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22/08/2019

Et si l'on enseignait aussi l'histoire des "petites patries" au lycée ?

 

La rentrée qui se profile oblige à la préparation des nouveaux cours des nouveaux programmes de lycée, en histoire comme en géographie. Si l’on prend la période étudiée désormais en classe de Première, elle couvre le gros siècle qui va de 1789 à 1923, et ce n’est pas forcément une mauvaise idée au regard de ce dont il est porteur et, en partie, accoucheur : après tout, ne sommes-nous pas les héritiers, parfois infidèles et critiques, de cette période et de ses confrontations, idéologiques comme spirituelles, mais aussi économiques et sociales, voire environnementales ?

 

La lecture des programmes officiels et celle, conjointe, des manuels scolaires, est aussi fort révélatrice de l’idéologie dominante et des préoccupations de la République éducatrice, qui ne laisserait à personne d’autre le soin de choisir les intitulés de ces programmes destinés à s’appliquer, en bonne République « une et indivisible », à tous les coins du territoire métropolitain comme de l’Outre-Mer. Du coup, c’est une histoire qui oublie, « opportunément » et dans la droite ligne de la « jacobinisation » de la nation, les « petites patries », au risque d’échouer à l’enracinement des élèves (en particulier ceux venus d’ailleurs ou d’autres traditions d’origine étrangère) dans une France concrète et vivante. De plus, cette histoire nationale « globale » apparaît parfois peu accordée aux lieux particuliers où elle est enseignée, de la Bretagne à l’Alsace, de la Provence à l’Artois. Un collègue la définissait comme une « histoire parisienne » et, comme d’autres (et comme moi-même), s’en inquiétait, comme d’une source supplémentaire de déracinement et d’inculture.

 

Faut-il, pour autant, renoncer à cette formulation programmatique de l’histoire française ? Pas exactement, mais il n’est pas forcément inutile de l’irriguer, non seulement d’exemples, mais aussi de puissantes évocations locales, par exemple en combinaison ou en comparaison de l’histoire de la nation « centrale », et selon l’endroit où l’on enseigne et étudie : ainsi, en Bretagne, n’est-il pas inutile de rappeler ce que la province a espéré et perdu durant la Révolution française, et quelles furent ses réactions, parfois déçues ou insurrectionnelles, devant le triomphe de la Révolution et de sa fille préférée, la République. Mais, à bien lire les différents manuels disponibles (pas loin d’une dizaine…), rien du tout : pas un mot sur la Bretagne si ce n’est, au détour d’une carte, l’évocation schématisée d’une « révolte » dont, le plus souvent, on ne saura pas plus. Ainsi, la chouannerie, qui a laissé durant plus d’un siècle, un souvenir tenace aux Bretons, a disparu, et le terme même n’évoquera rien aux descendants de ceux qui l’ont incarnée, comme en une sorte d’amnésie organisée que, au regard des intentions des programmes, je ne m’interdis pas de nommer un « mémoricide paisible » et tout à fait officiel… Idem pour la « Vendée » qui, si elle apparaît bien sur les cartes des lieux de tension durant la Révolution et la Première République, n’est ni définie ni expliquée !

 

Bien sûr, le cas de la Révolution française semble le plus significatif, d’autant plus que l’esprit du programme est de valoriser la conception de la Nation telle qu’elle a été idéologiquement fondée par les révolutionnaires jacobins, et comme si l’Ancien Régime n’avait pas, par lui-même, développé une conception que l’on peut dire moins jacobine et moins centraliste, beaucoup plus plurielle et « fédérative », comme Maurras l’évoquera au début du XXe siècle. Mais les autres chapitres répercutent cette même absence des particularités enracinées, avec souvent les cartes comme seule illustration de la « nuance des choses », ce qui apparaît bien insuffisant. Ainsi, pour l’étude de la France rurale et de l’industrialisation du pays, ou pour celle de la question de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et alors que la question linguistique n’est abordée que fort marginalement dans le meilleur des cas (et quand elle est abordée…), et dans le cadre de « l’enracinement de la République », les langues régionales de France étant alors présentées comme un reste du monde ancien destiné à disparaître, à l’égal du « trône et de l’autel ».

 

Bien sûr, les professeurs d’histoire pourront, d’eux-mêmes, corriger cette « amnésie », mais le feront-ils tous, pressés par la nécessité d’aller vite (épreuves de Bac dès la classe de Première obligent, sous forme d’un contrôle continu) et de ne pas trop complexifier l’histoire de la période ? De plus, nombre d’entre eux ne connaissent pas l’histoire même du territoire sur lequel ils enseignent, ce qui constituent un obstacle important, mais pas rédhibitoire. Sans doute faudrait-il prévoir, en une heure hebdomadaire dédiée (faute de mieux), un enseignement des grands traits de l’histoire locale, communale et provinciale, ne serait-ce que pour donner quelques repères concrets aux jeunes qui y vivent et, parfois, à des parents qui ne connaissent pas non plus cette histoire. Mais, le mieux ne serait-il pas d’inciter les enseignants à intégrer, au sein de leurs cours généraux, des éléments de l’histoire (y compris populaire) locale, pour montrer aussi toute l’importance de l’histoire nationale sur la construction des héritages locaux (et inversement, aussi) et, parfois, la grande difficulté d’une synthèse harmonieuse entre les décisions de l’Etat central et les aspirations provinciales ou communales ? Ce ne sont là que quelques propositions, mais elles peuvent permettre un meilleur enracinement des jeunes générations sans, pour autant, les « figer » en un seul lieu car l’histoire (locale ou nationale, ou européenne et mondiale) ne doit pas être un simple « formatage » sans conscience, mais bien plutôt un appel à la curiosité comme un outil de la « fidélité créatrice », celle qui permet de voir plus loin et plus haut sans risquer le vertige de la démesure

 

 

 

26/01/2016

Sauver les emplois en Bretagne.

Les agriculteurs bretons sont, une fois de plus, sur les routes de l'Ouest pour défendre leur emploi, tout comme, dimanche 24 janvier, des milliers de personnes étaient à Brest pour la même raison, pour maintenir des emplois, ceux du Crédit Mutuel Arkéa, troisième employeur de la région avec 6.500 salariés, emplois aujourd'hui menacés par un projet de fusion avec la branche de l'Est du Crédit Mutuel que souhaite réaliser la Confédération nationale de ce groupe bancaire : c'est un vent de colère qui souffle à nouveau en Bretagne, et qui pourrait, une fois de plus, décoiffer Marianne...

 

Il faut être clair : depuis l'été, rien n'a vraiment changé pour le monde agricole, piégé par un système qui demande toujours des prix plus bas aux producteurs alors qu'ils ne rentrent déjà plus dans leurs frais de production. Le gouvernement n'arrive pas à faire entendre raison au monde des transformateurs, eux-mêmes frappés durement par la concurrence déloyale des abattoirs allemands (qui utilisent une main-d’œuvre étrangère à très bas coût, parfois moins de 600 euros mensuels), ni au secteur de la Grande distribution, du moins la partie la plus mondialisée de celle-ci. Le problème n'est-il que français ou européen ? Même pas, car c'est tout le système de la mondialisation qui, en définitive, est vicié, et qui détruit plus d'emplois qu'il n'en crée dans notre pays et dans nos régions. Une mondialisation globale qui n'est plus, désormais, que « la guerre de tous contre tous », au moins sur le plan commercial, économique et social. Cela signifie-t-il que l'internationalisation des échanges était forcément destinée à tourner ainsi ? Peut-être pas, et il me faudra en reparler...

 

Pour l'heure, la Bretagne souffre, une fois de plus, et elle doit se battre, à nouveau, pour « Vivre, décider et travailler au pays », comme le clamaient, il y a déjà plus de quarante ans, les affiches des militants bretons, y compris des royalistes de la Nouvelle Action Française, solidaires des ouvriers du « Joint français » de Saint-Brieuc en 1972 ou de ceux de l'industrie de la chaussure à Fougères en 1977. Un combat qui pourrait bien rappeler les responsabilités de la République centrale dans les multiples crises sociales qui affectent la Bretagne et, au-delà, notre pays tout entier...

 

 

 

16/07/2014

La République méprise la Bretagne.

Ainsi, au regard de l’actuel débat parlementaire sur la réforme territoriale, la Bretagne ne sera pas réunifiée et Nantes pourrait même, selon certains projets en discussion, se retrouver dans une grande région comprenant Pays de la Loire et Centre, cette dernière se déployant jusqu’à Dreux, ville royale certes mais fort éloignée de l’Armorique… Tout cela montre bien que la République se moque ou plutôt se méfie de l’histoire et des désirs des populations ancrées, et qu’elle procède par idéologie jacobine et pratique technocratique, avec l’argument seulement économiste de « l’efficacité » et de « la bonne dimension européenne » : ce qui n’était pas si évident que cela à l’origine est désormais visible et assumé, élections européennes passées et colère électorale marginalisée, et c’est bien un découpage « européen » ou plutôt « européiste » qui s’impose.

 

Les régionalistes qui croyaient que l’Union européenne leur permettrait de voir advenir la reconnaissance des particularités, qu’elles soient bretonnes, alsaciennes ou basques, en sont pour leurs frais et commencent à comprendre que cette Europe-là remplace le jacobinisme parisien par un autre jacobinisme encore plus lointain qui trouve son siège à Bruxelles ou à Francfort. D’ailleurs, j’entends déjà la colère en Bretagne et je constate l’amertume des Bretons qui, au soir du 14 janvier, lorsque M. Hollande annonçait qu’il allait lancer une refonte de la carte des régions, se disaient que le temps de l’injustice historique allait enfin être réparée : il suffit de relire les articles et les déclarations de l’époque (jusqu’à la déconvenue de juin lors de la publication de la « nouvelle » carte) pour constater que tout le monde pensait alors (parfois en le craignant, comme le sinistre Ayrault, grand féodal nantais opposé à la réunification bretonne depuis toujours…) que, enfin, Nantes retrouverait sa place en Bretagne, ce qui apparaissait le plus logique et, surtout, le plus historiquement juste… Quelle déception, quelle amertume, quelle colère !

 

Le langage des artisans de ce découpage absurde, qu’ils soient gouvernementaux ou parlementaires socialistes, est révélateur : pas d’évocation de l’histoire, des traditions, des cultures, des habitudes du vivre-ensemble, mais seulement les termes de compétitivité, de budget, de rationalité, de « régions européennes »… Cette même histoire que le gouvernement convoque à l’occasion des multiples commémorations de l’année sur les événements guerriers du XXe siècle est rejetée dès lors qu’il s’agit de l’organisation territoriale, de cet avenir institutionnel à construire qui, en définitive, ne peut vraiment fonctionner que si l’on y ajoute, justement, une part de mémoire et que l’on y inclut une dose plus ou moins forte de sentiment. Mais la République ne veut rien entendre de ce qui sort des profondeurs de la nation multiple qu’est la France : le pays légal est sourd aux appels et aux sentiments du pays réel, de ce pays ancré qui est, par lui-même, diversité et qui voudrait bien, en vain, que la République le comprenne…

 

En tout cas, maintenant, pour ceux qui en doutaient encore, les choses sont claires : la République est toujours la même, et son idéologie profonde reste son principe de base édicté dès ses prémisses, « Une et indivisible »… Les régions, qu’elle a consenti à créer un siècle et demi après la destruction des provinces et leur remplacement par les départements, ne seront jamais rien d’autre qu’une autre forme, plus subtile et moins voyante, de centralisation politique et, surtout, de centralisme idéologique par le biais des grands partis, et particulièrement du Parti socialiste…

 

Alors, décidément non, par amour de la Bretagne, de la France et de sa diversité, je ne serai jamais républicain !