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01/07/2016

Le procès LuxLeaks et l'hypocrisie de l'Union européenne.

C’est un procès qui est passé (presque) inaperçu, peut-être parce qu’il se déroulait au Luxembourg. Bien qu’un journaliste français ait été poursuivi dans cette affaire, le verdict n’a guère ému le pouvoir ni les partis politiques français qui, depuis quelques jours, ne cessent de déplorer le peu d’amour des citoyens envers l’Union européenne. Pourtant, il aurait dû, si la logique (ou la morale ?) avait été respectée : l’UE ne se veut-elle pas un modèle de justice et de transparence, un Etat de Droit (sans Etat propre d’ailleurs, mais plutôt un ensemble d’Etats) et la terre d’accueil de tous ceux qui fuient les traitements et les jugements inéquitables ?

 

En fait, le procès concernait ce que l’on appelle des « lanceurs d’alerte » qui avaient signalé un système de fraude généralisée qui a coûté des dizaines de milliards d’euros aux Etats de l’UE au profit de quelques multinationales et banques peu délicates et oublieuses de leur devoir fiscal de solidarité, mais aussi au profit du Luxembourg, membre de l’Union. Trois personnes étaient ainsi traînées devant le tribunal du Luxembourg au nom du « secret professionnel et du secret des affaires », et deux d’entre elles ont été condamnées pour « vol de données, fraude informatique et divulgation du secret des affaires », tandis que le journaliste français était acquitté : comme le signale Le Monde dans son édition du vendredi 1er juillet « Edouard Perrin n’a fait que son travail de journaliste (pour l’émission « Cash investigation » d’Elise Lucet), conclut le jugement du tribunal. Une vision que le parquet du Luxembourg ne partageait pas, estimant que « la liberté d’expression journalistique » ne devait pas primer sur le respect « du secret professionnel », quand bien même il serait le témoin de « pratiques douteuses ». » Ironie du propos du parquet, à l’heure où les administrations et les Etats, mais aussi les banques et les réseaux sociaux ne laissent plus rien de « secret » à la vie privée des familles et des personnes, malgré les protestations de nombreuses personnes qui souhaiteraient conserver un peu de discrétion, voire de pudeur, dans ce monde hyperconnecté…

 

La condamnation des deux lanceurs d’alerte, elle, nous rappelle aussi que, dans cette Union européenne, ce qui compte d’abord, c’est le profit, l’Argent, les intérêts privés de quelques grandes sociétés ou des actionnaires, plutôt que le bien-être des peuples, la solidarité fiscale et la simple justice sociale.

 

Est-ce un hasard si cette affaire, débutée il y a quelques années et que l’on a nommée « LuxLeaks », avait « provoqué un vaste scandale qui avait touché jusqu’à Jean-Claude Juncker, l’ancien premier ministre luxembourgeois et actuel président de la Commission européenne » ? C’est ce qu’évoque un livre publié il y a peu sous la signature de Mme Eva Joly et intitulé « Le loup dans la bergerie », livre qui met en cause celui qui est effectivement le président de la Commission européenne alors qu’il devrait être, peut-être en prison, au moins à l’écart des institutions européennes si l’on veut qu’elles aient quelque crédit près des contribuables qui sont aussi des citoyens…

 

« Le jugement « LuxLeaks » est d’autant plus intéressant qu’il revient sur le débat qui avait opposé, en avril, la société civile à la directive sur le secret des affaires débattue à Strasbourg. Les ONG avaient vivement dénoncé un texte qui menaçait, selon eux, les lanceurs d’alerte. Le tribunal du Luxembourg semble leur donner raison. « La nouvelle proposition de directive sur le secret d’affaires adoptée par le Parlement européen entend encore resserrer le cadre de cette protection du lanceur d’alerte et augmenter la protection du secret d’affaires au niveau européen. » » Ainsi, non seulement la Commission européenne est présidée par un escroc notoire qui a coûté des milliards d’euros aux budgets nationaux des pays de l’Union, mais le Parlement européen, issu du vote des citoyens de l’Union (malgré une forte abstention récurrente), s’en fait le complice en durcissant la protection du secret d’affaires, non pour éviter l’espionnage industriel ou le délit d’initié, mais pour préserver les intérêts de quelques aigrefins de la Finance…

 

De plus, comme le souligne l’article du quotidien Le Monde, « si ni le droit luxembourgeois ni le droit français ne protègent les lanceurs d’alerte, les juges (du tribunal du Luxembourg) estiment que le droit européen ne le fait, aujourd’hui, pas davantage » : n’est-ce pas incroyable ? Pourtant, c’est bien la réalité et celle-ci ne profite pas au plus grand nombre des Européens…

 

Cette affaire et ce jugement sont terriblement révélateurs des failles, voire des fautes de l’Union européenne ou, du moins, des institutions qui la régentent. Tant qu’il n’y sera pas mis bon ordre, par l’action des Etats au travers du Conseil européen, ou par celle des parlementaires de Bruxelles et de Strasbourg (mais le veulent-ils vraiment ? Rien n’est moins sûr…), l’Union européenne apparaîtra toujours comme le règne des Puissants et de l’Argent-Maître, et elle ne sera pas aimée des peuples et des travailleurs, de ces gens honnêtes qui peuvent soutenir ou à l’inverse, par leur colère électorale, assommer les institutions et leurs servants, comme vient de le démontrer le récent vote des Britanniques…