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11/03/2012

Un tabou historique en train de tomber...

Un de mes collègues a glissé une coupure de presse dans mon casier, en arguant du fait qu'elle pouvait m'intéresser, en particulier par ce qu'elle annonçait : une émission de télévision sur la Révolution française et, plus particulièrement, sur les débuts terribles de la République en 1793-1794.

 

L'article lui-même est effectivement intéressant mais aussi révélateur. Le titre : « la face sombre de la Révolution », en lui-même, annonce que cet événement fondateur de la République n'est sans doute pas le « bloc » que voulait y voir Georges Clémenceau ou, plutôt, que tout en accepter serait risquer d'en occulter les aspects terribles, désormais perçus de façon négative (cela n'a pas toujours été le cas...). En repensant à la formule de Clémenceau, d'ailleurs, je me suis dit que lui-même n'en méconnaissait pas les horreurs (il était Vendéen...) mais qu'il les excusait en arguant de la nécessité de sauver, coûte que coûte, la Révolution qui se faisait alors et d'en préserver l'héritage sans risquer de l'amoindrir par une critique de certains de ses moments violents. Les temps ont changé et les enjeux ne sont plus les mêmes, et il n'est pas certain qu'aujourd'hui Clémenceau serait aussi affirmatif...

 

L'article qui suivait le titre était illustré d'une gravure ainsi légendée : « Les noyades à Nantes sont un épisode de la Terreur où des milliers de personnes, suspectes aux yeux de la République, et sur ordre de Jean-Baptiste Carrier, ont été noyées dans la Loire. » Vous avez compris que l'article annonçait donc l'émission documentaire de France 3 du mercredi 7 mars (à 23 heures...) sur « Robespierre, bourreau de la Vendée ? », émission diffusée au moment même où ont repris les débats sur la notion de génocide et sur ses applications pratiques dans l'histoire, de l'Arménie de la Grande Guerre à la Vendée des débuts de la République française.

 

Carrier, si l'on suit la légende de la gravure, semble le principal coupable des crimes de la Terreur commis dans l'Ouest, ce qui pourrait décharger Robespierre et ses proches compagnons de la responsabilité des crimes républicains de Nantes et de Vendée : en fait, le corps de l'article lui-même rétablit (en partie) les faits et les véritables responsabilités. Après tout, Carrier ne fut qu'un exécutant, sans doute plus zélé que d'autres, prenant au pied de la lettre les discours enflammés des républicains de Paris appelant à la « régénération guillotinière », à cette sorte de table rase humaine (tout à fait inhumaine, en vérité…) nécessaire à l'avènement de « l'homme nouveau » révolutionnaire.

 

Voici l'article en son intégralité, avec quelques commentaires : « En 1793, la France bascule dans la Terreur. A la fin de l'année, et particulièrement dans la nuit du 13 au 14 décembre, l'armée républicaine va se livrer au massacre minutieux de milliers de Vendéens. Les textes de l'époque parlent de près de 3000 morts. » L'auteur de l'article veut sans doute parler des massacres du Mans, dont de récents travaux dans la ville ont dévoilé quelques charniers jusque là méconnus malgré les témoignages de l'époque des survivants.

 

« Cette répression sanglante, initiée par le comité de salut public commandé par Robespierre, est mal connue. Et pour cause. Elle entache par sa violence et par sa cruauté toute la séquence révolutionnaire. Richard Vargas revient sur cet épisode trouble où ce qu'on appelait « la Vendée militaire », territoire de 10 000 kilomètres carrés recouvrant aujourd'hui quatre départements, a vu sa population paysanne s'élever contre les conscriptions militaires. » Il est vrai que les paysans de Vendée n'appréciaient guère l'idée d'aller se battre loin de chez eux pour les couleurs d'une République qui, dans le même temps, s'en prenait à leurs traditions religieuses et décrochaient les cloches des églises pour en faire des canons... La révolte contre l'obligation militaire se fit aux cris à la fois de colère et de fidélité de « Vive Dieu, vive le roi ! », et les paysans s'en furent chercher quelques nobles habitués à commander pour les mettre à leur tête, malgré les réticences de ces derniers, trop conscients de la « folie » de ce soulèvement spontané face à la violence assumée de la République naissante.

 

« Considérés comme « le chancre qui dévore le coeur de la République », les Vendéens seront exterminés, sans aucune distinction d'âge ou de sexe. » Reynald Sécher n'hésite pas, en s'appuyant sur les lois votées en août et en octobre 1793 par les parlementaires français de la Convention nationale, et sur la pratique de l'extermination de masse par les fameuses « colonnes infernales » de l'année 1794 (c'est-à-dire après la fin du soulèvement vendéen...) à employer le terme de « génocide », ce qui n'a pas l'heur de plaire à quelques « gardiens du temple » qui veillent à préserver certains « tabous » de la Révolution française, envers et contre toute vérité historique. Reynald, qui est un ami de longue date, en sait quelque chose, et moi aussi, réprimandé par l'Education nationale en 1991 pour avoir fait un cours où j'avais « osé » parler de ce fameux « génocide vendéen » ! D'ailleurs, je me souviens que l'inspecteur d'histoire m'avait aussi expliqué qu'il n'y avait qu'un seul génocide au regard de l'Histoire (du moins celle que la République entend enseigner...), le génocide juif... Ce qui signifie que, aujourd'hui, cet inspecteur pourrait être dénoncé pour « négationnisme », non pas tellement du génocide vendéen mais du génocide... arménien, reconnu par la loi depuis quelques années déjà, même si cette négation n'est pas encore (et c’est tant mieux !) reconnue comme un délit passible des tribunaux, du fait de la censure récente du Conseil constitutionnel... Les temps changent, et j'aimerai savoir ce qu'en pense désormais cet inspecteur désavoué, a posteriori, par l'Etat qui le paye !

 

« Historiens et intellectuels décryptent un massacre jugé tabou. », conclue l'article, dans un élan « politiquement incorrect »...

 

Ah, au fait, une dernière chose : ce court article annonçant un documentaire télévisé n'a pas été publié par « Le Figaro » ou « Valeurs actuelles », mais dans les colonnes de... « L'Humanité-dimanche », hebdomadaire communiste ! Etonnant, n'est-ce pas ?