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28/05/2013

Antigone, au-delà de la démocratie représentative.

 

Ce dimanche 26 mai 2013 était à nouveau l’occasion d’une démonstration de force de la Manif pour tous, opposée au mariage gay, et elle fut, si l’on en croit « Le Parisien », un succès : bien embarrassant pour le gouvernement en place mais aussi pour les partis politiques qui n’y retrouvent pas leurs petits, et se trouvent confrontés à un mouvement à la fois inédit et insaisissable, en tout cas difficilement récupérable. Comme me disait un vieux Camelot du Roi au milieu du bruit assourdissant des sirènes, des chants et des hurlements, alors même que les premières lacrymogènes rebondissaient sur le sol en nous enfumant, « Antigone n’a pas de parti parce qu’elle n’est pas exactement démocrate, elle est mieux et plus que cela » : ce qu’il voulait signifier, c’est que la légitimité incarnée par l’héroïne triste et brave évoquée par Sophocle ne trouve pas son compte dans les jeux partisans et dans une légalité qui doit trop aux querelles et aux manœuvres politiciennes pour pouvoir prétendre répondre à la fois aux aspirations exprimées par les manifestants du jour et aux exigences de cette civilisation humaniste à laquelle nous sommes, lui et moi, attachés.

 

Effectivement, ce qui ressort de ces événements des derniers mois, c’est la dichotomie entre ce pays légal issu des urnes et des partis, celui qui doit son pouvoir à la démocratie représentative aujourd’hui magistralement bloquée, et un pays réel qui, à force d’être moqué, méprisé et, même, réprimé, se rebiffe en clamant haut et fort son refus d’un renversement de civilisation que Mme Taubira avouait initier comme si ce projet était anodin ou naturel…

 

La grande question de la légitimité mais aussi celle de la décision politique –et de ses obligations, risques et travers- se trouvent posées, d’une certaine manière, par le mouvement de la Manif pour tous : la relecture de l’Antigone de Sophocle, tout compte fait, ne doit pas rester au niveau d’une simple étude littéraire, mais pourrait bien participer, d’une manière ou d’une autre, à cette « reconstruction d’un esprit politique », celui qui ne doit rien aux systèmes idéologiques actuels mais plonge ses racines dans l’histoire, non pour se perdre dans un passéisme malsain et vain mais plutôt pour se nourrir de ce qui fût pour faire advenir ce qui doit être.

 

Que les partis soient désarçonnés devant un tel mouvement, à la fois « civilisationnel » (sans doute plus que simplement « sociétal », ce dernier terme évitant, pour ceux qui l’emploient, de penser en termes politiques au sens fort et complet de cette dernière formule) et, pourtant, de masse alors qu’il ne s’agissait pas, croyait-on jadis, d’une affaire susceptible d’intéresser les Français et encore moins d’embraser les passions, est la preuve d’une défiance envers la démocratie représentative décevante et si démobilisatrice ces dernières années… Ce désaveu envers la démocratie parlementaire ne doit pas sombrer dans un nihilisme ou un repli communautaire, fut-il catholique, qui seraient pires que le mal : au contraire, il doit permettre de refonder une pensée de la Cité, éminemment politique et profondément humaniste, face aux dangers d’une idéologie à la fois individualiste et technophile qui nie l’humanité pour créer « son » homme nouveau, aboutissement d’une « science sans conscience » fort dangereuse pour la liberté de l’homme réel comme de son esprit.

 

Ne l’oublions pas, comme le rappelle Maurras dans un beau texte intitulé « Antigone, Vierge-mère de l’Ordre », ce n’est pas elle qui menace l’ordre de la cité et sa pérennité mais bien plutôt celui qui a alors le Pouvoir et qui croit être « la loi » quand il n’est plus, selon la formule mitterrandienne, que « la force injuste de la loi » : ce Créon qui porte aujourd’hui le nom du président Hollande et paraît comme le véritable « anarchiste destructeur de la cité » est, d’ailleurs, désigné par les foules de ce printemps 2013 comme celui qui a fauté… et qui doit partir ! Sans doute n’est-ce pas si simple mais, et sans attendre 2017, faut-il rappeler encore et toujours que ce qui fonde une cité est plus important que les lois de convenance et de circonstance destinées à satisfaire un électorat ou un groupe de pression au détriment du sens et de l’intérêt communs…

 

 

 

 

 

 

20/05/2013

Quand le gouvernement veut aller vite et passer en force...

 

Il y a quelques semaines et même encore aujourd’hui, les opposants au mariage gay se plaignaient de la brusquerie du gouvernement dans ce débat, et cela sous les lazzis d’une Gauche qui, au contraire, trouvait que les choses avaient trop traîné, et qui prônait la rapidité « pour passer aux choses sérieuses », comme si ce qui touchait à la nature même de la société et, au-delà, de la civilisation n’était pas important : en soi, un bel aveu, pourrait-on dire, de la légèreté d’une Gauche qui a oubliée depuis longtemps le sens des mots et des valeurs, et qui rechigne à lire Sophocle et Orwell !

 

Mais, voilà : ceux qui hier vantaient la méthode gouvernementale par idéologie plus que par discernement et qui, pourtant, ne se reconnaissent pas forcément dans la politique de M. Hollande, se retrouvent à leur tour piégés par les mêmes procédés utilisés pour faire passer la réforme sociétale de Mme Taubira, et découvrent, tout à coup, qu’ils pourraient bien être les prochaines victimes d’un gouvernement qui se comporte en oligarchie sur les (mauvais) conseils de la Commission européenne et de la principale puissance du continent, l’Allemagne !

 

Ainsi, dans l’édition de « Marianne » du 18-24 mai 2013, Laurent Mauduit écrit-il ce qu’il aurait pu écrire aussi auparavant sur la question du mariage gay, et qu’il est tristement drôle de lire aujourd’hui sous sa plume encolérée : « Est-ce de la désinvolture ? Ou bien de la maladresse ? Voire du cynisme ? En tout cas, le fait est là, stupéfiant : le gouvernement a lancé la prochaine réforme du système des retraites de la plus mauvaise des façons. Comme s’il se moquait éperdument des réactions d’indignation que cela pourrait susciter dans l’opinion et notamment dans les milieux les plus modestes.

Ce qu’il y a de plus stupéfiant, c’est d’abord la forme retenue par l’Elysée et Matignon pour promouvoir cette réforme. Nulle véritable concertation ! Nul débat approfondi pour tenter de trouver des pistes nouvelles ou originales –il en existe !- qui n’aggravent pas encore davantage la politique d’austérité. C’est à la hussarde que les dirigeants socialistes ont visiblement choisi d’agir. Après le défilé au pas de course, le 13 mai, de tous les dirigeants syndicaux et patronaux dans le bureau du Premier ministre, puis un nouvel et bref échange, les 20 et 21 juin, à l’occasion de la prochaine conférence sociale –qui aura de nombreux autres dossiers à son ordre du jour-, la consultation, si on peut appeler cela ainsi, sera bouclée. Et, en deux temps, trois mouvements, un projet de loi sera couché sur le papier pour être entériné à l’automne par le Parlement. » Changez le thème évoqué, et cela rappelle effectivement ce que le pays a connu avec la loi Taubira, cette même insouciance du gouvernement, qui confine au mépris, à l’égard des représentants des familles, des associations et des communautés religieuses (en particulier de l’Eglise catholique, traitée de façon indigne sous prétexte que la République était « laïque », en fait, plus sûrement, « laïciste », ce qui n’a pas le même sens…), des opposants qualifiés facilement et trop rapidement de « réactionnaires » et, nouvel élément de langage de cette « novlangue » républicaine contemporaine, d’ « homophobes ».

 

Mais pourquoi ce gouvernement de la République changerait-il de méthode, puisqu’il se pare d’une légitimité électorale acquise pour un double mandat, présidentiel et législatif, de cinq ans ? Encore quatre ans, donc, sur cette lancée, pourrait-on dire… Sous la Cinquième République, les règles sont claires et la Gauche, qui a tant critiqué le fondateur de cette République et sa création institutionnelle, s’en sert à son tour, sinon avec l’esprit gaullien, du moins avec la légalité démocratique attachée aux institutions… M. Hollande, nouveau Créon, ne cherche pas à incarner l’esprit de la Cinquième mais à se servir de ses instruments : les moyens sont au service d’une fin qui n’est pas exactement celle du général de Gaulle, si hostile à l’esprit de parti et à ses politiciens de carrière.

 

Laurent Mauduit n’a pas tort, quoiqu’il en soit, de dénoncer une méthode gouvernementale qui, si elle n’est pas anti-démocratique dans sa pratique, n’est pas forcément très démocratique dans son esprit… Car tous les efforts du gouvernement semblent être d’éviter les débats contradictoires et les pressions populaires, de quelque bord qu’elles viennent et pour quelques (bonnes ou mauvaises, d’ailleurs) raisons qu’elles soient. Dans le même temps, l’équipe de M. Ayrault suit une ligne politique et économique visiblement décidée ailleurs (à Bruxelles ou/et à Berlin) ou motivée par quelques féodalités dont elle est l’obligée (féodalités communautaristes pour la question du mariage, financières pour celle des retraites) : cela n’est guère rassurant, en fait…