06/06/2011
Le 4 juin chinois.
Il est des coïncidences étranges et, en définitive, fort signifiantes : a-t-on remarqué que la première victoire d’une Chinoise, mais au-delà de la Chine même, d’une Asiatique au tournoi de raquette de Roland Garros, a eu lieu un 4 juin ? Or, cette date est aussi celle de l’écrasement du « printemps de Pékin » par les chars de l’Armée de la République populaire de Chine, symbolisé par l’évacuation sanglante de la place Tien an men, en 1989…
En somme, un 4 juin en efface un autre, et il est frappant de constater combien nos contemporains, admiratifs (à juste titre, d’ailleurs) de la performance de la jeune sportive chinoise, ont semblé en même temps donner raison à l’antique formule « Panem et circenses » (du pain et des jeux), symbole de la « distraction » favorable à l’oubli des événements gênants… C’est Muray qui évoquait cette « société distractionnaire » et en soulignait l’importance dans notre société de consommation et de l’individualisme de masse qu’elle induit et renforce toujours plus.
Cette victoire chinoise est aussi révélatrice de l’actuel basculement du monde vers l’Asie, et plus précisément vers l’Empire du Milieu : le sport est d’ailleurs un élément important de la géopolitique de puissance de la Chine, et en particulier de sa visibilité nouvelle. Les Jeux olympiques de Pékin l’ont, en 2008, déjà montré à l’envi, et cette nouvelle performance le confirme, y compris dans ce sport jadis réservé aux élites sociales : là encore, tout un symbole !
Cela nous rappelle aussi quelques erreurs que les Démocraties ont tendance à faire ou à croire, en particulier celle qui voudrait que libéralisation économique rime avec libéralisation politique : la Chine est devenue la 2ème puissance économique sans, pour autant, « démocratiser » son paysage et ses institutions politiques. Dans un article du journal économique « Les échos » d’il y a quelques mois, Jean-Marc Vittori émettait l’idée, iconoclaste au regard de l’idéologie dominante, que c’était plutôt l’absence de démocratie qui avait permis à la Chine d’atteindre son niveau actuel de grande puissance toujours plus forte ! Deng Ziao Ping, puis Hu Jintao, en abandonnant la rigueur idéologique maoïste sur le seul plan économique, ont « libéré » le dragon sans le priver de ses pouvoirs politiques…
Néanmoins, cela peut-il durer éternellement ? Peut-être pas, mais mieux vaut être prudent en ce domaine, l’histoire réserve parfois quelques surprises douloureuses à qui n’en tient pas compte et n’a pas grande humilité devant elle. Ce qui est certain, c’est que nombre de Chinois se contentent de cet état de choses, préférant le confort économique au risque politique : une situation qui satisfait l’actuel pouvoir communiste, désormais lointain héritier de Mao Tsé Toung, mais héritier tout de même.
Ce qui est tout aussi certain, c’est que le sourire de mademoiselle Li Na fait oublier les larmes ensanglantées d’un temps qui semble, en notre société de l’immédiateté et de l’amnésie sélective, déjà si lointain, disparu de nos écrans et de notre mémoire collective… Oui, un 4 juin peut en cacher, presque définitivement, un autre. Sauf pour ceux qui ont cette longue mémoire utile pour comprendre le monde et préparer l’avenir, mais aussi pour, le moment venu, solder les comptes et, au-delà, savoir pardonner pour refonder…
15:35 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, tien an men, hu jintao, mao, sport, roland-garros, 4 juin.
29/05/2008
La Chine et sa nouvelle diplomatie.
Une information est passée presque inaperçue en France, c’est celle que « La Croix » évoque en première page de son édition du jeudi 29 mai, sous le titre évocateur : « La Chine révise sa diplomatie ». En fait, l’article rapporte ce qui peut être qualifié de « moment historique » selon l’éditorialiste François Ernenwein, c’est-à-dire la rencontre entre Hu Jintao, président de la Chine populaire, et Wu Poh-hsiung, président du Kuomintang, le parti au pouvoir à Taïwan (la « Chine nationaliste » qui avait été battue par Mao en 1949), sur la place Tien An Men de Pékin : « Cette rencontre, à forte portée symbolique, indique une rupture. Elle confirme que les responsables de Pékin ont entamé une révision diplomatique visant à mieux inscrire la Chine dans le jeu mondial en en intégrant les usages. Cette normalisation en direction de Taïwan en prépare sans doute d’autres, en direction des Etats-Unis, de la Russie, de l’Europe, voire de l’Afrique. (…)
Mais cette rencontre, presque précipitée, n’aurait pas été possible rapidement si les responsables de Pékin n’avaient pas gagné du poids sur la scène internationale. Mieux assurés de leur puissance, ils ont désormais changé de tactique. Plus pragmatiques, ils normalisent leurs pratiques en politique étrangère. Ils montrent un peu moins leurs muscles et discutent un peu plus. Il est vrai que la conquête des territoires renvoie au passé. Celle des marchés prépare l’avenir. »
En somme, l’économie a permis, durant deux décennies, à la Chine de remplir ses caisses en se servant des appétits de profit des grandes entreprises occidentales, avides de faire des affaires, pas seulement avec les Chinois mais aussi avec les populations de la Triade soucieuses de consommer à moindre frais. Mais, désormais, cette manne accumulée permet d’envisager l’accession au statut de grande puissance diplomatique pouvant peser sur les affaires du monde, et la Chine ne manquera pas à cette « mission », comme il sera loisible de l’observer dans les années prochaines, et pas seulement en Afrique…
Reste à savoir comment la France va se positionner par rapport à cette nouvelle donne, et quels moyens elle mettra en œuvre pour sauvegarder sa liberté de manœuvre sur une scène internationale en mutation. La relecture du fameux chapitre « Que la France pourrait manœuvrer et grandir », dans « Kiel et Tanger », ouvrage majeur de Maurras qu’il faudra bien rééditer (et commenter, voire expliquer), n’est plus seulement d’actualité, elle est d’urgence !
23:36 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, taïwan, diplomatie, hu jintao, jeux olympiques.