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08/01/2011

Pas d'Europe sans les Etats.

J'étais il y a deux ans candidat royaliste aux élections européennes, sur la liste « Alliance Royale » du Grand Ouest et, depuis, j'accorde une grande importance aux questions et débats européens, trop souvent méconnus ou négligés dans notre pays mais aussi dans les autres Etats membres de l'Union européenne, souvent bien mal nommée... Il est d'ailleurs fort dommage que la revue « Europa » qui voulait poser les questions géopolitiques d'un point de vue européen ait disparu après... le premier numéro de l'hiver 2009-2010. Dommage mais éminemment révélateur d'un certain désintérêt pour les questions européennes et particulièrement pour celles qui ne sont pas purement financières ou économiques !

 

Sans doute faut-il se remettre à « penser l'Europe » et cela au-delà même de la seule « Union européenne » dont il n'est pas dit qu'elle soit la « seule forme d'Europe possible » comme tentent de le faire accroire nombre de politiciens ou d'experts économiques autoproclamés : en effet, l'histoire a souvent eu la drôle d'idée de ne pas se conformer aux désirs des hommes d'Etat ou aux prédictions des économistes, et il ne sert à rien de la récrire si l'on oublie qu'elle reste toujours vivante, au-delà même de sa réalité du moment, vivante par ce qu'elle évoque, ce qu'elle légitime parfois, ce qu'elle réveille aussi !

 

Il y a eu, dans le passé, des constructions territoriales et politiques qui peuvent apparaître comme des préfigurations de l'Union européenne, mais avaient-elles toujours les ambitions que certains leur attribuent aujourd'hui ? Ainsi, l'idée impériale de Charlemagne était-elle « européenne »? Peut-on voir dans le « noyau carolingien » le début d'une construction européenne confirmée plus d'un millénaire après par les plans de Monnet et Schuman ? Certains, y compris en France dans les années sombres de l'Occupation, ont voulu y croire, au risque même de baptiser leur collaboration active militaire au IIIe Reich de cet illustre patronyme et finir dans les ruines fumantes du Berlin hitlérien...

 

La question se pose de même pour Napoléon Ier dont la Grande Armée, celle-là même qui s'est perdue dans les neiges de Russie en 1812, comptait des soldats de toutes les nationalités du continent européen ou, plutôt, de l'Europe continentale, l'Angleterre n'ayant pas cédé, habituelle « perfide Albion », aux avances musclées de l'empereur républicain. « Européenne », son ambition ? Ou simplement napoléonienne ? Ou poursuite d'un rêve alexandrin ?

 

Si l'actuelle construction européenne se cherche des ancêtres, elle reste en bien des points éminemment inédite et devrait, à mon sens, se penser comme telle si elle veut aboutir à autre chose qu'à une impasse : mais, en même temps, si elle doit pratiquer une certaine audace institutionnelle et géopolitique, elle ne doit pas oublier qu'elle ne naît pas de nulle part ni sans parents, plus ou moins encombrants sans doute, mais nécessaires pour lui transmettre héritages et expériences. En somme, c’est le sens de la réflexion du général de Gaulle, qui reprenait en bien des points la pensée capétienne, sur « l'Europe des Etats » (et non « des patries », contrairement à ce qu'on lui attribue souvent à tort) : une Europe qui n'a jamais encore dans l'histoire existé « institutionnellement parlant » mais qui incarnerait un certain état d'esprit européen qui existait (et qui existe encore, sans doute) par le biais des Etats eux-mêmes et de la culture particulière qu'ils portent chacun à leur manière propre.

 

Citons de Gaulle qui, tout compte fait, l'exprime beaucoup mieux que moi lors de sa conférence de presse du 15 mai 1962 : « Je ne crois pas que l'Europe puisse avoir aucune réalité vivante si elle ne comporte pas la France avec ses Français, l'Allemagne avec ses Allemands, l'Italie avec ses Italiens, etc. Dante, Goethe, Chateaubriand appartiennent à toute l'Europe, dans la mesure même où ils étaient respectivement et éminemment italien, allemand et français. Ils n'auraient pas beaucoup servi l'Europe s'ils avaient été des apatrides et qu'ils avaient pensé, écrit en quelque espéranto ou volapuk intégré. Alors, il est vrai que la patrie est un élément humain, sentimental, et que c'est sur des éléments d'action, d'autorité, de responsabilité, qu'on peut construire l'Europe. Quels éléments ? Eh bien les Etats, car il n'y a que les Etats qui, à cet égard, soient valables, soient légitimes, et en outre soient capables de réaliser. »

 

 

 

                                                                                                                                                                   (à suivre)

 

 

 

06/11/2009

Identité, formule ambiguë ?

Le débat sur l’identité nationale est un débat qui peut être intéressant s’il ne se limite pas à l’invective ou à l’étalage de banalités ou de préjugés : je commence à découper dans les journaux que je lis les tribunes et autres articles sur ce sujet, et ils sont déjà nombreux. Ainsi, dans « Ouest-France » (29 octobre 2009), cet article de l’historien Jean-Pierre Rioux titré « Ne mélangeons pas identité et nation », qui avance que le mot « identité » est un terme qui « s’applique mal à une collectivité ou à un peuple en démocratie. Sauf si l’on veut partir à la rencontre de la race, du sang et du sol de sinistre mémoire ». Et, plus loin, il souligne le caractère « égalitaire », monolithique pourrait-on dire, de cette formule « identité » : en expliquant cela, il rejoint, d’une certaine manière, et Bainville et Maurras, et il s’attaque à la conception jacobine de la nation, celle-là même qui a entraîné la centralisation abusive des hommes et des administrations de la Révolution et de l’Empire, celle-là même qui a marqué le renforcement du Pouvoir, de ce que Bertrand de Jouvenel, en bon royaliste libéral qu’il était, dénonçait sous le terme de « Minotaure » dans son ouvrage « Du Pouvoir ».

 

Néanmoins, il me semble possible d’objecter à M. Rioux que le terme « identité » n’est pas forcément limité à son caractère apparemment uniformisateur et qu’il faut bien des points de repère qui, au-delà des différences qu’il y a au sein de tout corps social, constitue un « canevas » d’appartenance à une communauté, à une société, à une nation. Mais sans doute faut-il lui préférer le terme « unité »… Appartenir à une nation n’est pas en nier les particularités et les différences en son sein, mais reconnaître une unité supérieure, qui protège les personnes et les communautés de cet ensemble sans les écraser ou vouloir les fondre dans le même moule. Après tout, c’est bien la définition jacobine et républicaine (démocratique ?) de la nation qui s’est acharné à massifier les Français pour en faire une « Nation » dont émanerait la souveraineté, une République déclarée (et il me semble que c’est encore un des principes de la Constitution française…) « Une et indivisible ». Maurras répondait à cela qu’il souhaitait une « France fédérale » et une « Monarchie fédérative », le fédérateur national (le Roi) étant l’incarnation politique, statutaire, diplomatique de la nation française. Qui dit fédération dit unité plus encore qu’identité ! Cette conception maurrassienne de la nation est aussi la reconnaissance d’une France qui, de la Bretagne à l’Alsace, de la Corse à la Normandie, prend des couleurs différentes sous le soleil, se chante avec des accents multiples et se régale de bouillabaisse comme de galettes de blé noir selon les lieux… Bainville résumait tout cela par une formule encore citée la semaine dernière par Max Gallo dans « Le Figaro », formule écrite en ouverture de cette « Histoire de France » dont je conseille, encore et toujours, la lecture : « Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. »