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29/08/2016

La juste colère des éleveurs laitiers.

Chaque été est un nouvel épisode dans la tragédie paysanne qui, depuis les fameuses (et mal nommées) « Trente Glorieuses », n’a pas cessé alors même que les produits agricoles débordaient des rayonnages de la Grande distribution et que la société de consommation entraînait l’illusion de la prospérité quand il aurait fallu plutôt parler de démesure et de gaspillage. Cette année, ce sont les éleveurs laitiers qui font les frais d’un système (pas seulement économique) dans lequel domine, non le travail et la qualité, mais l’argent, la concurrence et la quantité, « les masses plutôt que les grâces » comme le disait joliment un royaliste « à l’ancienne » croisé jadis...

 

Le quotidien Ouest-France, dans son édition de samedi dernier (27 août 2016), résumait le conflit actuel entre la multinationale du lait Lactalis et les éleveurs dépendant d’elle, de façon abrupte mais malheureusement assez juste : « Lactalis, parti à la conquête du monde, s’est endetté pour y parvenir et ne veut pas mettre en péril son indépendance. Mutique sur ses résultats, il n’est pas prêt à montrer l’exemple sur les prix. Aux éleveurs de s’adapter. Ou de disparaître. » En quelques lignes, c’est toute la brutalité de la mondialisation et du libre-échange qu’elle promeut et impose aux populations, aux métiers comme aux pays, qui est ainsi formulée !

 

Comme le dénonce Périco Légasse dans Marianne (26 août-1er septembre 2016), « les agriculteurs qui se relayent devant le siège de Lactalis, à Laval, pour crier leur désespoir et leur indignation, sont vraiment les damnés de la terre. Alors qu’ils devraient être les plus heureux du monde car le lait est un aliment vital, précieux et rentable, certains vont jusqu’au suicide. Ils sont surendettés et on leur explique qu’ils doivent encore augmenter leur production pour rester compétitifs sur un marché mondialisé. Tout le contraire de la réalité, à une époque où il faut produire moins mais mieux, dans des conditions durables, pour une consommation raisonnée, payée à son juste prix. » Certains objecteront que les agriculteurs sont victimes de leur propre aveuglement, ayant cru en un modèle de production et de consommation qui fait désormais leur malheur quand ils en ont, apparemment, profité un temps, plus ou moins long selon les cas : ce n’est sans doute pas faux mais il serait injuste de les condamner quand les principaux coupables, eux, jouissent d’une confortable impunité et des revenus afférents à ce système que, au regard des manuels de géographie de l’Education nationale, l’Etat lui-même et l’Union européenne promeuvent : la formule « S’adapter ou disparaître » est considérée comme celle de la logique économique de la mondialisation, et tant pis (selon les experts autoproclamés de l’économie) pour les « nostalgiques » pour qui le travail était et est d’abord fait pour la sustentation des hommes et leur bien-être, et non pour les profits démesurés et la surconsommation des ressources de la Terre !

 

Je préfère être du côté des éleveurs laitiers que de cette multinationale qui a fait sa fortune grâce à ceux qu’elle abandonne et condamne aujourd’hui, et je déconseille d’acheter les produits de Lactalis : le camembert Président, les marques Bridel, Lactel, mais aussi Salakis, le roquefort Société, etc., tout comme je conseille, à l’inverse, de préférer les petites fromageries (il en existe encore dans les centres-villes et sur nos marchés, heureusement) et les petits producteurs locaux, ainsi que ceux qui font du « bio » (ce sont parfois les mêmes, d’ailleurs). Mais cela ne suffira pas à résoudre entièrement la question des « justes prix agricoles » ni celle de la qualité des produits et du respect de la condition animale.

 

Lactalis pourrait jouer la carte de « méga-fermes » (telles que « la ferme des mille vaches », entreprise « concentrationnaire » si l’on en croit le philosophe Alain Finkielkraut) pour contrer la « révolte des fermiers » et les contraindre à céder à ses oukases. Mais alors, l’Etat pourrait, lui, décider d’intervenir pour rappeler cette multinationale française à ses devoirs, et il ne manque pas de moyens à sa disposition pour cela : encore faudrait-il que la République soit capable d’une politique agricole de long terme, socialement juste et écologiquement responsable, ce dont il est permis de douter au regard de ces dernières décennies et de sa dépendance aux directives de Bruxelles ou aux volontés de Berlin. Là encore, pour aider les agriculteurs français, il ne sera pas possible de faire l’économie d’une réflexion politique et d’une transformation de la nature même de la magistrature suprême de l’Etat : quelle autre réponse, en somme, que la Monarchie qui sait ce que la France doit à ses terres et à ceux qui les valorisent par leur travail ? Sully, ministre du roi de la Réconciliation Henri IV, affirmait que « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », et le roi de demain ne saurait négliger l’importance de celles-ci, surtout à l’heure où le cours actuel la démographie mondiale ne cesse d’augmenter le nombre de bouches à nourrir sur notre planète…