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25/02/2018

Les agriculteurs français, nouveaux serfs de la mondialisation ?

Chaque année, à la fin du mois de février, les médias se mettent à parler du monde agricole, de ses difficultés et des défis qu'il doit relever, tandis que les hommes politiques, du président au conseiller général, se préparent au marathon de quelques heures qu'ils vont effectuer au Salon de l'Agriculture. Chaque année, c'est donc le même rituel, les mêmes déplorations, les mêmes coups de menton, et cette année ne rompt pas avec cette tradition qu'il conviendrait pourtant de critiquer et d'amender, car chaque année, la situation globale des agriculteurs semble bien empirer et les campagnes paysannes poursuivre leur lent et inexorable mouvement de désertification et d'uniformisation paysagère... La surface agricole utile ne cesse de diminuer et, désormais, elle est bien en dessous de la moitié de la superficie totale de la métropole, ce qui peut, légitimement, inquiéter quand on sait que la population française, elle, poursuit sa progression numérique. Dans le même temps, la surface des exploitations, de moins en moins nombreuses, continue à grossir, et les projets d'agriculture intensive de type « ferme des mille vaches » se multiplient, au nom de la « nécessaire compétitivité », et suivant le modèle développé en Allemagne et aux Pays-Bas, modèle qui leur a permis de dépasser la France au rang des pays exportateurs de produits agricoles : la quantité, mais pas forcément la qualité, paraît privilégiée quand les statistiques sont en jeu.

 

Ainsi, le « pétrole vert » de la France semble-t-il s'épuiser, et le désespoir des agriculteurs n'est pas feint, même s'il semble vain au regard des mécanismes contemporains d'une société de consommation dont la mondialisation a aggravé encore les effets délétères sur le monde paysan, condamné à devenir le serf du Marché mondial et de la Grande Distribution, comme des désirs qu'elle suscite pour s'assurer encore de meilleurs profits sans, pour autant, vouloir les partager avec les producteurs agricoles de base. Bien sûr, tous les agriculteurs français ne sont pas logés à même enseigne, et quelques grands exploitants tirent très bien leur épingle du jeu quand les moyens et petits agriculteurs conventionnels sont trop étranglés par les dettes et les contraintes administratives pour pouvoir, à long terme, survivre dans ce monde concurrentiel. Que les produits agricoles du Mercosur (Marché commun du Sud, constitué de cinq pays d'Amérique du Sud, dont l'Argentine et le Brésil) arrivent bientôt sur les marchés européens et risquent de fragiliser un peu plus le monde agricole français, n'est que la conséquence d'un libre-échangisme que l'Union européenne a, depuis ses origines, favorisé et qu'elle ne remettra pas en cause, malgré les déclarations impérieuses du président Macron : ce dernier, qu'il le veuille ou non, reste et restera coincé par les mécanismes européens et leur logique « libéraliste » qui empêchent toute mesure « protectionniste » de nos marchés comme de nos producteurs. Et l'on entendra le chœur des pleureuses qui, après coup, viendra nous expliquer que tout cela est fort regrettable mais qu'il faut bien se résoudre à accepter cette règle générale pour ne pas faire le jeu des « populismes », bien plus dangereux (selon eux...) que les grandes firmes agro-industrielles mondialisées qui asservissent les agriculteurs à leur ordre maudit ! C'est d'ailleurs toujours le même processus et le même discours depuis quatre décennies au moins, et, pendant ce temps-là, le nombre d'agriculteurs diminue, encore et toujours, suivant la logique Mansholt qui visait, effectivement, à cette diminution : c'était aussi un moyen efficace de faire disparaître une opposition paysanne qui a toujours fait peur aux féodalités urbaines... Moins de paysans, donc moins de « fourches levées », pensait-on dans les couloirs de Bruxelles et des palais de la République !

 

Et si ce calcul ne fonctionnait plus ? Si de nouveaux paysans « reprenaient la terre » plutôt que de la laisser « partir » entre les mains d'investisseurs spéculateurs chinois ou coréens, entre autres ? Si le monde agricole se « réinventait » en retrouvant le sens et la cause de la terre ? Si le « redéploiement rural » devenait réalité ?

 

Puisque la République est impuissante à protéger les terres et les agriculteurs de notre pays, non par manque de moyens mais par manque de volonté et de perspective à long terme, il n'est pas interdit de se poser la question d'une Monarchie royale dont le comte de Paris disait qu'elle devait reposer sur des bases paysannes et des bases ouvrières, et qui pourrait mener une nouvelle politique de réenracinement agricole, mieux adaptée au besoin d'équilibre et de partage de nos sociétés contemporaines. Utopie ruraliste, doublée d'une utopie monarchiste ? Si l'on se contente de quelques écrits sans conséquences, sans doute. Mais si l'on pense un nouveau projet de société sans oublier les réalités du présent, réalités qu'il s'agit, non seulement de changer, mais de bouleverser par une autre manière d'imaginer l'avenir et ses racines, et si l'on permet aux idées de s'incarner dans des projets multiples à l'échelle du pays et selon la grande diversité de ses particularités, tout devient, en ce domaine, possible... même le meilleur ! Encore faut-il le vouloir, et que la magistrature suprême de l’État le veuille aussi, ou le permette en rétablissant son autorité politique, autorité nécessaire et légitime sur les féodalités économiques et financières qui ne doivent plus imposer à notre société et à ses producteurs agricoles leurs dogmes et leur « règne d'or et de boue »... A la boue putride des scandales agro-alimentaires, nous préférerons toujours cette terre vivante et créatrice qui ennoblit les travailleurs des champs, et qui est source de « vraies richesses », de celles qui ne sont pas toutes économiques...

 

 

 

 

 

 

 

29/08/2016

La juste colère des éleveurs laitiers.

Chaque été est un nouvel épisode dans la tragédie paysanne qui, depuis les fameuses (et mal nommées) « Trente Glorieuses », n’a pas cessé alors même que les produits agricoles débordaient des rayonnages de la Grande distribution et que la société de consommation entraînait l’illusion de la prospérité quand il aurait fallu plutôt parler de démesure et de gaspillage. Cette année, ce sont les éleveurs laitiers qui font les frais d’un système (pas seulement économique) dans lequel domine, non le travail et la qualité, mais l’argent, la concurrence et la quantité, « les masses plutôt que les grâces » comme le disait joliment un royaliste « à l’ancienne » croisé jadis...

 

Le quotidien Ouest-France, dans son édition de samedi dernier (27 août 2016), résumait le conflit actuel entre la multinationale du lait Lactalis et les éleveurs dépendant d’elle, de façon abrupte mais malheureusement assez juste : « Lactalis, parti à la conquête du monde, s’est endetté pour y parvenir et ne veut pas mettre en péril son indépendance. Mutique sur ses résultats, il n’est pas prêt à montrer l’exemple sur les prix. Aux éleveurs de s’adapter. Ou de disparaître. » En quelques lignes, c’est toute la brutalité de la mondialisation et du libre-échange qu’elle promeut et impose aux populations, aux métiers comme aux pays, qui est ainsi formulée !

 

Comme le dénonce Périco Légasse dans Marianne (26 août-1er septembre 2016), « les agriculteurs qui se relayent devant le siège de Lactalis, à Laval, pour crier leur désespoir et leur indignation, sont vraiment les damnés de la terre. Alors qu’ils devraient être les plus heureux du monde car le lait est un aliment vital, précieux et rentable, certains vont jusqu’au suicide. Ils sont surendettés et on leur explique qu’ils doivent encore augmenter leur production pour rester compétitifs sur un marché mondialisé. Tout le contraire de la réalité, à une époque où il faut produire moins mais mieux, dans des conditions durables, pour une consommation raisonnée, payée à son juste prix. » Certains objecteront que les agriculteurs sont victimes de leur propre aveuglement, ayant cru en un modèle de production et de consommation qui fait désormais leur malheur quand ils en ont, apparemment, profité un temps, plus ou moins long selon les cas : ce n’est sans doute pas faux mais il serait injuste de les condamner quand les principaux coupables, eux, jouissent d’une confortable impunité et des revenus afférents à ce système que, au regard des manuels de géographie de l’Education nationale, l’Etat lui-même et l’Union européenne promeuvent : la formule « S’adapter ou disparaître » est considérée comme celle de la logique économique de la mondialisation, et tant pis (selon les experts autoproclamés de l’économie) pour les « nostalgiques » pour qui le travail était et est d’abord fait pour la sustentation des hommes et leur bien-être, et non pour les profits démesurés et la surconsommation des ressources de la Terre !

 

Je préfère être du côté des éleveurs laitiers que de cette multinationale qui a fait sa fortune grâce à ceux qu’elle abandonne et condamne aujourd’hui, et je déconseille d’acheter les produits de Lactalis : le camembert Président, les marques Bridel, Lactel, mais aussi Salakis, le roquefort Société, etc., tout comme je conseille, à l’inverse, de préférer les petites fromageries (il en existe encore dans les centres-villes et sur nos marchés, heureusement) et les petits producteurs locaux, ainsi que ceux qui font du « bio » (ce sont parfois les mêmes, d’ailleurs). Mais cela ne suffira pas à résoudre entièrement la question des « justes prix agricoles » ni celle de la qualité des produits et du respect de la condition animale.

 

Lactalis pourrait jouer la carte de « méga-fermes » (telles que « la ferme des mille vaches », entreprise « concentrationnaire » si l’on en croit le philosophe Alain Finkielkraut) pour contrer la « révolte des fermiers » et les contraindre à céder à ses oukases. Mais alors, l’Etat pourrait, lui, décider d’intervenir pour rappeler cette multinationale française à ses devoirs, et il ne manque pas de moyens à sa disposition pour cela : encore faudrait-il que la République soit capable d’une politique agricole de long terme, socialement juste et écologiquement responsable, ce dont il est permis de douter au regard de ces dernières décennies et de sa dépendance aux directives de Bruxelles ou aux volontés de Berlin. Là encore, pour aider les agriculteurs français, il ne sera pas possible de faire l’économie d’une réflexion politique et d’une transformation de la nature même de la magistrature suprême de l’Etat : quelle autre réponse, en somme, que la Monarchie qui sait ce que la France doit à ses terres et à ceux qui les valorisent par leur travail ? Sully, ministre du roi de la Réconciliation Henri IV, affirmait que « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », et le roi de demain ne saurait négliger l’importance de celles-ci, surtout à l’heure où le cours actuel la démographie mondiale ne cesse d’augmenter le nombre de bouches à nourrir sur notre planète…

 

 

 

 

 

 

26/01/2016

Sauver les emplois en Bretagne.

Les agriculteurs bretons sont, une fois de plus, sur les routes de l'Ouest pour défendre leur emploi, tout comme, dimanche 24 janvier, des milliers de personnes étaient à Brest pour la même raison, pour maintenir des emplois, ceux du Crédit Mutuel Arkéa, troisième employeur de la région avec 6.500 salariés, emplois aujourd'hui menacés par un projet de fusion avec la branche de l'Est du Crédit Mutuel que souhaite réaliser la Confédération nationale de ce groupe bancaire : c'est un vent de colère qui souffle à nouveau en Bretagne, et qui pourrait, une fois de plus, décoiffer Marianne...

 

Il faut être clair : depuis l'été, rien n'a vraiment changé pour le monde agricole, piégé par un système qui demande toujours des prix plus bas aux producteurs alors qu'ils ne rentrent déjà plus dans leurs frais de production. Le gouvernement n'arrive pas à faire entendre raison au monde des transformateurs, eux-mêmes frappés durement par la concurrence déloyale des abattoirs allemands (qui utilisent une main-d’œuvre étrangère à très bas coût, parfois moins de 600 euros mensuels), ni au secteur de la Grande distribution, du moins la partie la plus mondialisée de celle-ci. Le problème n'est-il que français ou européen ? Même pas, car c'est tout le système de la mondialisation qui, en définitive, est vicié, et qui détruit plus d'emplois qu'il n'en crée dans notre pays et dans nos régions. Une mondialisation globale qui n'est plus, désormais, que « la guerre de tous contre tous », au moins sur le plan commercial, économique et social. Cela signifie-t-il que l'internationalisation des échanges était forcément destinée à tourner ainsi ? Peut-être pas, et il me faudra en reparler...

 

Pour l'heure, la Bretagne souffre, une fois de plus, et elle doit se battre, à nouveau, pour « Vivre, décider et travailler au pays », comme le clamaient, il y a déjà plus de quarante ans, les affiches des militants bretons, y compris des royalistes de la Nouvelle Action Française, solidaires des ouvriers du « Joint français » de Saint-Brieuc en 1972 ou de ceux de l'industrie de la chaussure à Fougères en 1977. Un combat qui pourrait bien rappeler les responsabilités de la République centrale dans les multiples crises sociales qui affectent la Bretagne et, au-delà, notre pays tout entier...