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12/02/2012

Le malheur grec.

La Grèce n'en finit pas d'agoniser sous nos yeux, et nous voilà étonnés de voir un pays de la zone euro s'effondrer comme un château de cartes, agacés aussi de ce mauvais exemple au sein de cette Union européenne qui devait être une « zone de prospérité et de paix » (sic !) comme nous l'annonçaient les prophètes de « l'Europe » dans les années 1990-2000... J'écris « nous » mais je ne me sens pas vraiment concerné par ce « nous » généraliste : ceux qui m'écoutent et me lisent depuis quelques temps déjà savent combien,  en Cassandre irréductible, je prône la vigilance en ce domaine et je refuse l'idéologie européiste et libérale qui brouille la vision de tant de nos contemporains, persuadés que l'Histoire est linéaire et à sens unique quand elle nous prouve, encore et toujours, qu'elle est plus vive et retorse que les préjugés qui, eux, ont la peau dure à défaut d'avoir la mémoire longue...

 

Encore un plan de rigueur, encore des baisses de salaires (y compris le « salaire minimum »), des coupes sur les retraites, des ventes (à perte ?) d'entreprises publiques, des suppressions d'emplois, etc. ! Au nom du sauvetage d'une monnaie unique qui devait « faire le bonheur général des Européens » (sic !), le couple Merkel-Sarkozy, la Commission européenne, la Banque Centrale européenne, mais aussi le FMI et les banques, y compris celles qui ont joué avec le feu et incité la Grèce à s'endetter, tous ces acteurs d'une scène économique devenue champ de bataille et champs de ruines se liguent contre un petit pays coupable d'avoir triché quand le principe même de la Société de consommation est la tricherie, en particulier sur les capacités de la planète à supporter éternellement le traitement actuel d'exploitation qui lui est imposée, au risque de la voir s'épuiser irrémédiablement et de plus en plus rapidement !

 

Je ne méconnais pas les défauts ni les manœuvres passées des Grecs mais j'affirme que les abus, les défauts, les vices inhérents même à ce système consumériste sont les véritables responsables de ce désastre social que vivent les Grecs, avant que cela soit le tour des Portugais, des Espagnols et peut-être des Français dans quelques années, peut-être moins dans le pire des cas qui, malheureusement, n'est pas toujours improbable... La Société de consommation repose sur le principe « Consommer pour produire » qui nécessite de vendre des produits parfois complètement inutiles, et qui se perpétue et se diffuse par la publicité (séduire le client…) et le crédit (tenir le client par la dette…) ! Est-ce si raisonnable que cela ?

 

Les Grecs ont cru que l’Union européenne allait les faire accéder au Paradis de la Consommation, de la Marchandise et du Désir toujours renouvelé et assouvi : fatale erreur ! Dans un pays qui n’avait pour richesses que le soleil, la mer et l’huile d’olive (je résume de façon un peu caricaturale, mais sans le mépris avec lequel les Allemands parlent des « cueilleurs d’olive »…), il était évident que la Société de consommation n’était pas vraiment possible sans bousculer dangereusement les équilibres locaux, au risque de catastrophes sociales futures, comme cela a aussi été le cas dans tant de sociétés africaines déstabilisées par la « première mondialisation » du XIXème siècle (c’est-à-dire une colonisation qui s’est d’abord faite pour des raisons économiques : trouver et ouvrir de nouveaux marchés, et s’ouvrir les ressources minières et énergétiques des terres et des sous-sols ainsi conquis…) : l’Histoire éternellement recommencée, dont les Grecs sont aujourd’hui les victimes pour l’avoir oubliée, aveuglés par les lumières de « l’Europe » !

 

Ainsi, pour que le Système continue à fonctionner, il lui faut des victimes solvables : les Grecs ne le sont plus ? Qu’importe ! « Ils doivent payer », rétorquent calmement les fonctionnaires de la Troïka UE-BCE-FMI, insensibles aux souffrances des petites gens, des travailleurs assommés et littéralement exploités pour « redevenir compétitifs » (sic !), alors même que le patronat grec s’oppose à la diminution du salaire minimum voulue par Bruxelles et Merkozy ! Comme le disait ironiquement un économiste hétérodoxe, pour sauver la monnaie unique, il ne faut pas hésiter à poursuivre la cure d’appauvrissement « jusqu’au dernier Grec vivant »… Triste ? Pas seulement ! Révoltant, aussi !

 

Je suis révolté par ce que l’on fait subir aux Grecs les plus pauvres et aux classes moyennes de la patrie de Périclès et de Socrate, tandis que les plus riches continuent, en toute impunité, à placer leur argent dans des paradis fiscaux, y compris au sein d’une Union européenne qui a, définitivement, renoncé à être sociale et juste pour ne plus être que rigoriste (façon Merkel) et égoïste !

 

 

23/07/2011

Pas de ministre européen de l'économie, s'il vous plaît !

 

Depuis quelques temps et profitant de la crise de la zone euro, certains financiers et politiques avancent régulièrement l’idée d’un ministre des affaires économiques européennes, y voyant là l’occasion de faire un « saut qualitatif » vers une Europe de plus en plus fédérale : c’était encore le cas hier à l’occasion de la réunion entre les partenaires de l’Union européenne pour sauver l’euro, réunion qui semble s’être limitée à un dialogue à trois entre Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Jean-Claude Trichet.

 

Cette idée peut paraître logique, d’une certaine manière : puisqu’il y a une seule monnaie pour dix-sept pays, pourquoi pas un seul ministre chargé, au-dessus des gouvernements européens, de l’économie de cette zone monétaire ? En fait, là encore, on reproduit les mêmes erreurs qu’au moment de la création de l’euro en ne voulant pas voir qu’il y a plusieurs manières de concevoir l’économie en Europe et qu’il y a des traditions (bonnes ou mauvaises, c’est une autre question), voire des mentalités différentes en ce domaine : ne pas reconnaître ces différences initiales c’est se condamner, à plus ou moins long terme, à de cruelles désillusions et commettre des impairs toujours difficiles à réparer par la suite. La situation actuelle en est d’ailleurs la rude illustration…

 

S’il y a ministre des affaires économiques européennes, son rôle risque rapidement d’être celui d’imposer une politique économique unique, au risque de déstabiliser les sociétés européennes : car, peut-on appliquer la même politique, en particulier à travers ce que l’on nomme pudiquement la rigueur, à des pays qui n’ont ni les mêmes structures administratives d’Etat ni les mêmes fiscalités ni les mêmes règles sociales parfois ?

 

Il y a aussi autre chose qui m’inquiète : c’est que, dans les déclarations des sauveteurs de l’euro, jamais ne sont évoquées les populations de la zone euro, seulement les dettes, les déficits, les risques financiers… Or, peut-on faire une politique économique sans au moins écouter ce que disent les peuples qui ne sont pas que contribuables mais aussi citoyens ? Ecouter ne veut pas dire céder à la démagogie mais pouvoir répondre à leurs inquiétudes, chercher avec eux et pour eux (parfois malgré eux aussi, mais cela ne doit pas être un principe, loin de là !) des solutions acceptables et compatibles autant avec les équilibres économiques que sociaux et écologiques : cette proposition de ministre de l’économie européenne semble éloigner un peu plus la « gouvernance » (terme en fait dangereux qui semble limiter le politique à une simple gestion de l’économique) des peuples sur laquelle elle est censée s’exercer !

 

Alors, que faire ? Au lieu d’un ministre des affaires économiques qui, en définitive, ferait une seule politique, mieux vaut une forme de coordination plus efficace et plus réelle que celle qui existe aujourd’hui, et qui, par la discussion entre les représentants des différents Etats, chercherait à concilier les économies entre elles plutôt qu’à vouloir les fondre et les confondre dans une seule et même économie : une coordination autant qu’une conciliation, ce qui n’est pas la même chose que « l’imposition » que serait, en définitive, le ministère européen des affaires économiques au-dessus des gouvernements et des parlements et qui risquerait, effet pervers peu évoqué mais bien réel, d’entraîner une sorte de « grève du zèle » permanente des salariés de la zone euro pour protester contre une administration encore plus lointaine et aveugle que celles, nationales, d’aujourd’hui… A-t-on oublié comment cette attitude de « résistance passive » des ouvriers, des fonctionnaires et des paysans a peu à peu asphyxié l’économie toute entière de l’Union soviétique, pourtant grande puissance, dans les années 1960-80 ?

 

Cette coordination, que je souhaite, ne doit d’ailleurs pas forcément se limiter aux pays de la zone euro, mais elle doit aussi redonner des moyens aux Etats eux-mêmes, pour reprendre l’initiative par rapport aux institutions financières et boursières : « réarmer le pouvoir politique », disait, avec raison, Nicolas Demorand avec des accents dignes de Maurras la semaine dernière dans « Libération » … Sans cela, aucune sortie saine de crise de la zone euro n’est véritablement possible et durable !