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05/12/2016

Les ambiguïtés de M. Fillon.

En quelques jours, le paysage électoral s'est éclairci : des figures habituelles de la politique française, presque familières depuis trois décennies, ont disparu. Qu'elles soient détestées ou aimées par l'opinion publique, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, elles ont été « remerciées », soit par le suffrage, soit par le sondage... L'actuel locataire du palais de Mme de Pompadour, lui-même, a préféré (avec le concours à peine discret de son Premier ministre) abandonner l'espoir d'une réélection et laisser le champ libre à d'autres qui se partageront les dépouilles d'une Gauche qui a, depuis longtemps, perdu trop de ses propres repères pour rester ou redevenir crédible.

 

Le royaliste que je suis pourrait se réjouir du discrédit d'une Gauche qu'il a longtemps combattue et qui lui semble désormais trop peu sociale pour mériter d'être sauvée en l'état. Mais je ne me résous pas non plus à soutenir une Droite qui, elle-même, a oublié ses traditions et ses devoirs devant les peuples de France et devant la nation historique : alors que M. Fillon a attiré une part importante du vote catholique provincial, celui-ci, malgré son enracinement sarthois, ne semble guère partager les valeurs sociales de l’Église et il ne semble pas avoir lu l'encyclique Laudato Si', ce manifeste de l'écologie intégrale et pontificale... Son libéralisme si peu original et son soutien au projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes n'ont pas grand-chose à voir avec le message du Pape ni avec celui, proche, des traditionalistes politiques : M. Fillon n'est ni Albert de Mun ni Georges Bernanos !

 

Bien sûr, son programme politique et diplomatique peut contenir quelques éléments intéressants, tout comme ceux de MM. Macron ou Mélenchon (entre autres), et nous ne les bouderons pas lorsqu'ils seront évoqués, de la défense de la place de la France en Europe ou de la nécessité de rouvrir quelques perspectives avec la Russie. Mais les bonnes intentions ne font pas un paradis, et la question sociale ne peut être sacrifiée sur l'autel de l'économie, trop sauvage quand on oublie qu'elle peut l'être avec les plus faibles. Le report promis de l'âge de départ à la retraite à 65 ans (mais M. Fillon souhaitait en 2011 un alignement sur le souhait allemand et européen de... 67 ans) n'est pas, entre autres propositions, une bonne idée ni, même, une nécessité si l'on parle économies.

 

Au moment où les peuples marquent, non pas leur peur, mais leur colère à l'égard de la mondialisation si peu sociale par essence même, il faut entendre cette insurrection démocratique, ces bulletins qui sont autant de pavés jetés au fond des urnes : M. Fillon se méprendrait s'il croyait que les Français sont disposés à tout supporter pour en finir avec une dette qui est, d'abord, de la responsabilité des gouvernements qui se sont succédé depuis tant de décennies et d'une Union européenne qui n'est plus considérée que comme une sorte de Père Fouettard en col blanc. Vouloir culpabiliser les citoyens sans inculper les dirigeants et agents électoraux du « Pays légal » européen et républicain serait dangereux et fort malheureux.

 

Cela ne signifie pas qu'il ne faille rien faire ni que les populations ne doivent pas, elles aussi, changer de pratique économique et de consommation, mais plutôt qu'il vaut mieux, d'abord, donner l'exemple d'une bonne et juste gestion quand l'on incarne, pour un temps plus ou moins long, l’État ou « l'Europe ». J'insiste sur la formule de « juste gestion » qui va plus loin que celle de saine gestion car elle rappelle que, pour faire accepter et pratiquer par tous une bonne gestion, encore faut-il qu'elle soit, socialement, juste et équilibrée, équitable. Cela implique de remettre les féodalités économiques et financières, aujourd'hui dominantes, à leur place qui ne doit pas être la première ni au-dessus des États légitimes. Si la République ne veut pas le faire, il faudra bien passer à autre chose, en écartant tout extrémisme et tout angélisme...

 

Cet « autre chose » pourrait bien, tout compte fait et toute histoire connue, prendre la forme de la Monarchie « traditionnelle dans son principe, moderne dans ses institutions » : mais celle-ci devra, pour s'enraciner dans le pays et le temps long, être, d'abord et encore, éminemment politique et sociale, et inscrire dans sa pratique que « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille ». C'était et cela reste tout le sens de la formule avancée par le royaliste social Firmin Bacconnier : « la Monarchie sera populaire, ou elle ne sera pas », tout simplement.