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15/03/2021

Alerte démographique sur la France.

La question démographique n’est pas une question secondaire, et le croire serait une erreur autant vitale que sociale : l’avenir d’un pays repose sur sa capacité à vivre et à transmettre et, quand la vie semble négligée, seules les ruines encombrent le paysage sans qu’elles ne parlent d’autre chose que d’un monde disparu, mort. Les peuples et les nations sont mortels, et pas seulement comme sociétés : l’histoire est un immense cimetière de civilisations, et de nombreuses chaînes de transmission ont été brisées faute d’entretien démographique, moral ou politique. Il serait fort dommage que la France (ce qu’elle est et porte dans l’histoire du monde et des hommes) disparaisse à son tour dans une globalisation d’amnésie bien-pensante et de féodalismes identitaires et techno-financiers, d’où ce souci démographique qui anime ceux d’entre nous qui veulent un avenir français sans, pour autant, méconnaître les autres manières d’être au monde.  

 

Or, les chiffres de la natalité et de la fécondité françaises de cette dernière année ne sont pas bons et peuvent même paraître inquiétants : le taux de fécondité (le nombre d’enfants par femme en âge de procréer) s’établit pour 2020 à 1,84 et le nombre des naissances n’a jamais été aussi bas depuis… 1945 ! Entrons-nous dans un nouvel hiver démographique, ou n’est-ce que la conséquence passagère d’une crise sanitaire dont nous ne savons pas encore la fin ? Or, au début du premier confinement, l’idée courante (mais fausse) était que l’enfermement contraint allait provoquer une embellie démographique neuf mois après, ce que la réalité vient de cruellement démentir. En fait, la crise sanitaire a accéléré un processus antérieur qui voit la fécondité française diminuer et la natalité avec, sachant que, déjà, le nombre de femmes en âge de procréer a logiquement diminué ces dernières années, conséquence du premier « baby krach » du milieu des années 1970 et de l’élévation de l’âge de la première maternité (presque 31 ans en moyenne pour les femmes françaises aujourd’hui) qui « étire » ainsi la natalité dans le temps.

 

Mais l’une des causes principales de la baisse de la natalité est politique, ce que rappelle le démographe Gérard-François Dumont dans un entretien très instructif publié par Le Figaro dans son édition du vendredi 12 mars dernier, intitulé, avec raison, « La France paie le démantèlement de sa politique familiale » : « Si l’on considère les niveaux de fécondité des pays européens et les différentes politiques familiales, le résultat est clair : les pays dont la politique familiale est faible ont les fécondités les plus basses. Ceux dont la politique familiale est moins timorée ont les fécondités les plus élevées. Jusqu’au milieu des années 2010, la politique familiale de la France lui permettait d’avoir la fécondité la plus élevée d’Europe, un temps devancée seulement par l’Irlande. C’était une politique qui, avec ses multiples déclinaisons financières, fiscales et de facilitation de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, satisfaisait les Français. Puis, sous le quinquennat Hollande, un démantèlement systématique est intervenu : fin de l’universalité des allocations familiales ; diminution de l’équité fiscale ; réforme du congé parental rendant celui-ci considérablement moins attractif ; forte diminution de l’autonomie fiscale des collectivités locales contraintes de revoir à la baisse leurs systèmes de grade de jeunes enfants. » Ainsi, la politique pratiquée par les socialistes au pouvoir a oublié qu’il ne faut jamais mélanger les genres et que confondre politique sociale et politique familiale entraîne une déstabilisation de cette dernière : c’est bien ce qui s’est passé, et la chute fut brutale, le taux de fécondité passant de 2,01 en 2014 à 1,84 en 2020, ce qui s’est concrètement traduit par une baisse significative du nombre de naissances.

 

Or, cette nouvelle situation démographique a des conséquences sociales et pas seulement sur les moyen et long termes, comme le souligne M. Dumont : « La dénatalité exerce des effets économiques à court terme sur la demande et sur le dynamisme économique, puisque l’enfant est un élément « actif » de l’économie. A moyen terme, c’est la population active qui diminue, par conséquent un potentiel moindre de création de richesses. » Des naissances en moins, ce sont des classes en moins, des professeurs en moins, des écoles en moins, et cela dès les premières années après le « creux » de la natalité : « En France métropolitaine, il naît désormais 100.000 enfants de moins qu’il y a dix ans. C’est un phénomène spectaculaire », explique dans la même édition du Figaro Yvon Sérieyx, chargé de la conciliation vie familiale-vie professionnelle à l’Unaf, et c’est un phénomène qui n’incite guère à l’optimisme.

 

Mais il y a un autre souci économique et social, c’est le financement des retraites qui risque d’être lourdement impacté par cette baisse de la natalité française, et cela dans un délai de quelques décennies, affectant aussi le système de santé ainsi que celui de l’assurance-chômage, du moins si le système d’une « solidarité nationale » effective et inter-générationnelle (retraites par répartition, sécurité sociale, etc.) perdure, ce qui reste à défendre face aux pressions de la mondialisation dérégulatrice et d’une Union européenne moins protectrice que ne peut l’être, malgré tous ses défauts (et ils peuvent être lourds…), l’État français hérité des années 1936-1962…

 

Alors, que faire ? Il serait évidemment nécessaire que l’État, qui n’est pas pour autant le maître des chambres à coucher, travaille à la mise en place d’une véritable stratégie, non pas seulement nataliste, mais familiale au sens le plus complet du terme, et qu’il s’appuie sur tous les acteurs économiques (sociaux, « corporatifs » et locaux) de l’ensemble français, pour la faire advenir : en somme, « susciter plutôt qu’imposer », en favorisant les familles et en soutenant les parents isolés, et toutes celles qui souhaitent avoir des enfants et en sont empêchées par les difficultés économiques du moment ou par les contraintes du milieu professionnel. Car il est un élément à prendre en compte, c’est le désir d’enfants en France qui est, pour les femmes en âge de procréer, de 2,3 : un chiffre supérieur à ceux que nous constatons aujourd’hui et qui est une promesse et une espérance si notre société sait répondre à cette attente ! Bien sûr, de la théorie à l’effectivité, il y a parfois une marge importante, mais il semble que l’enjeu en vaut la chandelle. De plus, il faut rendre aux familles et à leurs enfants qui sont « les parents de demain » des perspectives d’intégration au monde du travail et des possibilités d’une meilleure qualité de vie, et promouvoir une politique audacieuse d’aménagement des territoires, fondée sur le désir de plus en plus fort d’une vie extra-urbaine par exemple (désir exprimé par une part croissante de la population)  ou d’une alternative « heureuse » à la société de consommation. En fait, ce ne sont pas les pistes qui manquent, et c’est aussi ce qu’avance le Haut-commissaire au Plan François Bayrou en train de préparer une note sur ce sujet. Encore faut-il que ce souci démographique ne soit pas la proie des seuls économistes, mais qu’il devienne une des priorités de l’État : en ce domaine comme en d’autres, « Politique d’abord » ! C’est la volonté politique qui peut permettre un rétablissement durable de la natalité, non dans l’excès mais dans la mesure et la raison qui, toujours, doivent guider l’action politique envers la société et les citoyens. La République en est-elle encore capable ? Il n’est pas certain que la réponse soit positive...

 

Mais, la bonne santé démographique d’une nation n’est pas la seule condition de la force de celle-ci, même si Jean Bodin expliquait au siècle de François 1er que, vraiment, « il n’est de richesses que d’hommes » : il faut y ajouter l’envie de vivre et de transmettre, le besoin de cette amitié nationale qui favorise l’unité des peuples du pays autour d’un axe fédérateur et qui doit s’imposer aux égoïsmes individuels ou communautaires, tous nécessaires mais devant être apprivoisés pour ne pas être empoisonnés… Que la Monarchie royale en France puisse s’apparenter à un État-famille, et que la France soit une « famille de familles », pourrait aider à la vie pérenne et toujours renouvelée de ce pays, « le plus beau royaume qui soit sous les cieux »… 

 

 

23/10/2019

Pour éviter la retraite à 69 ans...

Au moment où le gouvernement français s’apprête à s’engager dans une réforme délicate sur l’avenir des retraites et leurs formes, l’Allemagne rouvre ce même dossier sous des auspices peu engageants, comme le signale Le Figaro de ce mercredi 23 octobre en ses pages « économie », sous le titre « Les Allemands devraient travailler jusqu’à 69 ans ». En fait, il s’agit d’une recommandation de la Bundesbank qui se veut prospective, au regard des perspectives démographiques et économiques : l’Allemagne connaît une démographie en berne, avec un taux de fécondité bien inférieur à celui de la France, lui-même en déclin depuis quelques années, et prévoit une élévation de l’espérance de vie globale, même si l’espérance de vie sans incapacité (en bonne santé, en somme) est, elle, mal connue ou sous-valorisée dans les travaux des économistes et des banquiers. Pourtant, « les Allemands pensaient le débat clos. La réforme de 2012, qui avait relevé par étapes de 65 à 67 ans d’ici à 2031 l’âge du départ légal en retraite après un vif débat, semblait une garantie suffisante pour la stabilité du système. » Mais, c’est une vis sans fin, et ce sont toujours les mêmes arguments qui sont évoqués par les banques et les économistes pour augmenter la pression sur le travail et les travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants : ainsi, il semble que, désormais, le temps de travail payé soit condamné à s’élever toujours, quoiqu’il se passe et quoique l’on fasse.

 

Mais ce n’est pas la seule Bundesbank qui prône ce nouveau relèvement de l’âge légal de la retraite, comme le rappelle opportunément Nathalie Versieux dans l’article cité : « Plusieurs organisations – Commission européenne, FMI, OCDE – ont également recommandé à l’Allemagne de « continuer à augmenter l’âge de la retraite »  avec la hausse de l’espérance de vie, argumente de son côté la Bundesbank », trop heureuse de trouver des alliés au sommet même de l’Union européenne et de la « gouvernance » (sic !) autoproclamée de la mondialisation… Des « recommandations » que ces mêmes instances font de manière insistante, depuis de nombreuses années, pour tous les pays d’Europe mais que, en France, la population semblait ne pas prendre au sérieux jusqu’au milieu des années 2010 ! Se souvient-on que, dans l’hiver 2011, quelques membres du Groupe d’Action Royaliste organisèrent la première dénonciation dans la rue, non loin de l’église de Saint-Germain-des-Près, de la « retraite à 67 ans » que, déjà, prônaient l’Allemagne et la Commission européenne ? A l’époque, mes collègues professeurs m’assuraient que cela n’arriverait jamais en France, que c’était impossible et ils haussaient alors les épaules quand je leur citais les articles de l’époque, rares, qui évoquaient cette perspective. Et maintenant, les mêmes préfèrent se réfugier dans une sorte de fatalisme que je ne peux partager, courbant le dos en espérant que le vent du boulet ne les défrisera pas trop…

 

Il n’est pas souhaitable de suivre l’exemple allemand qui, en ce domaine comme en tant d’autres, ne peut être un modèle : la France n’est pas l’Allemagne, et l’appartenance de notre pays à la même Construction européenne ne saurait être interprétée comme une confusion entre toutes les nations y trouvant place. L’Union européenne, la mal nommée, n’est pas et ne peut être une démission des nations devant une Commission peu crédible et trop « économiste » pour être vraiment sociale et politique.

 

Il est d’abord une simple raison démographique qui évite de confondre la France avec l’Allemagne : la première, toute République qu’elle soit et malgré qu’elle le soit, a développé un modèle démographique original depuis les années 1930, qui parvient à concilier vie familiale et activité professionnelle, sans doute de manière pas totalement satisfaisante mais suffisante néanmoins pour permettre un certain équilibre démographique, ce que prouve, a contrario, le déclin provoqué par les mesures fillonistes puis hollandistes moins favorables au bon développement de notre démographie nationale. Néanmoins, et malgré les difficultés et les maladresses (?) des gouvernements, la démographie française fait preuve d’une certaine résilience, même si le taux de fécondité des Françaises d’ancienne appartenance est moins élevé que celui des Françaises de fraîche naturalisation, et il s’agit désormais de redresser ce taux dans des délais assez courts pour éviter l’élargissement d’une « vallée » démographique préjudiciable à long terme à notre pays et à son système de retraite par répartition.

 

Pour maintenir un niveau des retraites le plus socialement juste, il est trois pistes majeures sur lesquelles travailler pour tout Etat digne de ce nom : la valorisation des naissances et le bon accueil des populations naissantes et à naître ; la diminution forte du chômage des nationaux en France ; la possibilité d’un âge légal (de l’accès à la retraite) modulable selon les professions, les fonctions de chacun au sein de celles-ci et le désir, qui doit être pris en compte s’il est clairement exprimé, d’aller au-delà des limites d’âge légales pour ceux qui le souhaitent et sont reconnus médicalement et professionnellement comme susceptibles de poursuivre leur activité professionnelle usuelle dans de bonnes conditions, avec les aménagements nécessaires si besoin est… Mais il est aussi d’autres pistes à étudier comme celles d’une meilleure intégration au travail en France de ceux qui y ont étudié et dont les études ont été financées par les contribuables français, et cela pour freiner une émigration des cerveaux français vers les grandes puissances étrangères, émigration qui, en définitive, accroît les déficits publics français ; la création dans toutes les branches professionnelles dans lesquelles cela est possible de caisses de retraites autonomes, qui constituent une sorte de « patrimoine corporatif » destiné à assurer des retraites honorables à leurs cotisants sans aggraver la pression sur les fonds publics ; le « redéploiement rural » pour organiser de meilleures conditions d’accueil pour les retraités de tous niveaux de ressources dans des zones moins coûteuses pour ceux-ci ; etc. Cette liste de quelques mesures n’est évidemment pas exhaustive, mais elle cherche à prouver que ce ne sont pas les propositions qui manquent mais bien plutôt la volonté politique pour les initier et les ordonner, ou, au moins, pour les essayer…

 

En fait, la République est aujourd’hui bloquée et, plus grave encore, bloquante : quand il faudrait une véritable stratégie qui ne soit pas qu’économique et financière, mais aussi sociale et politique, aussi bien nationale qu’ouverte aux solutions provinciales ou communales, publiques comme privées, la République se contente d’une approche comptable et trop souvent « kafkaïenne » de l’immense question des retraites professionnelles, au risque de ne pas saisir les enjeux de demain et de mécontenter tout le monde sans résoudre l’épineuse question des financements nécessaires, question importante mais qu’il faut intégrer dans la question plus large de notre société, de ses équilibres et de sa pérennité historique.

 

Il n’y a pas, certes, de réponse « absolue » à la question des retraites, et la Monarchie royale n’a pas un sceptre magique qui lui permettrait de tout résoudre d’un coup et définitivement, mais l’inscription de la magistrature suprême de l’Etat dans le « temps long » peut être une garantie supplémentaire de recherche et de volonté de résolution d’une question qui risque d’être, encore, évolutive : or, le devoir du politique d’Etat est de protéger les populations qui sont sous sa souveraineté, et d’assurer au mieux les conditions, parfois difficiles à cerner, de sa prospérité, y compris face aux pressions de la mondialisation et de l’idéologie dominante parfois cruelle pour les plus faibles. A défaut de pouvoir appliquer les mêmes solutions que celles pratiquées par le saint roi Louis IX en son temps, il faut du moins retrouver au cœur de l’Etat et de sa pratique contemporaine l’esprit de justice sociale cher au monarque médiéval…

 

 

 

12/01/2009

Surpopulation ou surconsommation ?

J’ai évoqué il y a quelques jours l’agacement que je ressentais devant la poussée de fièvre malthusienne qui s’est exprimée bruyamment à l’occasion de l’annonce des chiffres du dernier recensement en France : or, il se trouve que « Le Monde 2 », dans son édition du samedi 10 janvier 2009, publie un long article qui démonte quelques uns des arguments des néo-malthusiens, avec un à-propos tout à fait bienvenu…

Tout d’abord, il faut remarquer que les pays du Sud, en quelques années, ont vu leur taux de fécondité diminuer de façon impressionnante comme, par exemple l’Iran qui, d’un taux de 6,5 enfants par femme en 1985, en est désormais à 2, même s’il faut relativiser ce chiffre en soulignant que celui-ci est aussi le résultat d’un recul de l’âge de la maternité et signaler aussi que le principe de l’inertie démographique fait que les populations des pays du Sud vont continuer à fortement croître dans les deux ou trois prochaines décennies.

D’autre part, l’augmentation des niveaux de vie dans de nombreux pays aura, semble-t-il, tendance à freiner encore, dans le demi-siècle qui vient, l’accroissement naturel car les populations en voie d’enrichissement, par un réflexe souvent inconscient d’épargne (pour éviter la dispersion de leurs nouveaux patrimoines), limitent alors le nombre de leurs naissances. Sans oublier les politiques de contrainte comme celle de « l’enfant unique » en Chine qui, au-delà du coup de frein démographique, a entraîné un déséquilibre des naissances au grand détriment des populations féminines (100 femmes pour 117 hommes, déséquilibre qui se manifeste aussi en Inde dans des proportions pratiquement similaires).

Bien sûr, les prévisions pour 2050 tournent autour de 9 milliards d’habitants soit plus de 2 milliards supplémentaires par rapport à 2009 sur une planète qui, aujourd’hui, peine encore à réduire la sous-alimentation. Mais, et c’est ce que souligne avec pertinence l’article du « Monde 2 », sur le conseil d’experts démographes de l’OCDE, « la population ne pose pas un problème en soi. Les pressions exercées sur les ressources naturelles et l’environnement ne proviennent pas du nombre d’habitants mais de leurs habitudes de consommation. »

Ainsi, ce qui pose problème, c’est bien le principe d’une société de consommation, que l’on pourrait qualifier de « consumation », qui, de par son essence (« consommer pour produire »…), ne parvient pas à réfréner ses appétits, au risque de gaspiller les ressources animales, végétales et minérales, en quelques décennies prochaines. Comme le conclue l’article : « A nouveau, les politiques sont en cause. Pas le nombre d’habitants ».

Il faudra bien poser, un jour ou l’autre, la question de la « décroissance » (et non celle de la « dépopulation ») qui n’est rien d’autre, au-delà de l’économie ou du développement, que la grande question de la civilisation, et de ce que nous souhaitons transmettre à nos enfants : des problèmes ou des bienfaits ?