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19/10/2008

Pour la pêche artisanale.

Dans le quotidien « Le Monde » daté de dimanche 19 – 20 octobre 2008, un tableau tiré de la revue « Conservation Biology » et un petit article explicatif démontrent tout l’intérêt de la pêche artisanale à l’heure où la surpêche industrielle menace l’équilibre écologique marin et la pérennité même des ressources halieutiques. Ce papier du « Monde » fait partie de ces documents que je mets précieusement de côté et que je ressors régulièrement car il me semble important de les valoriser au regard des enjeux environnementaux comme économiques et sociaux, les uns n’étant pas séparables des autres.

Cette étude « démontre que les pêcheries de petite taille (navires de moins de 15 m) capturent autant de poissons pour la consommation humaine que les pêcheries industrielles. Utilisant des techniques plus sélectives, elles évitent le recyclage d’une partie des prises en dérivés alimentaires, suppriment le rejet à la mer d’espèces non consommables et nécessitent huit fois moins de carburant que la pêche industrielle. » Dans le tableau, on apprend ainsi que la pêche industrielle pêche et rejette à l’eau, souvent en mauvais état (blessés ou agonisants), entre 8 et 20 millions de tonnes de poissons, crustacés et autres espèces marines, soit entre 10 et 25 % du total des poissons pêchés par ce mode (dévastateur, en somme) de pêche, alors que, dans le cadre de la pêche artisanale, les proportions de ce gâchis sont négligeables, de l’ordre de moins de 2 %...

« Selon les chercheurs de l’université de Colombie britannique (Canada), la pêche artisanale – « notre meilleur espoir pour une pêche durable » - est pourtant oubliée par les initiatives d’éco-étiquetage et désavantagée par les politiques de subvention des carburants : sur les 30 à 34 milliards de dollars (22 à 25 miliards d’euros) dépensés chaque année pour défendre ce secteur, un sixième seulement irait aux pêcheries de petite taille. Ce qui signifie, rapporté au nombre de pêcheurs et à la quantité de poissons consommables capturée par tonne de carburant, qu’un pêcheur industriel reçoit en moyenne 200 fois plus de subventions qu’un pêcheur traditionnel. » Ainsi, sur le plan écologique comme sur le plan purement économique, il est démontré que la « tradition » est préférable pour la préservation des richesses de la mer (et leur renouvellement) parce que les pêcheurs traditionnels, moins déconnectés des réalités et des équilibres biologiques, ne travaillant pas que pour un salaire mais aussi pour leur propre survie et subsistance, savent qu’il leur faut pratiquer une certaine modération qui, souvent, leur est d’ailleurs aussi imposée par la pauvreté de leurs moyens techniques (et dans ce cas, le terme « pauvreté » n’est pas toujours péjoratif) et l’impossibilité de dépasser ces limites.

Cette étude doit être l’occasion d’ouvrir le chantier, de plus en plus urgent, d’une véritable politique de la Mer, et la France, qui dispose de la 2ème surface maritime du monde (après les Etats-Unis), a le devoir de penser et de mettre en pratique cette politique, avant qu’il ne soit trop tard : au regard des dernières informations sur l’état alarmant des stocks de thon rouge en Méditerranée, « l’urgence c’est maintenant » et non dans dix ans…

17/08/2008

Nécessité écologique d'Etat.

Les massifs coralliens sont en train de mourir, au grand dam des naturalistes qui observent, impuissants, ce phénomène annonciateur d’un réchauffement climatique dont on ne mesure pas encore les conséquences, mais dont on commence à sentir les premiers effets. Dans le même temps, la banquise fond de plus en plus rapidement au pôle Nord, ouvrant de nouvelles perspectives économiques mais aussi géopolitiques, peut-être dangereuses, si l’on n’y prend garde, pour l’équilibre du monde : en effet, les nouvelles routes ouvertes par cette fonte rapide sont en train de faire de cet espace immense un enjeu géoéconomique et géopolitique de toute première importance, non seulement du fait des richesses qu’il recèle mais aussi des flux de communications qui feront du pôle un nouvel axe majeur de la mondialisation, au risque de l’environnement lui-même.

A quoi sont dus ces changements environnementaux ? Au-delà des variations climatiques naturelles et qui ont toujours existé, la faute en revient aussi aux rejets de CO2 de nos sociétés contemporaines, industrielles et consuméristes… Et cela, ce n’est pas contestable, comme on peut le constater en faisant des prélèvements dans les glaces arctiques : la teneur en CO2 de notre atmosphère est bien supérieure à celle des millénaires passés, et cela tend visiblement à s’aggraver, au risque de provoquer un réchauffement et une acidification des mers, fatales aux barrières de corail…

Doit-on se contenter de geindre sans chercher à réagir ? Certes non ! Et, même si cela peut paraître bien anodin au regard des enjeux et du nombre d’habitants actuels et à venir sur notre planète, il n’est pas impossible d’agir concrètement, individuellement comme collectivement, par le biais de l’Etat français, qui a mandat sur 62 millions de citoyens et dispose d’un espace territorial loin d’être négligeable, sur terre comme sur mer (la France a le deuxième espace maritime du monde, en grande partie grâce à son outre-mer). Encore faut-il avoir conscience des enjeux et des dangers des dérèglements climatiques, et avoir la volonté politique d’en relever les défis.

L’Etat doit, autant qu’il est possible, mettre en place quelques mesures simples et jouer un rôle d’exemplarité sur les autres nations industrialisées, en particulier de l’Union européenne dont la France est présentement présidente jusqu’au 31 décembre prochain.

Développement des énergies alternatives, en particulier dans l’immobilier (panneaux solaires, petit éolien domestique, etc.) ; incitation aux économies d’énergie et à la baisse des consommations industrielles, agricoles comme domestiques ; relocalisation d’une partie de nos industries destinées à alimenter le marché français (par exemple, dans le secteur automobile ou dans la production agricole) ; aménagement des territoires, etc. : la liste n’est pas limitative, bien sûr, mais elle doit être pragmatiquement complétée sans tomber dans une forme « punitive » de l’écologie quotidienne, qui aurait pour résultat de déresponsabiliser les populations et de les inciter à des « fraudes écologiques » néfastes : un effort d’imagination est ainsi nécessaire pour faire de ce qui est urgent et utile une habitude « désirée », et non une contrainte mal vécue. Il n’est pas dit que cela soit toujours ni facile ni même possible (des remises en cause douloureuses sont une étape qu’il sera parfois difficile d’ignorer…), mais il faut tendre, en pensant aux résultats environnementaux à atteindre, à cette écologie pratique et populaire pour ne pas hypothéquer l’avenir « que tout esprit bien né souhaite à sa patrie » selon l’heureuse formule de Maurras.

15/12/2007

Biodiversité.

J’étais lundi en Bretagne et j’en ai profité pour aller me promener sur la plage de mon enfance, à Lancieux, petit village des Côtes d’Armor situé sur la Côte d’émeraude, en plein milieu de la tempête. J’étais seul, et l’ambiance était tout à fait magique, comme à chaque coup de vent : la mer moutonnait et les roches semblaient mener un combat inégal avec l’écume blanche des vagues qui se brisaient sur elles en mille éclats cristallins. En montant sur les rochers, j’ai eu la chance de découvrir un petit groupe d’oiseaux d’ordinaire plus farouches et discrets, des « pétrels de tempête », qui semblaient se moquer de moi, drôle d’humain emmitouflé dans ma parka brune, déséquilibré par la violence du grand souffle venu de la mer… Ils m’ont laissé approcher comme pour me démontrer qu’ils savaient que, d’un coup d’ailes, ils seraient déjà loin quand, moi, je trébucherai encore sur les pierres ou glisserai sur les algues.

Nous sommes restés, eux et moi, à quelques mètres de distance durant près d’une dizaine de minutes, tandis que des cormorans venaient, l’un après l’autre, se joindre à notre petit groupe. Ils ont dû bien rigoler lorsqu’ils m’ont vu obligé de mettre les pieds dans l’eau pour regagner la plage : j’avais, dans mon dialogue muet avec les oiseaux, négligé la marée montante et je m’étais retrouvé encerclé sur « l’islet » par la mer.

Je suis reparti le cœur léger vers Dinard (correction de copies oblige…), et heureux que la nature, malgré les agressions permanentes de nos sociétés dévoreuses d’espaces et grandes prédatrices devant l’éternel, reste, malgré tout, riche et belle pour qui sait la regarder et la respecter. Une formule, apprise il y a plus de vingt-cinq ans dans un cercle d’études d’Action Française, me revient en mémoire : « on ne commande à la nature qu’en lui obéissant ». Nos sociétés, perdues dans un individualisme qui confine à l’égoïsme, semblent avoir oublié cette règle simple et, pourtant, vitale. Ainsi, un article publié mercredi 12 décembre par « Le Parisien » évoquait la dramatique réduction de la biodiversité et donnait la parole au sénateur socialiste Claude Saunier, co-auteur d’un rapport sur ce triste et dangereux processus : « Aujourd’hui, plus de 16.000 espèces, animales et végétales, sont menacées d’extinction. Le rythme de disparition des espèces a été dix à cent fois plus important que les rythmes naturels d’extinction au cours des deux cents dernières années. En 2050, il pourrait être de 100 à 1.000 fois supérieur au rythme naturel. (…) En trente ans, la Beauce a perdu plus de 30 % des composés organiques de son sol. Chaque jour en France, 165 hectares de milieux naturels sont détruits pour faire des constructions. 7 % des espèces marines ont disparu depuis 1950. 60 % des coraux sont affectés par l’activité humaine et 20 % ont disparu en trente ans. La déforestation des forêts tropicales humides se poursuit à un rythme de 13 millions d’hectares dont 6 millions d’hectares de forêts primaires alors que ce milieu héberge la moitié de la flore mondiale.

Est-ce si grave pour l’homme ?

Evidemment. Prenez l’exemple du poisson. Le monde puise 90 millions de tonnes de poissons par an alors que la ressource s’épuise. En atlantique Nord, 18 % des stocks sont déjà épuisés. Au rythme actuel, le thon rouge disparaîtra bientôt de la Méditerranée. Si on ne fait rien d’ici à 2050, on privera l’humanité de 20 % des protéines animales. C’est irresponsable.

Mais que nous apporte la biodiversité ?

L’effondrement des colonies d’abeilles dans le monde est inquiétante car près de 20.000 espèces apparentées aux abeilles contribuent à la survie et à l’évolution de plus de 80 % des espèces de fleurs. Plus de la moitié des molécules de nos médicaments proviennent de la nature (…). »

Il y a effectivement urgence à réagir, et, puisque les grands intérêts économiques ne peuvent, en société libérale et consumériste, se discipliner, il revient au Politique d’intervenir, par le biais de l’Etat, pour empêcher le pire et rappeler la formule d’un respect nécessaire des ressources que la nature nous confie, que nous devons transmettre aux générations qui viendront après nous : c’est un message que je répète fréquemment, y compris sur ce blog (la semaine dernière encore…). Cette répétition peut agacer mais elle montre, malgré les alarmes qui se font entendre de toute part, la grande difficulté qu’il y a à faire entendre raison aux industriels de l’agroalimentaire et à nos sociétés de consommation-consumation.

Cela étant, je ne cède pas au désespoir car cela serait, comme en politique, la « sottise absolue » selon l’heureuse formule de Maurras : mais il faut sensibiliser au plus vite nos contemporains sur ces sujets et militer pour ce nécessaire investissement du Politique dans la lutte pour la préservation et la transmission de ce patrimoine qui ne nous appartient pas en propre puisqu’il appartient à l’humanité toute entière, par delà les siècles et les générations qui se succèdent depuis que l’homme existe…

Et ces pétrels aperçus l’autre jour sont aussi les passagers de cette immense Arche de Noé que la Terre ne doit pas cesser d’être au milieu de l’univers et des temps…