et tous les délires…) et je ne crois pas que les complots mènent le monde, mais je ne méconnais pas que les grandes entreprises financières trouvent leur compte dans une société du spectacle qui, tout compte fait, leur assure a contrario une certaine discrétion.

Là encore, un véritable retour du politique est nécessaire pour faire pièce aux nouvelles féodalités, visibles ou pas, quelles que soient leurs formes, et, tout en sachant « raison garder », répondre aux terrorismes en asséchant certaines de leurs sources…